Dirt Poor Robins - Queen of the Night
Chronique CD album (47:47)
- Style
Orchestral Swing Metal / DSO sur grand écran - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
15 November 2022 - écouter via bandcamp
Même si cela ne constituait pas des présentations à la hauteur de ce que le groupe méritait – il aurait fallu pour cela tapis rouge, hall d’entrée fastueux, et annonce officielle par le grand chambellan –, la sortie de l’EP Prelude to Firework nous avait enfin donné l’occasion d’extraire le nom de Dirt Poor Robins de la malle aux pépites où il était momentanément tapi, pour l’exposer enfin au grand jour via les colonnes de cette auguste site. À croire que l'événement a créé comme un appel d’air, car les 4 morceaux de cet apéritif discographique ont ouvert notre appétit dans des proportions telles qu’il ne pouvait être question d’attendre le 6e album des Américains – prévu à l’automne – pour tremper à nouveau nos oreilles dans leur délicieuse marmite aux délices. La logique nous poussa alors à tendre le bras pour saisir le premier opus à notre portée : ce fut Queen of the Night, un 5e album « Dentelles & Féerie » envisagé comme la bande originale d’un film muet – quelque part entre Charlie Chaplin & Tim Burton –, la péloche en question ayant été conçue dans le même élan créatif par le groupe lui-même, comme un complément visuel naturel.
Comment vous dire ? Queen of the Night, c’est Diablo Swing Orchestra qui nous raconte la vie amoureuse de Jules Verne, c’est Major Parkinson qui enfile un haut de forme et nous fait visiter le chantier d’une Tour Eiffel en construction, c’est Hugo Cabret qui dirige un Big Band constitué d’automates swinguant à s'en dévisser les écrous. Ce sont des papillons dans le thorax, des machines volantes au milieu des cumulonimbus, des vélos à vapeur et des fées mélancoliques dealant des allumettes à la sauvette. Un émerveillement de chaque instant, boosté par une verve narrative héritée du grand écran. Alors oui, comme toutes les vieilles bobines auxquelles il rend hommage, le film Queen of the Night enchaîne pics et vallées émotionnelles, alterne éclats dramatiques et roucoulades romantiques, ceci avec l’emphase que réclament des scènes surjouées car muettes. La conséquence ? De généreuses louches de violons, des coulées de sucre hollywoodien, des orchestrations hyperboliques, des émois à la délicatesse un peu outrée (« Falling Upward Into Love » renvoie à une version soft du « Conquest of Paradise » de Vangelis) … Mais que tout ceci est doux à l’oreille, et stimulant dans la tripaille !
Évacuons tout de suite la question de « Gambit of Night », « Carousel », « Downpour » et « You Think Your Skull is a Mighty Fortress » : oui, on peut se permettre de réduire ce carré d’as à de doux interludes rendus nécessaires par la narration cinématographique. Les mots sont doux, les plumes légères, les caresses réconfortantes, mais ce n’est pas de là que l’album tire son sel, ni les yeux de l’auditeur leurs étoiles. Ce qui enflamme l’amateur de belles partitions et de feux d’artifice musicaux, ce sont ces morceaux higher than the sky qui mêlent swing rétro, ambiances de cabarets sépia, énergie foraine trépidante et orchestrations enflammées. Ce sont les doigts qui claquent, les cuivres qui hénissent, et les accroches irrésistibles de « Babylon ». C’est la vaste fanfare et la dynamique en allers-retours, façon orgue de barbarie, de « Come Take a Trip in My Airship ». C’est le piano-bar formidable, la voix ensorceleuse, et le refrain énorme de « Enchanté ». Ce sont les prières sacrées veinées d’éléments Rock’n’Roll, ainsi que les saveurs subtilement marines de « Komm Jesu ». C’est enfin le fantastique générique de fin « Last Goodbye », traversé de rires joyeux, de colliers de fleurs et de rayons de soleil. Le chant – essentiellement féminin, mais pas que, comme chez les deux groupes cités en référence – est superbe, la recherche de perfection se constate jusque dans les moindres détails, le verbe est gourmand… Tout concourt à ce que l’on trouve cette putain de vie formidable !
… Inutile de vous dire que je m’en veux, bordel, de ne pas avoir dégainé mon crayon à temps pour faire figurer cette merveille dans mon Top 2022 ! Mais l’absence de médaille ou de podium ne change rien au bonheur que l’écoute prolongée de Queen of the Night provoquera immanquablement chez l’auditeur amateur de nawakeries rétro… Alors allez sans délai demander audience à cette Reine de la Nuit, qui risque fort de vous maintenir éveillé jusqu’au petit matin.
La chronique, version courte : Queen of the Night est de ces albums dont on ne peut prononcer le nom qu’avec des trémolos dans la voix. Cette B.O. d’un film superbement rétro a le même goût que ce qui sortirait de la boîte à malices de Diablo Swing Orchestra et Major Parkinson si ces artistes devaient collaborer pour livrer la bande-son d’un crossover cinématographique entre De la Terre à la Lune de Jules Verne et Un Chant de Noël de Dickens. C’est merveilleux (dans tous les sens du terme), suavement vintage, grandiose, et terriblement attachant.
5 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 19/09/2023 à 09:08:50
ça donne pas mal envie pour changer du "grou grou"
noideaforid le 19/09/2023 à 09:51:40
Le penchant cyberpunk de Diablo swing orchestra. Ça fait geek mais c'est le ressenti que j'ai avec ce groupe.
Juste une chose, ça m'embête de te dire ça, car je ne suis pas une référence en orthographe et que tu es mon préféré chez core 😀 il n'y pas de S à Verne jules.
cglaume le 19/09/2023 à 10:25:39
@Crom: risque non nul que ce soit un peu trop roudoudou pour toi quand même. A voir... :)
@noideaforid : merci pour la warning. L'orthographe était bonne dans l'article mais pas dans la quick chro finale, ouch. C'est réparé. Par contre j'aurais plutôt dit "steampunk" que "cyberpunk" pour le coup. D'où Jules Verne d'ailleurs...
noideaforid le 19/09/2023 à 10:30:08
Ouais j'ai fourché pour steampunk, j'étais tellement choqué par Vernes! ^^
Crom-Cruach le 19/09/2023 à 15:27:24
C'est mignon mais clairement pas pour moi, en effet.
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