David Bowie - Station To Station

Chronique Vinyle 12" (38:08)

chronique David Bowie - Station To Station

> « It’s too late to be late again » <

 

Hunky Dory, Ziggy Stardust et Low sont souvent appelés comme étant le trio gagnant dans l’œuvre de David Bowie. C’est pourtant sans compter sur Station To Station qui, dans ce dossier, sera le véritable numéro 1 (avec à ses côtés Scary Monsters (And Super Creeps) et Low, qui sont mon « top 3 »). Compositions, orchestrations, arrangements, chant, concision, rythme, propositions, niveaux d’accès… c’est le meilleur album de David de tous les Bowie. Rien à jeter ou à ajouter, tracklisting des 6 titres parfaitement géré entre les deux faces du vinyl, morceaux d’ouvertures et de clôtures à l’avenant.

 

« The Return of the Thin White Duke »

 

1975 est un fort point de rupture dans sa vie après deux années passées aux Etats-Unis, essentiellement sur la côte ouest. Musicalement il vient de sortir le « black soul de Philadephie » Young Americans, son premier numéro 1 dans les charts américains, qui donne suite au Diamond Dogs issu de ses aspirations théâtrales mégalomanes. Personnellement il est maintenant entouré de « copains » « stars » et de tout ce que cela doit entrainer comme vampires et vautours, s’est adonné à la magie noire, fonctionne à la cocaïne et au lait (sur des quantités – pour le premier en tout cas, pour le second le sujet n’étant que jamais évoqué – pharaoniques), ne prend plus l'avion par peur, est devenu paranoïaque...  Il est pris à son propre jeu, Los Angeles était un traquenard.

C'est dans cet environnement, et sous cette pression que nait Station To Station.

 

Et c’est maintenant la claaasse absolue (tout du moins artistiquement).

La musique, mais pas seulement. Fini les gribouillages sur le visage, les vêtements ou en fond de scène, il a rangé les crayola pour sortir une tenue et une scénographie Retour vers [son] futur à base de Buster Keaton et de Fritz Lang trempés dans de la sauce allemande parfumée Kraftwerk & Neu!. En mode daddy est de retour et ce n’est pas pour rigoler. En apparence en tout cas. Certaines apparences d’ailleurs lors de la tournée seront précédées de la projection du court métrage Un Chien Andalou de Luis Buñuel & Salvador Dali, interdit aux mineurs dans des pays sérieux comme la France du Général. Alors si en fait, il n’est pas là pour faire rigoler. Le tout en noir et blanc (asséné à grands coup de flashs stroboscopiques aux globes cérébraux des publics de la tournée).

Pourtant, comme le dit Lester Bangs dans son premier article à ne pas dézinguer Bowie, le vers d’ouverture ne le laissait pas présager : « The return of the thin white duke, Throwing darts in lovers’ eyes », ou « le retour du fin duc blanc qui lance des fléchettes dans les yeux des amoureux » (on peut rigoler, mais essayez les paroles de 'Fear Of The Dark' de Maiden ou de 'I don’t Want to Miss a Thing' de Aerosmith en français, c’est la poilade assurée). Mais la suite est d’un sérieux, aux apparences simples, et funky. Je crois que c’est pour cet album qu’a été souvent mentionné le terme « white soul ». Il a réussi à croiser le groove d’une section rythmique ultra black groove soul musclée et funky comme du Brown avec une guitare et une production, les deux, secs comme de l’arithmétique. Parfois ça bastonne, parfois ça dance, parfois ça fait l’amour, et même le tout à la fois, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Et aucuns temps morts, aucun remplissage, tout s’emboite parfaitement de bout en bout. Trois titres sur chaque face. De son plus long morceau en ouverture, le titre éponyme, à une de ses plus belles reprises en clôture (les adeptes de Nina Simone chipotent), en passant par des coups de guitares, des claquements de doigts et autres « whop whop whop » (précurseur du « Beep-beep » sur 'Fashion' en 1981), l’alchimie et la symbiose étaient de la partie. Et le groupe reprend le métronome à son compte.

 

L’illustration de la pochette est une photo prise du tournage du film The Man Who Fell to Earth dont il vient de tenir le premier rôle. Mais ce n’était pas un rôle. L’histoire de cet homme venu, d’ailleurs, n’est plus le Ziggy des étoiles qui annonce la fin de notre monde, mais Bowie en recherche de moyens pour sauver le sien. Fini les masques, en apparence, c’est le premier album où il ne semble être « que » lui. Et après 10 ans et 9 albums déjà sortis sous les traits d’autres personnages, c’est très très fort de sortir un Station To Station de cette trempe.

 

Les derniers mots sont ceux de David Bowie, sur le live VH1 Storytellers : « 1975 et 1976… et un peu de 1974… et une partie des premières semaines de 1977 (rires), furent la période la plus sombre de ma vie. […] J’étais préoccupé par des questions comme, « est-ce que les morts s’intéressent à ce que font les vivants ? », « est-ce que je peux changer la chaîne de ma T.V sans utiliser la télécommande ? » (rires). Sans le savoir cette prochaine chanson était un signe de détresse, et surement un appel à l’aide. C’est 'Word On a Wing' de Station To Station ».

 

Cette chronique fait partie du dossier sur David Bowie We were strangers when we met (Hey David Bowie !)

photo de R.Savary
le 15/01/2022

1 COMMENTAIRE

Seisachtheion

Seisachtheion le 15/01/2022 à 12:43:07

🖤🖤🖤

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