Fragments Of The Orient - Somewhere Outside the Present Human Sphere
Chronique mp3 (45:56)
- Style
Modern Technodeath progressif - Label(s)
Autoproduction - Sortie
2014 - écouter via bandcamp
On croit qu’on réussit à échapper au tourbillon abrutissant de la société de consommation, qu'il n'y a que les autres – ces pantins décérébrés – pour lécher les vitrines à longueur de temps, pour négliger ce qui est vraiment important, pour se lasser à vitesse grand V et adopter in fine une approche Kleenex de la vie… Et puis on se rend compte que, tiens, nous aussi?, on passe un temps dingue à courir après les nouvelles sorties, à fulminer dans l'attente du prochain album de Cruci-Fillon (du Fraude Metal!), à disputer un promo aguicheur à un collègue impertinent, alors que là, dans la liste des achats récents à peine écoutés, attendant sagement son tour de piste dans le lecteur MP3, se trouve Somewhere Outside the Present Human Sphere...
Si un jeune loup fraîchement excrété de son école de comm’ devait vendre l’objet à un large panel de métalleux, il n’aurait que l’embarras du choix parmi les qualificatifs et références sexy qui s'offriraient à lui sans même qu'il soit besoin de proférer ces pieux mensonges et presque-vérités qui sont le pain quotidien des professionnels vendeurs de gros.
Au titre des adjectifs, il pourrait tartiner des « Magnifique », des « Flamboyant », des « Ebouriffant », des « Volubile », des « Chirurgical », des « Massif », des « Prodigieux »...
Dans la liste des styles et autres étiquettes chatoyantes, on aurait droit à « Progressif », « Technodeath », « Metal extrême mélodique », « Deathcore technique », « Néoclassique », « Free style », « Technothrash » et autre « Modern Atmo Thrash/Death »...
Côté name dropping, on n'échapperait sans doute pas à Gorod, Symbyosis, Beneath The Massacre, Scale The Summit, Coroner et leurs amis.
Parce qu'avec son premier album, le duo américain dont il est ici question livre un gros pavé instrumental, de ceux qui dégoulinent de notes par tous les orifices, de ceux qui s’épanouissent dans d'experts geysers mélodiques, de ceux qui prennent le temps de poser des ambiances magnifiques et de dresser d’amples chapiteaux alors même que leur vitesse de croisière ne devrait leur laisser le temps que de s’agripper fiévreusement au volant. Fragments of the Orient, ce sont 2 guitares qui brodent d’enivrants canevas en mode twin, une basse ronde et joufflue, un clavier qui dispose d’épais édredons au fond de l’espace sonore, et une batterie qui… eh bien... sonne parfois un peu synthétique.
Ah?
[Blanc]...
C’est à vrai dire le premier des petits reproches que l’on pourrait adresser à l’album. Si la batterie s'avère la plupart du temps raisonnablement organique, en quelques (plutôt rares) occasions, on se dit que, quand même, tout ça semble un peu trop froid pour être vrai. Autre reproche: on pourra parfois regretter que le clavier soit un peu trop en avant, et un peu trop sucré. Mais ne lâchez pas l’affaire pour autant: cela reste très ponctuel. Pour en revenir à la rythmique tout en élargissant un peu le champs d'analyse aux instruments à cordes, il est clair qu’on baigne ici en plein XXIe siècle, étant donné que – même si la chose ne dérive pas non plus vers le Djent furieusement Meshugguien – à l'arrivée nos amis ont tendance à saccader et syncoper très souvent. Et quand l'exercice est pratiqué sous une épaisse couche de poils "Extrême", on n’est alors plus très loin de la télégraphie d’un Beneath The Massacre. Mais l'ensemble reste néanmoins très mélodique, très fluide… Et c’est tant mieux, parce que les morceaux s’étalant souvent sur des longueurs typiquement Prog, on s'exposerait dans le cas contraire à une méchante indigestion!
Mais un album, c’est avant tout une collection de morceaux. Intéressons-nous donc à ceux-ci. Et en premier lieu au brillant « Paradisiacal Expanse » qui nous offre en 2e mi-temps une chouette parenthèse à la trompette. « Machinate Conscious » habite ses 7 minutes sans jamais lasser, en faisant fumer ses leads et se permettant de petits apartés « hors cadre » à la Gorod – tantôt en tapotant du xylophone virtuel (vers 0:53), tantôt en s’offrant des breaks funky, tantôt en allant jusqu'à oser des plans Samba (vers 4:42). Avec « Cetacean Augur », on goûte à du Technothrash acéré, tandis que sur « Brain Cataracts » c’est dans le cadre d’un Technodeath rutilant que le duo se livre à d'homériques duels de 6 cordes. De « Vanquisher » on retiendra entre autre une savoureuse séance de basse trampoline (1:25), une parenthèse jazzy au saxo (à 3:16) et un fulgurant sprint néoclassique (vers 4:06). Du coup c’est un peu dommage que le groupe nous abandonne sur « Glacial Lakes », longue séance de relaxation qui semble avoir été pensée pour accompagner la sieste de fin de massage…
Susceptible de contenter gourmets et gourmands, copieux sans pour autant peser sur l’estomac, le riche Metal instrumental proposé sur Somewhere Outside the Present Human Sphere nous en colle plein les yeux, plein la tête, plein les oreilles. Un vrai régal pour les amateurs de broderies extrêmes et de raffinements brutaux! Contrairement à ce que semblait annoncer le patronyme du Chef, non non, pas de saveurs orientales ici. M’enfin ça ne m’étonnerait pas que parmi les multiples qualités de cet album, on apprenne qu’en plus il est antioxydant!
La chronique, version courte: une longue, fougueuse, experte et mélodique coulée d'un Metal [plutôt] extrême, instrumental et moderne. Voilà ce qui vous attend sur ce Somewhere Outside the Present Human Sphere qui pourra par moment vous rappeller Gorod, Symbyosis, Beneath The Massacre, Scale The Summit ou encore Coroner... On fait moins sexy comme menu!
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