Bad Tripes - Les Contes De La Tripe
Chronique CD album (45:09)
- Style
Shock Punk abats-metalliques - Label(s)
Autoproduction - Sortie
2017 - écouter via bandcamp
La bouillabaisse est un plat marseillais composé de poissons et de moules. Un classique de la gastronomie méditerranéenne. Peut-être un peu trop... C'est là qu'une petite bande d'hurluberlus décadents interviennent, toute feuille de boucher aiguisée dehors afin de bousculer un peu les traditions. Au programme : de la barbak' et des fruits mer. Les tripes sanguinolentes à la mode de Marseille saupoudré de bonnes grosses moules pas forcément très fraîches. A comprendre, Bad Tripes nous est revenu en ce jour d'Halloween 2017, quatre ans après Splendeurs & Viscères. Pour le meilleur... Et surtout pour le meilleur.
Si le précédent enfonçait le clou en recentrant et maturant son propos par rapport à sa carte de visite, Phase Terminale (2010), ce nouveau méfait, Les Contes De La Tripe, se veut bien plus subtil dans son évolution. Donnant un peu l'impression au préalable de « on prend les mêmes et on recommence » pour un résultat pouvant paraître aussi fade que fainéant, il faut parvenir à passer ce cap afin de prendre ce troisième album pour ce qu'il est : un simple affûtage des couteaux qui avaient permis la découpe des viscères précédentes. Peu d'évolution musicale par rapport à son prédécesseur, on y retrouve cette mixture ragoûtante entre punk, metal, électro et guinguette « plus franchouillarde, tu crèves ». Allant même jusqu'à s'accrocher aux mêmes types de sonorités dans les samples, cette même simplic(sm)ité de riffs punkouilles directs et « in your face », le même genre de tempos. Bref, de Splendeurs & Viscères à celui-ci, on avance en terrain connu, sans forcément de surprises, d'autant plus que Bad Tripes ne cherche pas non plus à s'égarer plus que cela au sein-même de ce troisième méfait qui sonne comme très homogène, bien qu'il ne tombe heureusement pas dans les guet-apens de la linéarité. En cela, « Les Rendez-Vous De La Bête » sonne comme l'exception au tableau avec sa dynamique nawak' catchy hyper cabaret burlesque.
C'est surtout sur les propos et l'imagerie que les Marseillais liment leurs longues dents. Bad Tripes décide cette fois de se radicaliser dans son délire. Exit les thématiques graves et générales que tout à chacun a fini par se retrouver plus ou moins directement confronté, Hikiko se pose cette fois en véritable narratrice d'histoires fictives abracadabrantesques prenant directement attache dans l'horreur malsaine du cinéma de série B. Les textes sont d'ailleurs blindés de clins d’œil et références, pour le plus grand plaisir du cinéphile du dimanche. Une plume qui n'a pas perdu de sa verve et de son charme : aiguisée comme une lame de rasoir qui a totalement perdu la juvénilité de Phase Terminale, le propos est crû, souvent profondément dérangeant. Mais clamé avec tellement de bonne humeur sautillante, exagérément théâtralisée, que ça en devient véritablement trippant. En particulier pour les femens en herbe qui pourront s'extasier de voir une telle galette puer la moule à plein nez. De la bonne chatte nauséabonde, à l'hygiène douteuse, blindée de foutre et de cyprine. Celle qui aime se faire titiller le bouton par les douces griffes de Freddy Kruger (« Fuck Me Freddy »), faire payer ses services sur la place Pigalle (« Sombre Pigalle »), s'enfoncer dans le porno dans l'espoir de vivre une grande carrière de star (« Elizabeth »), avant de devenir tellement vieille, grosse et psychopathe qu'elle en découpera des jarrets humains sur les quais de gare (« La Bouchère De Hanovre »). Non sans avoir, entre temps, partager de doux moments avec « Hansel » et « Gretel » qui pourraient éventuellement se laisser bouffer par « L'Ogre De Barbarie », revisités de manière si blasphématoire que les Grimm eux-mêmes s'en retourneraient violemment dans leurs tombes.
La Triperie renoue avec son côté plus immédiat qu'il avait un peu perdu il y a quatre ans : Les Contes De La Tripe se présente comme une succession de hits enfilés comme des perles de chair au travers du boyau. Et même si les riffs et divers gimmicks pourront paraître un brin redondants à la longue, il faut admettre que les différents morceaux composant le skeud n'ont pas leur pareil pour se graver au fer rouge dans la tête. Le combo réussit grâce à ses paroles bien achalandées à les faire passer au premier plan au point qu'il faille considérer davantage Bad Tripes comme un groupe de shock punk à textes, où les mots, la narration et divers gimmicks d'ordre visuels règnent en maître. Le clip de « La Bouchère De Hanovre » d'une mise en scène étonnante vis-à-vis du peu de budget dont dispose le quatuor impressionne et marque, notamment via la participation de jumelles malaisantes – clin d’œil certain à celles de The Shining de Kubrick – sur des chœurs que l'on retrouve tout le long du disque. Des travaux vidéo qui ajoutent une plus-value non-négligeable au caractère visuel du répertoire global et pourraient laisser présager de jolis moments sur les planches si la Triperie parvenaient à allier les opportunités de concerts en ayant la possibilité de théâtraliser à la hauteur de leurs idées/ambitions leurs prestations. Malheureusement, la boucherie marseillaise ne peut prétendre à générer énormément de profit, preuve en est de la production faite maison – bien que meilleure par rapport à Splendeurs & Viscères – laissant parfois pantois. Tout particulièrement sur certains traitements vocaux, voire des chœurs, manquant cruellement de réverbération et de relief, donnant une vilaine impression faussée de défaut technique de la narratrice en chef et de sa vilaine marmaille.
Si le doyen jaunâtre à grandes dents et oreilles de ces colonnes vous avait dépeint un acte de naissance de Bad Tripes peu reluisant il y a sept ans, il lui reconnaissait un certain potentiel dans ses intentions. Nul doute que Les Contes De La Tripe le confirme pleinement. Si une plus grande maturité musicale avait été développée dans Splendeurs & Viscères, Les Contes De La Tripe représente sans nul doute celle de son identité conceptuelle. Partir dans des délires de fiction comico-horrifiques de série B lui sied à merveille, d'autant plus qu'ils y vont avec une exubérance éhontée complètement assumée apportant un côté nawako-tubesque indéniable. On dit souvent que le cap du troisième album est celui de la maturité et de l'aboutissement, nul doute que ce constat s'applique à la Triperie.
4 COMMENTAIRES
cglaume le 12/12/2017 à 11:49:28
"doyen jaunâtre", ça fait penser à une momie à l'hygiène pelvienne douteuse :P D'abord ch'suis pô l'plus vieux. 'pis mon jaune citron il te darde la rétine avec la virulence d'un Bob l'éponge asiatique !
Margoth le 12/12/2017 à 12:17:18
Je parlais de doyen dans le sens hiérarchique voyons ! Si on ne peut même plus jeter de carottes maintenant... ;)
gulo gulo le 12/12/2017 à 19:52:30
J'aimais bien, moi, la "gravité" des textes sur les deux d'avant. Mais on se régale toujours autant, c'est donc sans rancune.
Crom-Cruach le 13/12/2017 à 13:49:16
Pas réécouté depuis le premier... vais voir ça
AJOUTER UN COMMENTAIRE