Afsky - Om hundrede år

"All the beauty we miss because we have to die"

Et si, au lieu de s’appuyer sur les acceptions les plus noires, les plus délétères, les plus mortifères, au lieu de n’avoir que les mots de haine, de ténèbres, de malheurs, de morts à la bouche (même s’il peut s’en extraire des merveilles musicales), des musiciens s’emparaient des émotions les plus positives pour accoucher d’un (excellent) album de Black Metal ?!? Le Danois Ole Pedersen Luk a tenté de faire siennes de telles émotions pour son album Om hundrede år (Dans cent ans) sorti le 15 mars dernier outre-Rhin, chez le pointu label Vendetta Records (Vital Spirit, Ernte, Iffernet, Naxen, Friisk, …).

Les 6 titres qui composent le 3^e effort de cet ancien membre de Solbrud, après Sorg in 2017 et le déjà prenant Ofte jeg drømmer mig død en 2020, sont un « hommage à la vie en quelque sorte », aux « sentiments liés au fait d’être en vie », même si (surtout ?) si on sait qu’elle touche à sa fin : « Le sentiment de savoir qu'il faut partir un jour et ne plus être là. Penser que ceux que vous aimez ne sont plus là à un instant donné. Penser que la vie est unique et donc précieuse et qu'il ne faut pas la galvauder. Penser qu'il y a quelque chose que j'aimerais réaliser pendant que je suis ici sur terre. »

Et rien de mieux (peut-être…) que d’avoir cette urgence vitale et créatrice à l’esprit, lorsqu’on s’attarde sur une œuvre musicale, qui prend les traits – comme ici - d’un périple dont l’issue est avant tout de faire du bien à … soi-même et à ses proches !  Le Black Metal atmosphérique d’Afsky est ici de haute tenue, avec une maitrise instrumentale peu commune. Cela n’étonne guère au regard de l’EP acoustique "I stilhed" proposé entre ses deux derniers albums. Révélant un attrait sincère pour la musique classique, ainsi que pour les chansons traditionnelles danoises, cela n’a pu qu’aiguiser son sens mélodique, perceptible dès le début de "Stormfulde hav" qui prolonge de quelques secondes ce court-format. Cet atmoblack s’appuie sur les canons du genre mais il sait se faire intense et vibrant, avec pour sommets émotionnels les titres "Det der var" et "Fred være med støvet". Il est même élégant lorsque Ole Luk utilise sur "Tid" un clavecin, sorti tout droit des collections du Musée national du Danemark. La classe ! Souvent nos oreilles sont tiraillées par une once de vibrations mélancoliques, accompagnées par le shriek tout en souffrance d’Ole ("Frosne vind").

Heureux d’apprendre que ce voyage personnel d’Afsky, pris entre tourments et beauté, a su se transformer en élan collectif pour affronter la scène avec l’appui – outre de Martin Jørgensen à la basse – de deux membres de Heltekvad dont Ole P. Luk fait également partie : Simon Frenning Sørensen à la batterie et Simon Skotte Krogh à la guitare. En attendant leur participation à la prochaine Messe des Morts au Québec, ce quartet a partagé des concerts en glorieuse compagnie, avec Wolves in the Throne Room, Uada, Panopticon ou encore récemment Spectral Wound et Gaerea. Mais il est fort dommage que le groupe tourne souvent sur des latitudes européennes par trop septentrionales…

Seisachtheion

le 14/08/2023