Goat - The Gallows Pole: Original Score

Chronique CD album (48:54)

chronique Goat - The Gallows Pole: Original Score

A quoi reconnaît-on une bande originale de bon aloi ? Bien souvent, on associe celle-ci à l’oeuvre cinématographique qu’elle accompagne et le public a tendance à leur réserver le même sort, conditionné avant tout par sa réception des images, avant celle de la musique. En clair, si vous avez aimé tel film, bien souvent vous apprécierez tout autant son ambiance sonore et musicale. Or, à moins de compter parmi les amateurs du genre, combien de bandes originales se suffisent-elles à elles-mêmes et peuvent s’écouter sans même qu’on ait vu une seule scène du film en question ? Les exemples (et contre-exemples) sont pléthore, je ne me lancerai pas dans une liste interminable, mais force est d’admettre qu’a contrario, il s’avère difficile de défendre la bande originale d’un navet ultime. Adonc, comme piste de réponse, nous avancerons l’évidence suivante : une bande originale de bon aloi se suffit à elle-même et s’écoute comme tout autre album, on l’apprécie pour ses qualités intrinsèques, sans avoir recours à la rémanence des images. Certes, elle contient lesdites rémanences mais celles-ci restent tapies et inaccessibles à quiconque se contente de la musique. Partant, un bon OST ne s’affiche pas comme tel et se présente à nous avec l’assurance de ses partitions. Le présent album appartient à cette famille.

 

De Shane Meadows, on connaît surtout This is England, récit initiatique dans l’Angleterre des Skinheads des 80’s. De son adaptation pour la BBC de The Gallows Pole, roman de Benjamin Myers, nous ne livrerons que le pitch : l’histoire de David Hartley et des Cragg Vale Coiners, soit un gang de faux monnayeurs au 18e siècle. Evidemment, les 3 épisodes de cette mini-série valent le détour, mais il s’agit ici de parler musique et comme sa BO existe et s’impose par elle-même, nous parlerons plutôt de son auteur : GOAT, groupe suédois qui cultive le goût du mystère (ses membres se cachent derrière des masques), du mysticisme païen et des légendes puisque, bien que basé à Göteborg, il entretient la légende de ses origines, à Korpilombolo, petit village qui traîne une histoire de sorcellerie, pas vraiment vérifiable, donc fascinante. En outre, à l’heure où nous bouclons cette chronique, ledit groupe a sorti un tout nouvel album, Medicine, l’ultime dose de rock folk psyché de l’année.

 

Pour la BO de The Gallows Pole, le groupe replace plusieurs titres de précédents albums, dont « Let it burn » (tribal et psychédélique en diable), et « Fill my mouth » (avec son entêtante mélodie à la flûte et sa ligne de basse au groove démoniaque qui invitent à la danse) qui cohabitent avec les chansons d’autres artistes utilisées à l’écran, notamment le poignant « Fever to the form » de Nick Mulvey, « What will we do when we have no money » par les génialissimes chantres de la folk irlandaise Lankum (par ailleurs auteurs de l’album de l’année 2023, tous genres confondus : False Lankum. Chronique ultime chez CoreAndCo) et le très wock’n’wollesque « What happens when you turn the Devil down » de The Mystery Lights qui sert de générique d’ouverture de la série. « Gathering of ancient tribes » complète la partie de l’album comportant des titres chantés, chacun à sa manière convoquant dans une dynamique de sabbat enfiévré les esprits tutélaires.

 

Le paganisme irrigue la musique de GOAT, et sur cet album, que ce soit par le truchement des chansons ou par celui des titres instrumentaux, une certaine dose de mysticisme s’invite à la fête. A la légèreté éthérée et mélancolique de « Jazzman » répond l’envoûtant « The gate is open ». Avec ses accents orientaux, ce morceau propulse l’auditeur dans la fièvre tropicale d’une cérémonie sacrificielle telle qu’on en voit dans l’antre de la folie du colonel Kurtz. Hypnotique à souhait, il déroule ses rotondités autour de notre âme mise à nue et semble vouloir tutoyer l’éternité. Plus de 9 minutes qui distordent le temps et l’espace. Absolument génial. Histoire d’aller plus loin dans ledit mysticisme, celui qui drape les secrets de la vie et de la mort, l’album se complète avec des titres plus expérimentaux. Que ce soit les cloches et autres tintements de « Vallat », les cordes grinçantes de « Field Raga » qui susurrent comme dans la brume opaque du matin dans laquelle les ombres de spectres se tapissent, ou encore le drone inquiétant de « Mind is like the sky », GOAT apporte avec ces titres originaux la touche occulte de l’album, ceux-ci se passent de mots et vibrent au diapason des éléments qu’en bon sorcier il convoque à la fête. L’ensemble s’équilibre alors à merveille tout en gardant une cohérence, entre chant possédé, danse infernale et contemplation du néant.

photo de Moland Fengkov
le 04/11/2023

4 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 04/11/2023 à 11:37:51

Bigre, tu me donnes envie d'avoir envie !
J'avais adoré ce groupe en concert et sur disque (''World Music' surtout).

Moland

Moland le 04/11/2023 à 12:31:10

Je rêve de les voir en live. Découverts avec "Headsoup". 

el gep

el gep le 04/11/2023 à 17:37:43

Simple: j'ai dansé béatement tout le concert. Génial.
Comme avec Youff, le groupe Belge.
Rien à voir musicalement, mais écoutez et allez voir Youff, c'est génial aussi.
https://youff.bandcamp.com/

Moland

Moland le 04/11/2023 à 19:05:44

Je vois bien le délire. J'ai déjà littéralement dansé seul chez moi sur "Fill my mouth", le corps enduit de beurre de cacahuètes. 

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