Fange - Pudeur

Chronique CD album (39:06)

chronique Fange - Pudeur

Je ne sais pas vous mais quand j’écoute des groupes dont la musique est particulièrement sombre et volontairement malsaine, je me demande souvent comment sont ceux qui la créent. Leur musique est-elle un exutoire, l’exhalaison sonore d’esprits tourmentés par de vivaces démons ou est-elle la simple résultante artistique d’un choix stylistique ? 

Prenons Watain par exemple. Les mecs sont connus pour faire leur tournée avec des cadavres d’animaux morts dans leur coffre. Bon, tout de suite, ça plante le décor et tu sais que les types ne sont pas là pour rigoler. Il ne te viendrait pas à l’esprit de les inviter à un Noël des amis ayant pour thème les pochettes ridicules d'album de heavy metal. 

Pareil pour Shining (le groupe de Black Metal, pas le groupe de Black Metal Jazz d’Electro-pop). Tu regardes quelques interviews de Niklas Olsson et tu te dis que tu ne lui proposerais pas une petite partie de Uno. A contrario, Dani Filth, c’est beaucoup plus facile d’envisager de l’inviter à ton barbecue dominical.

Pour Fange, j’avoue que la question m’a plus d’une fois traversé l’esprit. D’autant que les mecs sont français, donc ça crée une sorte de proximité culturelle qui rend le questionnement plus fort. Mais en bon chroniqueur, il convient de séparer l’œuvre de l’artiste et aujourd’hui c’est bien de la dernière œuvre du groupe dont il est question.

 

J’avais découvert Fange l’année dernière avec leur excellent Punir. J’avais déjà été fortement impressionné par cette capacité des Bretons à installer des ambiances pesantes et intenses autour d’une base death/sludge nourrie de styles plus divers desquels ils auraient extrait la méphitique moelle.

Ce n’était pas un album dont on sortait intact car Punir marquait l’esprit d’un fer rouge mais glacial. Il fallait donc un petit temps pour s’en remettre. Et j’ai eu la présomption d’imaginer qu’il en serait de même de ces 3 prophètes apocalyptiques et qu’on n’aurait pas de nouvel album avant quelques mois. 

 

Que nenni car à peine plus d'un an après, Fange revient avec Pudeur, et l’album donne nullement l’impression d’avoir été bâclé. Bien au contraire. De la pudeur, cet album en manque cruellement et pour notre plus grand plaisir. Fange propose, impose même, une nouvelle autopsie de ses tortures psychologiques, à vif, sans antalgique et en prenant bien son temps. En résultent 8 morceaux qui sont comme ces anciennes planches anatomiques: la vue d’ensemble est peu engageante, on aurait envie de détourner le regard mais si l’on observe avec attention, les détails fourmillent et rendent l’objet magnifique dans sa malsaine crudité. Appréciables dès la première écoute, on se plaît à y retourner pour se faire retourner par la myriade de détails de composition qui font de Pudeur bien plus qu’un énième album de musique torturée sur une base death/sludge/doom.

 

Fange assoit ainsi en à peine plus de 39 minutes son metal pernicieux, vitriolique et acide déjà développé dans Punir. On retrouve donc ce même esprit sonore Swedish Death Metal mais plus sombre, plus lourd, plus froid mais surtout plus noisy et plus électronique (“Dieux Gémissants” ou “A Tombeaux Ouverts” et leurs relents indus dignes d’un Nine Inch Nails en plus piquant).

Mais ce côté électronique n’est pas un pusillanime gimmick artistique, c’est désormais une facette à part entière de Fange, froide, mécanique, implacable et donc diablement efficace. 

Cependant, il est évident que certains ne supporteront pas Pudeur et son intégrité musicale totale, malsaine, assumée et jamais feinte.

 

Le mixage sans aucune faille de Cyrille Gachet (Cryogène Prod) associé au mastering d’Alan Douches (rien que ça) rend parfaitement l’intention : la lourdeur est pesante mais jamais écrasante, les suffocations musicales respirent à grandes goulées dans un espace sonore oppressif et on se fait envelopper par les ambiances austères et intenses de l'album.

 

Fange continue donc lentement mais sûrement sa maturation en faisant de son ivraie notre bon grain et propose avec Pudeur un calice musical que l’on se plaît à boire jusqu’à la lie, un album d’une intensité sans faille, élaboré mais diablement efficace, nouvelle preuve qu’ils cultivent avec finesse le bon goût du malsain. 

 

 

On aime: l’évolution d’un groupe à l’image de leur musique: insidieuse, lente mais palpable; le mixage parfait.

On n’aime pas: un album dur, à réserver aux oreilles aguerries.

photo de 8oris
le 24/04/2020

8 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 24/04/2020 à 10:51:24

Enorme album, quelle évolution encore une fois !

pidji

pidji le 24/04/2020 à 10:59:14

❤️

Seisachtheion

Seisachtheion le 24/04/2020 à 13:26:26

Pas simple du tout à suivre/à lire en live ! Vu au Motoc 2019 avec des potes. J'ai insisté pour qu'ils viennent voir ces Bretons délurés avec moi sous la scène principale...
... 'Me suis bien fait raclé ! ^^

Seisachtheion

Seisachtheion le 24/04/2020 à 13:27:18

... taclé!
Mais tant pis pour eux ;p ! 

papy_cyril

papy_cyril le 24/04/2020 à 15:28:44

Je vais sans doute te casser le mythe 8oris mais je connais un peu Matthias (un ex de VS comme moi), j'ai fait le hellfest avec l'équipe de VS dont lui et c'est un mec sympa et marrant et assez convivial !

gulo gulo

gulo gulo le 24/04/2020 à 16:23:43

Matthias est un chou, oui.

Cette branlée d'album, quand même... L'indus leur va bien, et on a hâte d'entendre ce qu'ils vont faire maintenant, en composant spécifiquement pour ce line-up (le batteur est parti une fois les morceaux écrits, pour Pudeur, selon mes sources).

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/04/2020 à 18:26:59

Papy avec l'équipe de vs ? ah oui...

papy_cyril

papy_cyril le 24/04/2020 à 20:35:54

c'était il y a une douzaine d'années Cromy (j'en ai fait qu'un...)

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