Big|brave - OST

Chronique CD album

chronique Big|brave - OST

Je me souviens de ma découverte de Big|Brave : c'était avec le clip de "Half breed" qui annonçait la sortie de Vital en 2021. Tout en respectant la sacro-sainte règle des 3L (lent, lourd, long), leur doom dronesco-sludgesque expérimental se déployait sur 9 minutes avec la voix de Robin Wattie qui donne envie de se scarifier le coeur en pensant aux amours perdues et au faix de la vie : écorchée, envoûtante, possédée. A l'écran, un corps inerte, couché en bord de route, au milieu de feuillages automnaux. Au gré des martèlements chamaniques de la batterie de Tasy Hudson et des vagues vrombissantes de la guitare de Mat Ball, le corps se retrouve enseveli sous de la terre noire. Ou comment, avec 3 dollars et une idée simple, on peut réaliser un clip en parfaite adéquation avec la musique. Une épiphanie musicale que toute une communauté de mélomanes découvrit à ma suite. Le groupe existait déjà depuis un moment, et on tardait peu à savoir que le Roadburn, ce festival qui redéfinit la lourdeur, le compte parmi ces artistes qui s'y sentent comme à la maison, avec leur rond de serviette à leur nom. Ce qui définit le mieux leur musique : un sens inné du minimalisme qui envahit l'espace et le remplit d'une énergie à la fois oppressante, ample et puissante, chargée d'émotions partant des tripes pour atteindre le coeur et faire bouillir le cerveau. Totalement Roadburn-friendly.

 

Au gré des albums suivants, comme une masse organique et cosmique en perpétuel mouvement, l'univers de Big|Brave a évolué imperceptiblement, en passant par une collab avec The Body qui accouche d'un album de folk dronesque de toute beauté, pour aboutir à cet OMNI qui pourtant nourrit un indéniable sens de la cohérence dans la recherche constante que les musiciens entreprennent au fil de leur carrière. Msieudames : OST, sorti le 25 avril 2025, quelques jours après leur nouveau passage au Roadburn (leur précédente visite date de 2023) où le trio devenu quatuor a joué en intégralité Chaos of Flowers, dernier opus en date, ainsi qu'un secret show, cette spécialité du festival batave qui annonce quelques heures avant leur tenue des concerts surprises dans l'enceinte d'un skate park.

 

Quelques semaines auparavant, le groupe était de passage à Paris, et alors que je donnais rendez-vous à Mat Ball au festival de Tilburg, je remarquai au stand de merch cette nouvelle pépite, déjà disponible en vinyle. Sur sa pochette figure un curieux instrument photographié par le guitariste lui-même, qui en est également l'inventeur : des cordes de piano fixées sur une planche. D'ailleurs, cette invention porte un nom sobre : "l'instrument". Le guitariste me prévient qu'il s'agit là d'un travail encore plus expérimental qu'à l'accoutumée. Tu m'en diras tant. Les 1e extraits sur leur page Bandcamp annonçaient la couleur. Quasiment aucune percussion ni de chant au programme, et l'utilisation d'instruments inédits dans leur arsenal (des claviers et autres synthétiseurs trafiqués, du piano préparé, de la flûte, un whirly tube...) pour un minimalisme poussé à l'extrême. Autant vous dire que ledit vinyle a tourné sur ma platine autant de fois que les rotations de la lune autour de notre planète depuis la nuit des temps.

 

Construit autour du concept d'une bande originale d'un film pas encore tourné, le projet consistait à se laisser aller à l'improvisation, chacun restant libre de passer d'un instrument à l'autre, avant d'assembler les explorations de chaque membre du groupe pour ciseler minutieusement un bijou d'introspection sensorielle et spirituelle. A l'écoute d'OST, dont chaque morceau s'intitule "Innominate", l'auditeur se trouve emporté par le courant languide d'une rivière en émoi qui charrie lentement et inexorablement les fantômes des regrets et engloutit les larmes de ses propres démons. Austère en diable, l'album n'en demeure pas moins complexe et séduisant dans sa façon de réinventer les frontières de la cosmogonie du groupe en restant à l'écoute de ses pulsations. Les murmures qui ondulent entre les coups de scie cosmique sur "Innominate N°VI" semblent dialoguer avec le souffle d'un vent cinglant dont les bourrasques bousculent les notes qui s'envolent depuis les titres précédents, de "N°III" avec sa mélodie tremblante à "N°V" avec ses hoquets bavards que ne renieraient ni Nurse With Wound dans ses productions les plus inquiétantes ni Zoviet*France dans ses titres les plus grinçants, en passant par ce message codé de "N°IV" qui organise sa syntaxe à l'instinct, comme si on le percevait du fin fond du cosmos. Là où personne ne vous entend crier. Et puis vient le titre le plus nerveux, le plus rythmé, le plus tribal : "N°VII". "L'instrument" s'allie à des voix chamaniques, un piano et des percussions pour entamer une danse païenne, fiévreuse et sauvage autour de fumerolles folles qui s'envolent tutoyer l'infini. Celui qui contient tout le potentiel créatif du groupe mais qui ne le dévoile que de façon parcellaire, chef d'oeuvre après chef d'oeuvre.

photo de Moland Fengkov
le 23/04/2025

8 COMMENTAIRES

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 23/04/2025 à 17:54:14

"sorti le 25 avril"...

"Moland Fengkov
le 23/04/2025"...

Roah tu vis dans le turfu toi, collègue !

el gep

el gep le 23/04/2025 à 19:55:40

C'est un complot.

Moland Fengkov

Moland Fengkov le 23/04/2025 à 20:44:14

Hehe. Je pense surtout au fait que cette précision aura du sens une fois passée ladite date

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 23/04/2025 à 23:23:09

En vrai, le choix des chroniques publiées chaque jour ne dépendant que d'un algorithme mental dont seul Pidji a le secret, j'en tire l'unique conclusion que les indications de date de sortie conjuguées aux temps du passé sont à éviter lorsqu'on poste nos textes sur l'admin 😛

Moland Fengkov

Moland Fengkov le 24/04/2025 à 00:56:56

Ouais mais en vrai, si tu lis cette chronique en 2043, bah sa date de sorti fait sens ennemi cela qu'elle apporte 1 info, elle situe dans le temps et l'album et ladite chronique. 

Moland Fengkov

Moland Fengkov le 24/04/2025 à 04:51:01

"en*" et non "ennemi*"
Et y manque 1 E à "sorti*"

Pingouins

Pingouins le 27/04/2025 à 15:04:26

Bon il est définitivement très très arty, celui-ci. Je pense que ça sera un peu à part dans leur discographie, et en première intention je n'ai pas vraiment été happé comme à mon habitude. Je réécouterai un autre jour pour voir si un autre contexte est plus favorable.

Moland Fengkov

Moland Fengkov le 27/04/2025 à 15:43:49

Ça m'étonne pas, il sort vraiment des sentiers battus et ne s'inscrit pas dans une continuité des précédents albums, un peu comme ce qu'avait fait Emma Ruth Rundle avec son album rouge. 
Mou, j'adeure. Je l'ai bien poncé pour les besoins de la chronique, et sans forcer. Je suis sûr qu'en live ce serait génial. Mais pas dans le skate park hehe. 

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