À L'ombre D'héméra - Saison de déceptions
Chronique CD album (35:54)
- Style
Post-metal ombragé - Label(s)
Violence in the veins - Date de sortie
09 décembre 2022 - écouter via bandcamp
On n'a pas tous les jours l'occasion d'écouter des musiques dites 'extrêmes' chantées en français, l'anglophonie étant tout de même ultra-majoritairement représentée dans cette vaste dénomination fourre-tout. Quelques noms vous viendront bien en tête par réflexe, mais vous conviendrez que ceux auxquels vous avez pensé font tout de même figure d'exceptions parmi tous les autres que vous connaissez et écoutez.
Vous pourrez donc désormais en ajouter un de plus à votre short liste avec ce troisième album des Québecois (de Lévis plus précisément, juste au sud du Saint-Laurent) d'A l'Ombre d'Héméra, Saison de Déceptions, sorti en cette fin d'année dernière sur le label espagnol Violence in the Veins et illustré par un nom bien connu des post-neocrusties de nos contrées européennes, Alex CF (Fall Of Efrafa, Morrow, ….), bien que la musique ici n'aille pas chercher du côté du crust (par contre, fort du côté post).
Puisque l'on commence par ces considérations linguistiques, jetons un œil aux textes (que vous trouverez sur leur page bandcamp) : c'est la megateuf au village. « On respire le malaise du monde d’hier et demain », comme ils le disent eux-mêmes dans « Au point de non-retour ». « Laisser entrer les ombres, laisser régner les ombres » ; un côté vaguement baudelairien sur le second morceau entre ombres et ivresse... bref, de la poésie sombre et mélancolique, qui sont « issus d’une profonde réflexion sur le mal-être existentiel ».
Ensuite, niveau musique, un premier constat, c'est que Saison de Déceptions est relativement court pour un album officiant dans le post-metal : 35 minutes seulement. Mais le ratio 'durée de l'album' / 'nombre de morceaux' est néanmoins respecté, puisque seules cinq pistes composent le disque. Vous avez le droit à la calculette pour faire les comptes.
Et tous comptes faits, cette durée est plutôt bien vue, je trouve : plus long qu'un EP, mais ne tirant pas vers l'interminable, l'écoute de cet album d'A l'Ombre d'Héméra devient de fait plutôt digeste et fluide, sans avoir l'impression de faire face à des remplissages ou de sections qui s'étireraient un peu trop en longueur, facilitant donc énormément son assimilation par l'auditorat.
Préférant concentrer leurs compositions sur l'essentiel en les soignant, ce sont donc cinq morceaux d'un post-metal abouti dans ses finitions et élaboré avec précision que l'on retrouve ici. Intégrant volontiers des mélodies d'ambiance sans toutefois rendre les ambiances toujours aériennes – l'éclaircie électrique du morceau d'introduction « S'ouvrir au mal », par exemple, ou celle plus post-rock de « Disciple je deviendrai », vite doublée de ce chant enfermé, hanté et colérique à la fois ce qui colle bien avec l'idée de déception portée à un niveau existentiel, puis très épuré et contemplatif, pas si loin d'un Explosions In The Sky (malgré la plus grande proximité géographique avec GYBE) pour toute la fin du morceau, ou encore probablement plus influencé par Isis sur les deux morceaux suivants –, écrasant les cordes comme on martèle la terre, c'est une foultitude de détails qui rendent ces morceaux de plus en plus appréciables à mesure des écoutes et de la rentrée progressive dans l'album.
La production est vraiment bonne, avec notamment un son de caisse claire que je trouve excellent, dont un usage parfois raréfié qui le rend encore plus intéressant (la section finale de « Vers l'abandon »). L'ensemble est d'une belle intensité sonore qui doit vraiment rendre les concerts très immersifs. Le jour où nous ne serons plus séparés par un océan, je ferai en sorte de pouvoir les voir sur scène.
En bref, A l'Ombre d'Héméra proposent sur Saison de Déceptions un bon album de post-metal, qui gagne en personnalité à mesure que l'on avance dans les morceaux et que l'on multiplie les écoutes. Et avec, en ce qui me concerne, un réel aboutissement sur la transition entre la fin du pénultième et tout le dernier morceau « Au point de non-retour », idéalement placés pour celles et ceux qui auront fait l'effort de pousser jusque là, zone de l'album que je trouve être à la fois le plus directement appréciable mais aussi celui que l'on a plaisir à redécouvrir après avoir mieux digéré l'ensemble du disque.
A écouter pour laisser parler les ombres.
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