Alice Cooper - Flush The Fashion

Chronique CD album (28:29)

chronique Alice Cooper - Flush The Fashion

Cela fait quelques années que l'on enregistre et faisons le deuil de divers musiciens ayant plus ou moins marqué l'histoire du rock/hard rock/metal. Et vu l'âge que commencent à avoir certains combos légendaires encore en activité qui font les beaux jours des têtes d'affiche des festivals estivaux, nul doute qu'on n'aura pas fini d'en voir de ces news tristement morbides. De toutes les figures qui ne cessent de mettre à mal le concept de « la retraite à 60 ans », s'il y en bien une qui me foutra un sacré coup de voir partir dans les abysses du diable, c'est sans aucun doute Alice Cooper. Un Vincent Furnier qui ne cesse de défier les lois de la nature en se montrant toujours plus en forme malgré qu'il frôle les 70 balais et les 50 ans de carrière. Et ce, physiquement, passionnellement et artistiquement. C'est dire, alors que beaucoup de vieux séniles s'inquiètent de la paille à adopter pour manger leur soupe, le monsieur se permet même de jouer encore le petit jeune en s'éclatant au sein d'un autre projet monté avec Johnny Depp, nommé Hollywood Vampires. La vie étant ce qu'elle est, il est peut-être temps de s'atteler à l'histoire de toute une vie, à savoir la discographie du pionnier du shock rock, avant que le destin ne joue une énième facétie en le faisant trépasser. Un sacré morceau s'il en est, qui sera distillé au compte-goutte, vu qu'on a récemment vu sortir Paranormal qui représente pas moins que la vingt-septième pierre à l'édifice. Excusez du peu...

 

Les Histoires de Grand-Mère Alice, acte 4, scène 3 : Fashion Victim

 

Se débarrasser d'une addiction et une reconstruction de soi ne se fait pas en un jour. Si From The Inside jouait un peu sur la fibre du mea culpa et du « petit moment confidences », Flush The Fashion part sur une toute autre stratégie. Déjà, le 'sieur Furnier s'est pris des vacances avec ce délai de deux ans entre celui-ci et son prédécesseur, ce qui est quelque chose d'assez exceptionnel après avoir tenu tant d'années avec un rythme moyen d'un album par an. Mais à vrai dire, au vu du déclin commercial qu'il connaît depuis quelques années, qui s'en souciait vraiment  ? Et des irréductibles qui se sont procurés ce Flush The Fashion d'entrée de jeu, il y a fort à parier que beaucoup ont dû se retrouver fortement déroutés. Car c'est typiquement le genre d'album qui ne paraît pas forcément si étrange aujourd'hui, avec le recul, mais remis dans son contexte temporel avec la mentalité associée, il est aisé d'imaginer que c'est typiquement une galette qui a tout pour se récolter des réactions bien pisse-froides.

 

Déjà, Flush The Fashion nourrit une direction assez « paradoxale » et bâtarde. A savoir, partir dans le rétro-pédalage en revenant quelque peu aux racines rock'n roll qui caractérisaient l'ère du Alice Cooper Band lorsqu'il tendait vers le rock dur sans vraiment trop l'être. Là, encore les plus hard rockeux pourront passer leur chemin tant ce n'est pas ici qu'ils trouveront du mordant et de l'agressivité. Mais comme on est en 1980, que ce genre de délire est quand même plutôt has-been, on ne pouvait pas pour autant se permettre de sortir un retour à la nostalgie sortir tel quel. Et comme l'intitulé parle de mode, autant la suivre un petit peu. Et c'est ainsi que l'on se décide à lorgner vers le nouveau phénomène de mode sonore qui commence à prendre de l'essor, à savoir la new wave. Idée tout bonnement saugrenue on l'admettra mais dans les faits, on serait tenté de dire « Et finalement, pourquoi pas ? ». Bien que l'on ne doute pas du fait que la réalité des retours de l'époque devait plutôt être du genre « Mais qu'est-ce que c'est donc que cette merde ? ». Car trop old-school pour du jeunot un peu idiot pensant qu'Elvis Presley vivait dans une grotte néandertale en allumant son feu en frottant deux silex. Et sans doute trop moderne pour le vieux briscard, que l'on imagine sans mal considérer cette arrivée des sonorités synthétiques dans le monde du rock comme une véritable ignominie, tout vieux con qu'il est.

 

D'ailleurs, pour ce dernier, j'aurais tendance à dire qu'il y a un peu de mauvaise foi. Si ce côté new wave transparaît un peu dans Flush The Fashion, on ne le niera pas, il faut quand même admettre que l'intégration de sonorités synthétiques ne sont finalement pas si envahissante (le single « Clones (We're All) » est le seul à vraiment jouer la surenchère là-dessus finalement). L'inspiration tient surtout de la production en elle-même tant l'on sent comme un certain vent de froideur en terme de rendu de mise en son. Et qu'au final, la base tend quand même beaucoup plus vers le retour aux racines plutôt qu'à tenter de se taper l'incruste dans les playlists des boîtes de nuit branchouilles de l'époque. En effet, on pensera quand même pas mal à Queen sur « Pain », ça balance le petit rockabilly pas mal senti sur « Leather Boot », « Model Citizen » ou « Grim Facts » renvoient aux prémices des influences punk à la Stooges (voire un brin de Nina Hagen Band pour le second d'ailleurs, les excentricités vocales en moins) tandis que l'ombre des Rolling Stones plane sur « Dance Yourself To Death ». Bref, ils sont fort loin ces petits minets de Depeche Mode, The Cure ou encore « ce traître » de Captain Sensible (The Damned) au final. On s'étonnera d'ailleurs de constater que les différentes incursions de synthés ne font pas si kitschouilles qu'on aurait pu le craindre de prime abord (passé la remise en contexte bien entendu). Au contraire, ça amène le petit vent de fraîcheur recherché, apporte une dynamique supplémentaire, tant ce genre de gimmicks est bien dosé et équilibré à l'ensemble. On sourira même sur le petit rendu disco-SF de « Nuclear Infected » et « Aspirine Damage » jusqu'à vraiment se dire que finalement marier le neuf avec le vieux rend vraiment très bien.

 

Bref, en terme de mariage de deux écoles que pourtant tout semble opposer, cela se passe plutôt bien. Et cela se serait sans doute mieux passé encore si le potentiel des titres étaient meilleurs. C'est là le problème de Flush The Fashion et de finalement toute cette période un peu trouble de reconstruction d'Alice Cooper : sans forcément être désagréable pour autant, il n'y a pas matière que ça se hisse dans le haut du panier non plus. Ça se laisse écouter sans ressentir la moindre animosité, il y a de bonnes idées mais il n'y a rien véritablement qui ne viendra réellement s'imposer comme ce que l'on a pu avoir lors de la période dorée du Alice Cooper Band et du début de l'échappée en solitaire de Furnier. Il n'empêche que Flush The Fashion pose un concept intéressant : on peut très bien se situer à mi-chemin entre old-school et modernité sans forcément que le rendu ne soit dégueulasse et hors de propos. Et il le montrera d'ailleurs d'autant mieux beaucoup plus tard, d'une autre manière (mais toujours empreinte de froideur synthétique) certes, lors du tandem Brutal Planet / Dragontown.

photo de Margoth
le 11/10/2020

1 COMMENTAIRE

el gep

el gep le 19/10/2020 à 20:01:40

Bigre! Cet album-là m'était complètement inconnu à ce jour!

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