Chamber - A Love To Kill For
Chronique CD album (28:58)

- Style
Hardcore chaotique - Label(s)
Pure Noise Records - Date de sortie
14 July 2023 - écouter via bandcamp
Les groupes qui évoluent au fil des années, qui essaient sans cesse de se réinventer, d’apporter des idées neuves sont légions. Et c’est bien, l’effort est louable, le risque étant de se perdre en chemin, je tairais les exemples récents ou plus anciens qui illustreraient plus ou moins justement cet avis personnel. Il y a aussi les groupes qui n’évoluent pas, ont choppé un bon filon et y creusent leur galerie à grand coup d’une pioche dont ils maîtrisent le maniement et c’est bien aussi. Les nashvilliens de Chamber font partie de cette catégorie, ils ont découvert un gisement de hardcore mélodico-chaotique et leur bonne pioche musicale plus qu’affûtée y fait son trou.
Trois ans après Cost of Sacrifice, Chamber continue donc de mettre des coups de barre à mine dans le hardcore moderne et en propose une version bagarreuse, hargneuse, au propos sans ambages mais néanmoins plus qu’élaborée. Si le style a globalement peu changé, il est cependant un peu plus dur, un peu plus énervé: Chamber a perdu ses dents de lait et fait désormais ses dents de sagesses, on sent que ça saigne des gencives et que ça leur chatouille la gueule.
Avec ses 28 minutes sans Elisabeth Quin et ses 14 titres sans transitions, A love To Kill For est un perce-oreille vivace, pro-actif et qui se veut, sinon peut, être écouté comme un tout. Les pistes s’enchaînent sans aucune interlude qui sentirait la violette, le groupe se la joue Corse et distribue généreusement des châtaignes. Les mecs sont sérieusement sérieux : leur musique sent le squat pour mosheur, sûrement pas la salle aseptisé de coreux à la mode. La bagarre qu’on vous dit!
On y retrouve ce style qui allie la méchanceté de End, le chaos structurel de Pupil Slicer ou celui plus structuré de The Dillinger Escape Plan et l’approche mélodique d’un Veil Of Maya.
Cette notion de chaos se dilue grandement dans les structures qui changent de cap à peu près...euh...tout le temps, et dans les rythmiques qui atteignent un niveau de complexité étrangement délicieux. Point de breakdowns générique, point de chug-chug djentillet, rien que de la tartasse où la syncope en mode vieille bique fait la nique à la rythmique. Le groove est clairsemé, ininntuitif mais primal, ça fonctionne mais il faut s’y plonger au moins un peu. Chaotique mais jamais sombre ou méphitique: on n'est plus dans l'ambiance de The Chariot ou Norma Jean que du côté de l'écurie d'Amaury Sauvé. Chamber fait dans l'événement sportif, pas dans la thérapie de groupe.
Gabe Manuel continue de faire virevolter l’auditeur d’une ambiance à l’autre entre ses chug-chug ciselés pour tailler des oreilles dans le pit et ses leads mélodiques, des soubresauts aqueux, piquants, à l'agressivité mesurée que le pépère a su personnaliser avec cet effet de vibrato/tremolo exagéré, époumonnés par du pitch-shifting claqué au sol. Le mec a clairement sa patte, il est désormais reconnaissable parmi les grandes familles des "signatures", une belle performance au bout de deux albums seulement.
On saluera évidemment la prestation de ses compères, au nombre de 4 désormais, le groupe ayant accueilli un renfort à la guitare (pour le live sûrement).
Côté batterie, c’est toujours hallucinant de propreté, l’inventivité du métal associé à l’efficacité du hardcore, des fills hallucinants ("When Deliverance Comes" et son pont incroyable), une propreté clinique mais terriblement vivante.
La voix n’est pas en reste et même si elle semble de prime abord générique pour le style, elle ajoute ce qu'il faut de violence et entérine le propos musical.
On regrette, comme souvent et ça en devient casse-pied pour vous comme pour moi - vous avez l’impression que je radote et moi aussi - mais la basse est malheureusement un peu trop au fond du mix alors qu’elle mériterait bien mieux. On se réjouit de ces quelques moments où la guitare sait se mettre de côté pour lui laisser la place. C’est d’ailleurs le seul reproche que je ferai à Chamber. Une guitare trop mise en avant dans le mix bien que celui-ci soit hyper agréable, piquant et énergique.
Avec ce deuxième album, Chamber a troqué son statut de groupe prometteur à celui de groupe promu. Leur hardcore energico-chaotique n'est pas toujours évident à capter mais une fois que la réception est faite, on en prend plein les mirettes et on y revient. Du chaos à gogo qui en rebutera peut être certains, ceux qui manqueraient encore de rodage pour pleinement apprécier cette musique. Mais Chamber n’est ici pas élitiste et bien plus accessible qu’il n’y paraît. Insistez donc, ne faites pas les faiblards: Chamber est un formidable coup de pied musical dans la fourmilière des vieux coreux blasés comme dans celle des jeunes coreux biaisés.
On aime bien : du hardcore chaotique à son paroxysme, une vraie signature sonore…
On aime moins : …pas immédiat
11 COMMENTAIRES
cglaume le 19/09/2023 à 14:33:02
« le groupe se la joue Corse et distribue généreusement des châtaignes »
« où la syncope en mode vieille bique fait la nique à la rythmique »
J’adore 😁
Et d’autres passages auraient mérité les mêmes lauriers.
C’est pénible : ça m’oblige à lire les chroniques d’albums qui - a priori seulement ? - ne m’intéressèrent pas franchement 🙂
8oris le 19/09/2023 à 14:47:00
Je pense qu'on est beaucoup dans la team à faire ça. ^^
Pingouins le 19/09/2023 à 15:15:41
Ouais c'est un excellent album je le réécoutais encore hier, il est bien débile pile poil comme il faut 😄
Y'a de la concurrence cette année dans le genre mais ils s'en sortent clairement la tête haute.
Et super chronique comme d'hab, on fera bientôt vaciller le lapin jaune dans les bienfaits du hardcore ahah.
AdicTo le 19/09/2023 à 15:30:44
Je dirai même que ça va certainement se solder par une commande 👍🏻
cglaume le 19/09/2023 à 15:34:31
@Pingu : seulement après que tu aies pris ta carte aux Nawakoliques Non-Anonymes 😁
8oris le 19/09/2023 à 16:10:05
Ahhh j'attendais le retour de mon oiseau préféré. Content que l'album te plaise finalement ! ☺️
Pingouins le 19/09/2023 à 19:29:38
Ah mais moi j'aime bieng Chamber hein !
Du coup j'y vais de mon commentaire à deux balles : "The End", j'imagine que tu parles de End tout court (et leur album à venir annonce la bonne ambiance encore j'ai l'impression), et sinon perso à aucun moment je n'ai pensé à Pupil Slicer (ni même à Dillinger en vrai), là je trouve ça plus lourd et métallisé qu'épileptique comme les groupes ci-dessus (mais c'est peut-être une perception due à la prod' assez massive).
Si je devais faire une description caricaturale, j'aurais dit "une sorte de Norma Jean qui aurait poussé un peu les curseurs Car_Bomb-like sans trop exagérer, et sans perdre ses racines hardcore".
En tout cas y'a clairement une super évolution depuis le premier, comme tu le dis très bien ça sent le disque où ils ont vraiment trouvé leur truc et pris leur pied à le faire :)
Pingouins le 19/09/2023 à 19:31:52
@Lapingue : le nawak ça me va si ça n'en fait pas des caisses sur le feel good (et qu'il n'y a pas d'accords majeurs :p ). Hey j'ai vu Psykup plusieurs fois en concert quand même, et j'ai dans les tiroirs un disque "nawako-punko-crusty" à faire quand j'aurais la motiv :)
cglaume le 19/09/2023 à 20:42:12
un disque "nawako-punko-crusty" ? Vas-y, crache un nom !
(bon et puis de mon côté j'ai pas mal de TDEP dans mes tiroirs, et même un EP de Burnt By the Sun - alors le Mathcore / Harcore épileptique, dont il est quand même plus ou moins question ici, je connais et aime un peu quand même ;) )
8oris le 19/09/2023 à 21:54:47
@Pingouins: Oui, je sais bien mais je crois que je pensais que tu allais te jeter sur celui-là plus vite que ton ombre (et donc que la mienne)... ;)
Pour, End effectivement, une belle coquille...corrigée.
Pour la référence à Pupil Slicer et DEP, ce n'est pas tellement du côté du son que je vois une filiation mais plutôt dans les structures, dans l'approche du song-writing (si on peut appeler ça comme ça) mais je trouve ta comparaison avec Norma Jean et Car Bomb vraiment parfaite.
Moland le 20/09/2023 à 00:47:35
"Ses 28 minutes sans Élisabeth Quin". Hahaha !!! J'adeure !
AJOUTER UN COMMENTAIRE