Buñuel - Mansuetude

Je me suis rendu compte il y a peu qu'il fallait remercier ma dépression d'ado, puis de « jeune homme », car elle m'a sans doute empêché de finir en taule ou paraplégique ou de finir... mort. A l'époque.

Car en fait la liste de gens, anonymes ou non, à qui j'étais sur le point de démonter leur putain de gueule était, elle l'est toujours peut-être, sans fin.

Je ne parle pas de se battre, là, non : je parle de frapper, fort, tout de suite, là où ça fait très mal, là où ça blesse irrémédiablement, sans laisser le temps à quiconque de répondre de quoi que ce soit.

Actes fantasmés bien entendu, mais non moins intentionnels et dirigés : fantasmés, mais pas fantasmes, c'est pas la même.

J'me rappelle à l'initiation boxe au collège, le prof d'EPS il m'avait pris pour exemple quand je me battais sans reculer avec les terreurs de la classe qui faisaient karaté à côté ou genre, il disait en substance : ''regardez, lui il a pas peur, il sait rien faire mais il avance, il y va ! C'est comme ça qu'il faut faire, faut pas avoir peur de s'en prendre une, sinon tu fais jamais rien de rien !''. Tu parles, c't'enculé voulait s'taper ma mère qui bossait dans le même collège à l'époque, ou alors il se l'était déjà tapée, va savoir et moi j'en saurai jamais rien. Fayot de merde ! Ah-ah le prof qui est fayot avec l'élève pour s'taper sa mère, c'est pas mal, j'aime bien ! Je garde !

C'est lui que j'aurais dû taper. Vlan ! Un grand coup dans les couilles devant tout le monde, avec ses yeux déjà globuleux au naturel qui là menacent d'exploser en sortant de leurs orbites, rooh, l'alcoolo : encore plus tout rouge que d'habitude, notre bon petit Coq Sportif, il tourne au violet !

Tu crois que je dévie, mais Buñuel parle sans aucun doute de tout cela.

Oui, même des profs de sport alcoolos en jogging Coq Sportif qui se tapent ta mère.

La dépression m'a sauvé d'avoir à régler leurs comptes à tous ces putains d'idiots qui nous entourent. Mesquins, stupides, méchants, nuisibles. Tant mieux pour vous, la dépression a permis à cette colère de se tourner contre moi-même. Manque de bol, peuh, j'étais trop costaud, j'ai gagné. Scoop ! Nique ta mère la dépression et ton Coq Sportif !

Eugène aussi, il a gagné, y'a longtemps. Depuis Fuckfest. Il est passé par les travaux d'Hencule, sans doute, différents entraînements de combat, et des batailles, et des combats encore, gagnés, perdus, des patates pleine tronche, des étranglements, je ne m'imagine même pas... Tout un travail intérieur, aussi, sans doute... Mais quand j'utilise son auto-fiction élaborée par moi-même, quand je l'ai revu la dernière fois et qu'il a commencé à me raconter que « avec les iiiii-italiens, bébé, j'ai renoué et on a fait des trucs de Bad Boys, Geppy, sexy, sex-yy Gep ! », je l'ai arrêté et lui ai dit qu'il se foutait de moi. Les Italiens, la dernière fois, c'est moi qui me les suis tapés. Sciés, dépecés, broyés, passés à l'acide, bidons, égouts, disparus, y'en a plus ! Y'en a plus des Italiens, kesse qui m'en cause !?!

_ De qui tu me parles, Eugène ?

_ De mes Italiens, Gepp-yyy !

_ Les racistes de l'autre coup ?

_ Mais NON ! Eux, c'était... pas eux.

_ Béh c'était qui alors ?

_ Personne, Geppy, personne... C'était personne. Tu vas pas croire un putain d'troll de forum...

Et il fait un petit geste de la main nonchalant, j'te jure qu'il avait l'air nonchalant, ce con !

Bien entendu, vous savez ce que ça fait de découper des cadavres et de s'en, euh... débarrasser ? Je me suis débarrassé de qui alors ? C'était qui ces cadavres dans le cam'tar de Loïck ?

Donc bref ils sont toujours vivants, ses... potes. Bien. Et il fait toujours de la zik avec. Bon. Par contre, il m'a dit « y'en a un autre, rien à voir avec eux, un tri-porteur de talent peut-être, mais un foutu tripoteur de merde, Geppy, qui a du souci à se faire s'il recroise nos faces : il risque de perdre la sienne, c'te navrant ! ». Ah, lui. Lui aussi, en fait, aurait abusé de la Lady. Quand je pense que lui et Eugène avaient été embauchés pour suivre tous ces putains de zazous qui lui tournaient autour et leur régler leur compte, un jour, plus tard, peut-être... Voilà où ça va tout ça : lui-même était un de ces excités d'l'a bite incontrôlables qui n's'empêchent pas de fourrer tout ce qu'ils peuvent mettre sous leur contrôle, ces enculés !

Toi Eugène qui sais côtoyer meurtriers, dérangés de toutes sortes, tu peux accepter tant de choses et vivre avec, mais... MAIS PAS CA !

Mais tout ça c'était juste APRES avoir enregistré ce disque qui, soi-disant, pardonnerait avec naturel. Quelle ironie ! Eugène, je l'ai vu propulser sur plusieurs mètres des gars qui n'avaient même pas conscience de son existence – ce qui est peut-être un tort, en tous cas dans leur expérience précise en l'occurrence : oui.

NOYADES... avec Duane Denison en feat. sur l'acier Américain.

Ce disque, quand j'ai commencé à l'écouter, une certaine confusion m'a pris, confusion qu'en réalité je trouvai à l'intérieur de cette musique. Je voyais bien des gros plans concassés, pas si zarbys, mais pas de tenant, pas de liant, pas d'ossature, juste des morceaux d'exosquelettes saillants qui œuvraient déboussolés, craquant les os non exos en dessous, martyrisant les chairs qui les portaient comme des habits tyranniques, des voix qui se noient, oui, Duane tu sa raison, et ta guitare invitée n'est certainement pas une bouée. Effectivement. Je ne l'avais même pas reconnue, ta guitare si spéciale d'habitude...

De la confusion, donc.

Rien d'étonnant quand on côtoie Eugène. Lui n'a jamais l'air confus, par contre c'est l'une des choses qu'il provoque le plus, la confusion et la contusion, ahah !

Jaune vif est sa couleur, presque canari. Je sais pas pourquoi mais quand j'entends ces morceaux je vois du jaune. Jaune plastique. Morceaux qui ont pris du Metal en botox et un sale côté Disco sorti d'on ne sait où (''Who Missed Me'' qui enchaîne tout et son contraire d'entrée de jeu) ; j'imagine Eugène qui se dandine, large torse sur jambes fines, les bras et leurs mains toujours prêtes à partir. Jaune vif qui te gifle, plans synthétiques de batterie qu'on jurerait all fake, all plastic, ouéé, c'est sans doute voulu et désiré, mais ça fait zarby de chez zarby, mais ça me fait aussi un peu penser aux albums de synthèses des Belges de 30,000 Monkies, les derniers en date, ont eux aussi ce clinquant étrange, mais d'une autre manière, d'une autre matière... c'est juste des cousinades de Freaks !

(j'ai réécouté ensuite avec un casque et pas sur mon petit poste de l'atelier tout cheap, ça sonnait quand-même autrement, même si le côté artificiel de la batterie spécialement dans ''Who Missed Me'' était encore là)

Avant-garde, avant-garde, ils jouent quand-même un bon vieux plan Keupon plan-plan pendant un bon moment, tiens ça accroche l'oreille quand on décroche trop des jérémiades hallucinées du baratineur en roues-libres. (Nan je parle pas de moi, même si ici, « baratineur en roues-libres » collerait plutôt bien. Nan je parle toujours d'Eugene Robinson. Ici je parle beaucoup de lui, ou plutôt alors de son double fictionnel, Eugène ? Who's My Eugene ?)

Quand y'a pas fucking Limp Bizkit qui est carrément de la partie ! Avouez, é-cou-tez! Non ? Vous sentez pas l'Nookie ?

Peuh ! J'peux rien pour vous. Z'êtes sourds ma parole.

Mais je dois reparler des Italiens. La première fois que Eugene a rencontré le premier bassiste de Buñuel (parti depuis), il avait juste envie de le tuer. Parce qu'il parlait tout le temps et trop fort pendant qu'il essayait, lui, de faire un concert acoustique peu bruyant.

Oh je sais ce que ça fait. J'ai expérimenté avec juste des guitares en bois, et quand t'as pas un mur d'amplis et un batteur cogneur pour leur faire fermer toutes leurs putain de gueules, ça tourne vite aux envies de meurtre.

Les gens ne te respectent pas.

Faut qu'ils flippent pour qu'ils s'taisent.

L'Enfer. Les autres. Tous. Tout le monde.

Eugène peut faire sacrément flipper, pourtant. Le bruyant en question n'a sans doute même pas fait gaffe à ce qu'il se passait sous son nez peu fin.

Mais au final, plus je fais attention à tout ça, plus j'y vois clair, tout en deviendrait presque limpide.
C'est presque de la Pop en fait. ''Fixer'' où je ne fais aucune différence entre les voix de Megan Osztrositz de Couch Slut et l'Eugene, contrairement à Jacob Bannon où j'me disais quand-même que le père Robinson avait dû bouffer du Death-Metal ces derniers temps... Ah d'accord c'est pas lui c'est Jacob. Mais bon, Pop quand-même, souvent en fait. Un je ne sais quoi de Devo traîne par là.

Ça doit être le jaune et le plastique. BONNET ROUGE !!!

C'est très accessible une fois que les nuages se sont dissipés.

C'est Eugène qui fout des nuages partout faut dire, on ne voit plus que lui ou on ne voit plus rien, tant il prend de la place, surtout qu'il se démultiplie, plusieurs voix, plusieurs lui, Eugène, Eugene, Eugène n'est pas Eugene au cas-où vous seriez stupides, collez-vous ça dans le crâne : tout est faux.

Tout est faux, tout est vrai. Tout se veau, l'eau, le riz du veau, tout.

Si littérature il y a, alors ne compte que le parfum de la vérité, pas la vérité.

« Quelqu'un a été littéralement blessé lors de l'écriture de cette chronique ». Attention, hein !

Y'a des moments de génie, comme ces voix qui s'appellent-eh-ho-! dans ''Pimp'' comme c'est cool, ha ! Ou alors, comme dans The Easy Way Out, dès que c'est lent et mouah atmosphérique, c'est mortel. ''A Room In Berlin'', pleine de crissements, Eugene vit le truc et nous le fait vivre au milieu d'un bric-à-brac innommable. Et que dire de ''Movement N° 201'', wow...

Et de l'Indus, ''Class'' (l'intro, avant de partir en Nookie-ouilles), et un peu partout. Ça concasse. Avec une basse titanesque, une guitare à effets, mais pas tant, on n'est pas chez Topsy The Great non plus, même si bah j'en viens à me demander si y'a pas une scène Italienne spécifique au niveau de la noisy guitare... Et c'te batt' qui assassine comme une B.A.R. beuguée.

Au final, en vrai t'es dans la machine à laver ou le sèche-linge, j'hésite encore entre les deux mais personne n'a recueilli ton consentement et y'a ce gros gars, là, qui te fait une lecture de tes pires lettres honteuses pendant ce temps, mais c'est quoi ce bad trip ???

Et c'est pas possible ! C'est pas possible, ça, mes chroniques sont de plus en plus interminables, mais tu veux pas en finir, non ? Oooh je fais le jeu de mots, ou bien ? Est-ce que je veux en finir ? Oh mais arrête un peu de taper, bon sang ! Miles Davis disait à Coltrane qui ne savait plus comment s'arrêter de jouer : ''ben retire juste le sax de ta bouche, mec''.

Retire juste le sax de ta bouche.

Cette force n'est pas contre toi, retire ce flingue de ta tempe.

ET SURTOUT RESTE DERRIERE !

JE SUIS LE CYCLONE !

Regarde ce que tu me fais faire.

Mais, va, je te pardonne.

El Gep

le 07/12/2024