Freaky Fukin Weirdoz - Senseless Wonder

Chronique CD album (50:46)

chronique Freaky Fukin Weirdoz - Senseless Wonder

Lors de la saison précédente de CoreAndThrones, coup de théâtre: le Royaume de Fusion découvrait, bouche bée et tympans humides, l'existence d'un nouveau prétendant au trône, trop longtemps oublié après une retraite anticipée dans les confins des Terres des Germains de l'Est. L'album s'appelait Hula, le nouveau venu Freaky Fukin Weirdoz, et l'arrière-goût Reviens-y. Et le plus fort c'est que ces pétillants Teutons s'avéraient ne pas être le groupe d'une seule étoile filante discographique, non: il y avait dans leur carton largement de quoi alimenter plusieurs soirées « karaoke & basse slappée » au coin du feu. Vous connaissez la maison: il était impensable dans ces conditions de ne pas aller voir là-bas par nous-mêmes si l'on y était. Première étape de ce voyage en DeLorean: Senseless Wonder, 3e album du groupe sorti en 1992, six ans avant Hula. Oui, je sais: ne cherchez pas dans ce cheminement investigateur de logique autre que celle d'un picorage au petit bonheur parmi les albums de la formation. Parce que c'est comme ça que c'est le meilleur, si si.

 

Alors, à quoi pouvait donc ressembler le passé d'un groupe qui avait pondu des pépites à ce point stylistiquement variées que le seul parallèle qui nous venait à l'esprit était Waltari? Eh bien en grande partie à ce qui se faisait à l'époque, surtout si l'on garde à l'esprit que l'année précédente sortait les premiers Infectious Grooves, Mr. Bungle, Scat Opera, ou encore le Live At Brixton Academy de Faith No More. Dès les stridulations Reggae ouvrant « Glendale Train » (morceau Country des New Riders of the Purple Sage dont seules les paroles ont été conservées), on retrouve la gouaille de Sarsippius et ce son de guitare qui sent le Funk Metal californien des 90s. Pour autant le groupe ne donne pas l'impression de se perdre dans un mimétisme stérile, car ce démarrage « Space Rasta » ne ressemble vraiment à rien de [moi] connu à l'époque. C'est déjà moins le cas avec le pourtant excellent « Funky Bonkin » qui rappelle à la fois Bad Brains (les toutes premières secondes sont les mêmes que les dernières du « Outro » présent sur Rise), Mr. Bungle (le début de morceau donne très envie de beugler le « Sex, sex, sex! » de « The Girls of Porn ») et Infectious Grooves (le refrain). Ce groove indécent, ce bagout intarissable, cette basse qui claque, ces bermudas à fleurs évoquent également les Limbomaniacs, Scat Opera & co.

 

Inutile de vous décrire la banane du fan de Fusion à ce stade: on se croirait carrément dans une plantation martiniquaise!

 

« Bullets » calme alors un peu les ardeurs avec son riffing sournois et ses longueurs tortillonneuses. De belles bourrasques Thrash maintiennent pourtant l'intérêt, mais on se retrouve quand même un peu frustré devant cette approche en crabe, alors que notre boule réclame encore de pouvoir s'agiter sous le popotin à facettes (et vice-versa). Mais tout cela pourrait bien relever d'un odieux stratagème basé sur la jouissance suivant une longue frustration. Car, Bam!, à 5:52 le groupe ressort le Funk Metal rappé, avant de dégainer un bon petit refrain bien catchy. Ah les gredins! Une pause dans les souks plus tard (« Marokk », interlude percussif d'Outre-Méditerranée) et le morceau-titre nous replonge tête la première dans ce bain métallique goguenard et amical qui sent le skate, le soleil, Faith No More, Mucky Pup, et tous ces affreux jojos qui faisaient bander les programmateurs de MTV il fut un temps. Et en découvrant les 3 merveilles qui nous attendent encore sur les pistes #6 à #8, on commence vraiment à se demander si Freaky Fukin Weirdoz ne serait pas la victime du plus injuste des complots qui soit pour être resté aussi peu connu de ce côté-ci du Rhin. Car « Suckers World » est une excellente giclette de Groove combatif et dansant (contenant par ailleurs l'inclusion juteuse d'un échantillon du « Pop Muzic » de Robin Scott), « Plant Some » allie avec bonheur Reggae planant, Thrash et Funk autour d'un refrain fédérateur (« Plant soooooome, Sen-si-millaaaaaaa! »), puis « Spring Time Night » finit de passer la 3e couche de Funk couillu via ce qui reste peut-être le plus gros tube de l'album.

 

Mais c'est alors qu'on commençait à imprimer les bulletins d'inscription au comité de réhabilitation de Senseless Wonder que la tracklist crève soudainement un pneu pour ne plus suivre qu'un chemin hésitant et brinquebalant jusqu'à son terme. Car « Love Dope », avec son côté Jimi Hendrix camé en fin de vie, est vraiment trop nonchalant. Car « What's The Message » s'avère trop tortueux, trop hostile, et ne regagne notre sympathie que sur une dernière minute plus punchy (décollage en mode Rap Metal à 3:07). Car « True Lovin' » ne fait que se frotter paresseusement les paupières après une sieste sur la terrasse. Car le Thrash un peu bateau et le refrain lancinant de « Holy & Girly » ne motivent guère plus qu'un 2nd tour à une élection présidentielle. Et car si la disto' funky de « Solitary Confinement » nous éclabousse généreusement de sa gouaille distordue, cela ne suffit pas à en faire un morceau mémorable. Du coup, c'est presque avec soulagement que l'on accueille « A.P.G. (My Generation) », la sympathique reprise de The Who qui clôt le périple.

 

Du coup Senseless Wonder agit comme un rappel de cette vérité toute simple mais pourtant trop souvent oubliée: il vaut mieux en mettre moins dans l'assiette, quitte à laisser un léger goût de trop peu, histoire que les lourdeurs stomacales et les renvois acides ne gâchent pas un vrai bon menu. En collant la reprise finale juste après « Springtime Night », l'album aurait pu prétendre au statut de véritable classique de la Fusion des 90s. Alors qu'en l'état, il n'est qu'un album super sympa dont la fin un peu lourdingue donne de malencontreuses envies de passer à l'album suivant de la playlist. Et c'est assez rageant!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: album typique de la Fusion des 90s, Senseless Wonder sent à plein nez la Californie, le soleil et le skate. Les amateurs d'Infectious Grooves, de Scat Opera et des Limbomaniacs qui ne crachent pas sur un peu de Waltari passeront en sa présence un vrai bon moment – malgré un dernier tiers il est vrai un peu moins sexy.

photo de Cglaume
le 15/09/2019

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