Elephant Tree - Habits
Chronique CD album (43:20)
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- Style
stoner contemplatif / americana mélancolique / doom psychédélique / sludge éthéré - Label(s)
Holy Roar records - Date de sortie
24 April 2020 - écouter via bandcamp
Si le vaste monde du stoner vous semble parfois trop formaté, avec une uniformisation de son dans ses sous-genres qui peut confiner à la redite pour le néophyte, oubliez vos repères et préparez-vous à perdre pied pour mieux quitter le sol. L’intro de « Habits » ne trompe pas (le comble pour un groupe qui s’appelle Elephant Tree) : son ambiance sidérale prépare littéralement au décollage. S’envoler, OKAYE, mais pour quelle destination ? L’infini du néant, pardi ! L’ignition des propulseurs ne se fait d’ailleurs guère attendre, puisque 1 minute plus tard, sans transition, « Sails » balance d’emblée ses riffs lourds et sensuels sur un tempo chaloupé, le tout servi par une ligne de chant clair et mélodique, ample et habitée, tandis que la basse soutient l’ensemble avec une générosité pleine de rotondités. Bienvenue dans le nouvel album des Londoniens d’Elephant Tree, qui puisent dans divers styles pour générer leur propre univers qui ici atteint une certaine maturité. Et quel univers ! Si les titres de « Habits » affichent une lourdeur flagrante qui pourrait rattacher la musique du groupe à des genres comme le doom ou le sludge, il plane sur l’ensemble une légèreté des plus éthérées qui remporte la bataille de la gravité pour entraîner le tout vers de hautes sphères métaphysico-mélancoliques. Cette ambiance doit beaucoup aux mélodies du chant, jamais agressif, introspectif, posé, languide. Et aux structures des morceaux qui, sans jouer la carte du rock progressif et psychédélique stricto sensu, établissent un équilibre entre voies de traverses et lignes droites. Témoin, « Exit the soul », dont les arrangements cosmiques s’immiscent dans les interstices laissés par les riffs chauds comme de la lave et lourds comme le poids de la vie. Même quand le titre s’enfonce davantage dans la noirceur, sur sa seconde partie, il garde cette fraîcheur et cette nonchalance qui donnent envie de tailler la route au gré de ses pensées, avant d’oublier ladite route pour partir tutoyer l’infini.
Sans jamais céder à la démonstration technique, Elephant Tree n‘en délivre pas moins une musique des plus sophistiquée, dont chaque variation permet d’augmenter la voilure. En cela, les soli apportent du carburant pour envoyer toujours un peu plus haut l’auditeur, comme sur « Faceless » avec son vrai-faux fade-away qui désintègre littéralement son final. Quand « Habits » s’accorde une pause acoustique, c’est pour lorgner du côté de l’americana spirituel. Ainsi, les 3 minutes de « The fall chorus » prolongent le passage calme du titre précédent (« Exit the soul »), à grands renforts de violons, comme si on retrouvait une âme aperçue puis perdue plus tôt, pour la voir enfin s’épanouir dans l’espace infini. A vous en foutre la chiale au coin du feu, sous les étoiles et la poussière. Et si cette âme était la vôtre, dans le fond ? Quoi qu’il en soit, la voilà en train de planer tout au long de « Bird » au titre plus qu’idoine. Ce petit chef d’œuvre offre là le moment opportun pour entrer littéralement en transe.
Huit titres pour moins de 45 minutes, Habits compte parmi ces albums dont l’écoute ne se réduit pas à cette temporalité, puisqu’il convient de se laisser engloutir dans les multiples cycles qu’il invite à entreprendre. Pour mieux laisser ses riches arcanes se dévoiler à chaque nouveau voyage. Si sa force séductrice opère dès la 1e approche, c’est seulement au bout de moult explorations de son univers que Habits finit par vous habiter.
10 COMMENTAIRES
pidji le 02/12/2020 à 09:32:39
C'est pourtant pas mon style de prédilection, mais j'avoue l'avoir écouté pas mal de fois depuis sa sortie !
Moland Fengkov le 02/12/2020 à 17:10:25
#top2020 pour ma part
Seisachtheion le 02/12/2020 à 17:24:09
J'ai hâte de te lire Moland, quand il s'agira de tomber une chro sur un album que tu as moins apprécié, voire pas aimé du tout... ^^
Moland Fengkov le 03/12/2020 à 02:56:02
Trop facile de descendre une œuvre. C'est tellement plus intéressant d'en défendre. Chercher les mots justes et tenter de donner envie.
el gep le 03/12/2020 à 08:50:02
C'est trop facile de ne parler que de ce qu'on aime, en fait!
Et c'est bien plus facile d'écouter 12 ou 15 fois un disque qu'on adore plutôt qu'un truc, mais un truc... que t'y arrives pas, quoi! Ah-ha!
8oris le 03/12/2020 à 10:17:33
Les très bons albums comme les immondes bouses, c'est très facile d'écrire dessus...Non, le pire, ce sont ceux qui naviguent entre deux eaux, les tiedasses, les grisouilles...
Carcinos le 03/12/2020 à 17:54:39
C'est sympa je connaissais pas, mais ça fait énormément penser à Lars red sky aussi
Carcinos le 03/12/2020 à 17:55:10
Hahaha Lars red sky ! non Mars red sky je me suis planté pardon
Mars Ulrich du coup ? Ouch.
Moland Fengkov le 03/12/2020 à 19:01:26
Ah oui, les disques tiédasses, c'est le pire, ceux sur lesquels t'as rien à dire... Mais le plus difficile, pour moi, reste de défendre avec les mots idoines un disque que j'aime. A part ça, le parallèle avec Lars Ulrich Red Sky est pertinent :) Et quoi qu'il en soit, cet album figure dans mon top2020
Carcinos le 03/12/2020 à 19:31:56
Oui c'est une des raisons pour lesquelles je me suis lassé de faire des chroniques.
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