Birds In Row - Gris Klein

Chronique CD album (42:54)

chronique Birds In Row - Gris Klein

Cette année a été plutôt bonne en ce qui concerne le hardcore hexagonal élaboré, je trouve. Déjà, le dernier EP des Carolomacériens de Quietus avait bien la classe en début d'année, de même que celui de Grief, un poil plus tard. Et ces jours-ci, c'est de la palindromique ville de Laval que nous vient le petit comité officiant sous le petit nom de Birds In Row, pour nous proposer du nouveau matériel, toujours dans sa mixture bien sentie de hardcore subtil tirant ici et là vers le screamo.

 

Si Personal War et surtout You, Me & The Violence ont vraiment beaucoup tourné chez moi (non seulement au moment de leur sortie, mais encore maintenant), j'avais été beaucoup moins happé par leur production suivante (et dernière en date), We Already Lost The World. Par contre, voir le groupe deux fois en concert avait de nouveau confirmé la qualité de cet orchestre en règle générale.

C'est donc plutôt d'un bon œil (ou plutôt bonne oreille) que Gris Klein est venu s'insinuer dans mes tympans pour la première fois.

 

C'est cette fois sur Red Creek que ça sort, un label qui a entre autres été celui de la récente collab' Final Light entre Perturbator et Johannes Persson de Cult Of Luna, pour donner une idée (il faut dire que ce label a entre autres été monté par Persson) après leur passage sur Deathwish qui avait permis de les faire exploser en termes de renommée internationale (merci tonton Jake B).

Et dès la première écoute de ce nouvel album, j'ai déjà été bien plus convaincu que par le précédent. Et toutes les écoutes suivantes sont allées dans le sens de cette première approche, accélérant le pas.

 

J'aurais envie de dire que sur Gris Klein, pour jouer au jeu des comparaisons foireuses au cas improbable où vous ne connaîtriez pas encore Birds In Row mais que les références suivantes vous parleraient, on pourrait retrouver une version modernisée d'un hardcore mélodique d'un Verse sur Agression mixé à l'urgence d'un Drei Affen déradicalisé, pour une approche subtile du hardcore qui peut aussi me faire penser ici et là aux Japonais de Heaven In Her Arms en termes de styles de composition plus que de style musical au sens strict (et même des divagations proches de chez Touché Amoré sur le dernier morceau « Secession »), mais toujours avec une touche et un son très... Birds In Row, un son et un style que les Lavallois ont su construire au fil des années d'expérience accumulée et de travail.

 

En vérité, j'aurais surtout envie de qualifier Birds In Row de groupe de 'punk rock', au même titre que PG. 99 se revendiquaient être un groupe de punk rock, selon la formule de Kurt Cobain (d'ailleurs samplée dans le morceau « Punk Rock in the Wrong Hands » sur Document #8) :

« Le punk rock, ça devrait vouloir dire 'liberté'. D'aimer ou d'écarter ce que tu veux. De jouer ce que tu veux. Aussi peu raffiné que ça puisse être. Tant que c'est bon et qu'il y a de la passion ».

 

« Punk rock should mean freedom, liking and excepting anything that you like. Playing whatever you want. As sloppy as you want. As long as it's good and it has passion ».

 

Et de la passion, de la qualité, il y en a chez Birds In Row. Et du raffinement aussi.

Presque chaque morceau a droit à une bonne intro, sur un modèle similaire mais toujours assez différenciée pour que l'on puisse identifier immédiatement ce dans quoi on s'embarque une fois l'album assimilé.

Le jeu de guitare et de la section rythmique s'inscrivent dans la continuité de ce que faisaient déjà les Lavallois de par le passé, avec quelques mélodies bien placées par dessus leur hardcore à fleur de peau, sensible et direct à la fois et qui ne sombre jamais dans la facilité.

 

Au bout du compte, je ne décrirai aucun titre dans cette chronique. Pour vous laisser le plaisir de la découverte. Et puis pour ne pas raconter trop de conneries non plus.

Tout juste dirais-je que chaque titre réserve son lot de surprises ; que le chant est excellent, écorché vif ; que les quelques sections plus calmes où les voix claires prédominent sont très réussies dans leur intégration à la progression des morceaux ; que bien plus d'une fois, un riff ou l'utilisation de certains effets m'ont fait lâcher des « ah, ça c'est très bon » (et quand je dis 'plus d'une fois', c'est plutôt par morceau que sur l'album en général) ; que pas un morceau n'est à jeter ; que l'urgence punk-hardcore qu'on leur connait est toujours bien là, avec une technicité juste bien dosée pour que ça soit prenant sans devenir démonstratif ; que la prod (mixé et masterisé par Magnus Lindberg de Cult Of Luna) sert à merveille le propos ; et finalement qu'ils tournent en ce moment avec..... Cult Of Luna, ce qui fait une bien belle affiche.

 

J'aurais aussi aimé pouvoir avoir les paroles à disposition, mais ce n'est pas le cas, aussi me contenterai-je de paraphraser ce que dit le groupe lui-même à propos de cet album, dans la fiche promo, histoire de vous donner une idée.

Quoi qu'en fait, même pas paraphraser, tout simplement les citer : Gris Klein est là parce que Birds In Row veulent « dire aux gens qu'ils et elles ne sont pas seul·e·s et peuvent compter les un·e·s sur les autres. La façon dont nous nous traitons les un·e·s les autres est politique. Et il est possible de faire confiance aux autres. Tous les 'films catastrophe' montrent des personnes qui se dressent les unes contre les autres, mais ce n'est pas ce qui arriverait. Quand les gens sont dans la merde, ils s'entraident. Voilà le message que nous essayons de faire passer avec ce disque : tendez-vous la main les uns les autres ».

 

BIR restent proches de l'éthique politique de la scène hardcore, de ce qui vient du bas, des lieux autogérés, de l'organisation horizontale basée sur l'entraide plutôt que sur la compétition, et ne s'en cachent pas. Alors moi, je veux le souligner, et les remercier pour ça.

 

On trouvera à l'écoute de Gris Klein peut-être un peu moins de fraîcheur ou de spontanéité qu'il pouvait par exemple y avoir sur You, Me & The Violence, mais Birds In Row comptent désormais avec une grande maîtrise de leur sujet, tant dans l'écriture que dans la réalisation de ces compositions. La fougue des premières années s'est donc peut-être un peu apaisée, mais on ressent encore largement toute la passion et l'engagement du groupe, ce qui est un ingrédient essentiel à ce type de musique. C'est ici pleinement réussi, pour un album subtil et sensible de grande qualité.

C'est peut-être con à dire vu le côté surfait de l'expression, mais cet album a tout à fait la gueule d'un 'album de la maturité', si cela veut encore dire quelque chose.

Je pense qu'il sera assez difficile de lui donner un successeur, plus qu'aux précédents, parce que Birds In Row accouchent ici d'une véritable carte de visite, solide et sans véritable faille apparente, qui pourrait servir d'étalon pour les années à venir.

 

Bref, vous l'avez compris : j'ai beaucoup aimé Gris Klein, et il fera probablement partie de mon top de l'année. Je ne doute pas qu'il intégrera celui d'autres membres de la rédac' de CoreandCO et aussi d'au-delà.

 

Foncez les voir en concert si vous avez l'occase. C'est vraiment très bon. Comme cet album.

 

A écouter pour se rapprocher un peu du moment où les mauvais jours finiront.

photo de Pingouins
le 13/10/2022

8 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 13/10/2022 à 08:26:31

Excellent album oui et je reste bluffé par leur capacité à se renouveler d'album en album dans un genre qui, sur le papier, paraît étriqué. Et puis au-delà ça a de belles valeurs bien gauchiasses qui me parlent. Vu hier à Lille, hélas, pas aidés par le son et sur une trop grosse scène à mon goût : c'est le genre de truc que tu vis en recevant des postillons et quelques gouttes de sueur des musiciens. Mais y'a l'énergie et ça panse ou accentue les névroses (jamais su dire si l'écoute de ce genre de musique entretient ou soigne).

Freaks

Freaks le 13/10/2022 à 16:54:45

Pour sûr c'est leur meilleur album en termes de tout.. J'ai quand même une préférence pour la fougue et l'accessibilité d'antan ;)
J'aime un peu moins le côté retors de celui-ci, néanmoins il figurera très certainement ds mon top également. 
Ça 

AdicTo

AdicTo le 13/10/2022 à 17:03:06

Perso je les ai connus avec We Already Lost The World que j’ai énormément écouté. Je trouve qu’il y a encore une belle évolution sur cette galette. Je les ai vu à Genève la semaine dernière en première partie de Cult of Luna… énervés les bonhommes :-)

AdicTo

AdicTo le 13/10/2022 à 18:06:01

En tout cas, très bonne chro, et si tu veux les paroles je peux te les envoyer en photos par mail.

Pingouins

Pingouins le 13/10/2022 à 21:04:07

Merci beaucoup AdicTo, ce serait volontiers ! Tu peux trouver mon mail sur la page de mon compte dans la section 'team' :)

Birds in Row + Cult of Luna ça fait quand même une sacrée affiche !!!

Thedukilla

Thedukilla le 13/10/2022 à 22:21:25

Vus à Lille également, avec Cult of Luna et Caspian, grosse affiche en effet.
Le son rendait malheureusement peu honneur aux morceaux, anciens comme inédits (pour le set de BIR en tout cas).
Pour les avoir vu il y a de cela quelques années à la Gare Saint Sauveur, ça reste un groupe qui n’est jamais aussi bon que lorsque ça se joue à taille humaine, et avec une vraie éthique Hardcore « a l’ancienne » (engagements associatifs, prix libres sur le merch, etc.). Jolie prise de parole sur la question de la santé mentale, aussi. Par ici on appelle ça des bons tchiots.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 14/10/2022 à 17:38:40

Bon, j'allais grogner mais la forme reste HxC indubitablement. Subtil ? Tout est relatif. Moderne sans nul doute. "Cathedrals" est ainsi tendu comme une corde d'arbalète. Marrant, ta chro, je l'ai lu dans le désordre et ça s'adapte bien au skeud.

Moland

Moland le 30/05/2023 à 13:05:19

Je viens de les voir pour la 1e fois en live. J'ai failli mourir dans le pit, écrasé contre la scène. Ils ont mis e feu !

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