Esodic - De Facto De Jure

Chronique CD album (12:42)

chronique Esodic - De Facto De Jure

Face à la pochette de De Facto De Jure, certains penseront au premier Rage Against The Machine. Et en dressant ce parallèle, ils seront loin d’être complètement à l’ouest. Ils seront même carrément à l’est. Car si, sur la couverture du second, un moine vietnamien s’immole par le feu (si bémol par le feu ? Ça reste donc musical…) pour protester contre une politique répressive, sur l’EP ici mis à l’honneur on peut tout à fait imaginer qu’il s’agit de ce vendeur tunisien dont l'identique sacrifice a fait tomber le premier domino ayant conduit à cette révolution dite de Jasmin qui a remué de nombreux pays d’Afrique du nord et de la péninsule arabique.

 

… dont la Jordanie, d’où est issu Esodic. Groupe qui, justement, a à cœur d’aborder des sujets politico-sociétaux dans ses textes. Toutes les pièces du puzzle semblent donc parfaitement s’imbriquer. Si on leur posait la question en interview, il y a de bonnes chances pour que les zigs nous confirment qu’il est bien ici question d’un hommage, ou tout au moins d’une référence à Mohamed Bouazizi, ledit vendeur tunisien.

 

Mais revenons un peu plus près de nos moutons. Esodic vient en effet d’Amman, à l’origine. Mais Zed Amarin – le batteur / leader – et ses comparses se sont semble-t-il trop souvent faits malmener par les autorités. Il faut dire que le Thrash/Death à message, ce n’est pas très compatible avec une autocratie. Le Zedounet a donc fini par déménager pour Los Angeles, où il a assemblé un nouveau line up, cette fois plus international. La chose a dû être d’autant moins difficile qu'avec le temps, le groupe a fini par acquérir une certaine renommée – si si, il a même été invité à jouer au MetalDays en 2019. Pour autant, même si à la place de Mohammed et Marwan ce sont dorénavant Kevin et Michael qui battent le Metal afin qu’il reste chaud, cela n’a pas affecté l’« orientalité » de la musique proposée. Car si les racines du groupe sont, de l’aveu même des intéressés, originellement ancrées dans les discographies de Slayer, Testament et Kreator, par la suite la formation a 1) musclé son propos (ça sent un peu le Sepultura, voire même le Nile par moment sur « Reign ») 2) injecté de grandes louches d’épices et de sable chaud au sein de son magma métallique.

 

Sur les 4 titres de De Facto De Jure (qu’on traduira par « Dans les faits Selon la loi »), il est donc question d’un Thrash/Death relativement rugueux, mais avantageusement décoré d’éléments moyen-orientaux – percussions, cordes gratouillées dans le souk, mélopées de médina, oui je sais, voilà bien là des images d'Epinal émanant d'un petit blanc, désolé, j’aurais préféré vous parler d’oud, de rabâb, de qanûn, mais je ne connais pas le détail des instruments utilisés, et je risquerais de vous dire de la mierda. À l’écoute de la chose, les noms usuels viennent logiquement en tête : Acyl, Arkan, Orphaned Land (laissons l’actualité de côté), Khalas… Chez Esodic, ces éléments ne sont pas là pour la déco, pour apporter une touche danse-du-ventre après une mosh part, ou faire croire que Michael Youn est vraiment Iznogound : ils tempèrent constamment la rustrerie des assauts métalliques, et représentent bien – allez, à la louche – 35% de l’espace sonore parcouru au cours de ces 13 minutes.

 

Pas de faute de goût, ni de piste sensiblement plus étincelante que ses consœurs : De Facto De Jure se consomme d’un bloc, le sourire aux lèvres. Néanmoins, pour bien distinguer les uns des autres, on précisera que « Dirge » fait plus dans la lenteur, dans cet accablement provoqué par les températures extrêmes. Que « Reign » démarre sur des saccades arides à haute fréquence – qu’on s’y piquerait comme à du barbelé Djent si l’on n’était protégé par la douceur de cordes locales bienveillantes. Et que le morceau-titre s’avère un peu plus franc, un peu plus urbainement groovy, comme s’il était coaché en (petite) partie par Tommy Victor (Prong). Et n'oublions pas ce point vital : tout cela est hautement accrocheur, voire addictif. Alors si vous rêvez d’aller visiter le site de Pétra avec Arise sur les oreilles, mais que vos moyens ne vous le permettent clairement pas, commencez par faire tourner ce superbe EP, et vous aurez en partie atteint votre but…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 La chronique, version courte : De Facto De Jure propose quatre titres d’un mélange fusionnel entre Thrash/Death et musiques revendiquant haut et fort la nationalité jordanienne de leurs créateurs. On pense bien sûr à Acyl, aux titres les plus rugueux d’Orphaned Land, mais dans une version revisitée par le Max Cavalera de Sepultura. Alors oui, Esodic c’est exotique (... vu depuis mon salon), mais c’est surtout percutant, délicieux, brûlant et audacieux. Et l’on y revient avec délice !

photo de Cglaume
le 24/05/2024

2 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/05/2024 à 14:44:53

"cette révolution dite de Jasmin qui a remué de nombreux pays d’Afrique du nord et de la péninsule arabique." et qui a tourné en eau de boudin, un comble pour des pays musulmans !

cglaume

cglaume le 24/05/2024 à 15:13:58

:D

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