Lavatory - Morbid Terror

Chronique CD album (38:52)

chronique Lavatory - Morbid Terror

« Hé les potos, j’ai une idée du tonnerre pour le nom du groupe: et si on s’appelait tout simplement Toilettes?

- Putain ça déchire Bob! Tu gères vraiment sur ce genre de détails. Ça vous va les gars?

- Ah ouais ça tue!

- Tu m'étonnes!

- Mortel. On signe où? »

 

C'est sûr, vu que Cabinet était déjà pris par Spawn of Possession pour son 1er album (comment ça « Non, là ça marche »?), il ne restait plus guère d'autre choix... A moins que – va savoir – Lavatory ne signifie en fait "Déculottée Magistrale" ou "Vasectomie Au Taille-Haie" en Malaisien… Parce que oui, c’est du cambouis issu des garages de Kuala Lumpur qui macule les liquettes de nos amis au-nom-qui-sent-bon-le-Harpic. Alors là vous vous dites: « Un groupe malaisien qui s’appelle Toilettes doit jouer du… P[un]Q Metal? ». Perdu. Lavatory est à fond les ballons dans un genre né à quelques milliers de kilomètres de ses natales plantations d’hévéas: le Swedeath. Qui plus est un Swedeath aux ongles bien cracras, bien proto-, plein de grumeaux qui sentent fort le punk et les vieux Autopsy.

 

Et ce sont tous ces éléments – ce nom improbable, cette localisation garante d’une certaine authenticité, ce côté « à l’arrache / primitif » qui rappelle la ferveur et l’approximation de nombre de groupes sud-américains – qui à la fois plombent et rendent attachant Morbid Terror, première œuvre longue durée du groupe. Parce que les 10 titres de l’album transpirent une sincérité fiévreuse, un manque de moyens flagrant (le batteur rame comme un galérien, tandis que le mixage et le mastering ont sans doute été faits par Nhung, la grand-tante du bassiste) et une naïveté originelle qui – selon le jour [et/ou] l’auditeur – seront accueillis avec un dédain poli ou la gourmandise complice du collectionneur de nanars. Parce que tout ici sent la charmante série Z de compète:

- une intro électro-acoustico-horrifico-ambiante, en total décalage – sonore du moins – avec ce qui suit

- des textes déclinant la triplette Kill / Death / Suicide écrits par Kevin Durand pour son premier Halloween, ceux-ci étant vomis avec conviction par un disciple de John Tardy (Obituary), Martin Van Drunen (old Pestilence) et d’un Chuck Schuldiner (Death) acnéique.

- un morceau-titre téléphoné, lourd de la fesse et un peu faiblard

- un pauvre bruitage vaguement horrifique apparaissant en bout de dernière piste, une minute après la fin effective de l'ultime morceau, comme pour singer ces dernières minutes de film d’horreur où l’on s’aperçoit qu'en fait, non, la créature / le spectre / le tueur / Charles Pasqua n’est pas vraiment mort

 

Du pur bonheur quoi.

 

Bon, c’est vrai quand même que le POC-POC-POC de la batterie, l’accélération brusque et hasardeuse au début de « Thousand Roads to Hell », le trop plein de gras dans lequel se retrouve figé le pachydermique « Restless Souls », ce sentiment omniprésent de déjà vu et cette prod’ bourbeuse vont en gaver plus d’un. Dans une scène Swedeath qui n’en finit plus d’enfanter de nouveaux groupes aussitôt créés aussitôt fossilisés, pas sûr que Lavatory ait tous les atouts en main pour remporter aisément la mise.

 

Sauf que justement, ce supplément d’abrasivité et d’embruns marécageux évoquant les plus basaltiquement opaques des productions de Grave ou Dismember, cette conviction primaire et sauvage, cette foi bouillonnante et brouillonne: c’est là que réside le petit plus du groupe. Et on se laisse d’autant plus facilement convaincre d’oublier toutes les imperfections qui pullulent sur ces presque 40 minutes que des titres comme « Miserable Life », « Mask of Malevolence » ou « To the End of the World » sont carrément bonnards, bien que sans une once d’imagination ou de personnalité.

 

Morbid Terror est donc un acte de foi primitif et sincère glorifiant les racines du Swedeath dans ce que le genre a de plus « proto-». Un 1er album plein d’imperfections, qui agira comme un répulsif efficace sur les esthètes et autres défenseurs du Gros Son de Bon Goût… Mais cette condition est-elle compatible avec le statut de fan d'Early Death made in Stockholm?

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Cracra, fini au cambouis et au carton-pâte, déjà vu et revu au sortir des enceintes de quelques milliers d’autres formations plus aguerries, le Swedeath de Lavatory est ce qu’il y a de plus « proto-»  et de plus « garage » dans le genre, sans l’excuse de provenir des mains d'un vétéran de la scène. Mais la sincérité et la ferveur de ce groupe malaisien arriveront certainement à toucher les plus indulgents et les plus nanarophiles d’entre vous, c’est sûr…

photo de Cglaume
le 10/09/2015

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