Gospel - The Loser
Chronique CD album (40:30)
- Style
Math-rock psyché-rétro / screamo sur les bords - Label(s)
Dog Knights - Date de sortie
13 mai 2022 - Lieu d'enregistrement par Kurt Ballou
- écouter via bandcamp
Qu'est-ce qui a pris aux New-yorkais de choisir une pochette aussi affreusement laide, je n'en sais fichtredouillement rien. Le côté punk « j'en ai rien à battre » peut-être. Ce qui, dans une certaine mesure, collerait pas mal avec les premiers mots du premier titre de ce nouvel album de Gospel : « I feel so aliiiiiive ! ». Dans tous les cas, ces premiers mots pourraient être la meilleure description que l'on puisse faire de The Loser.
Avec une nuance tout de même : nous sommes certes alive, mais un alive qui ici fait un peu l'effet d'un réveil de dessin animé, un peu comme si après une cuite mémorable on se réveillait en fin de matinée bien avancée, mais 40 ans dans le passé, et qu'une bande d'agités math-prog-rock qui en auraient eux aussi un peu trop pris venait gambader tout autour, histoire d'ajouter de la plus-value à la gueule de bois qui nous conditionne désormais. Et en se demandant, un index posé sur le menton et une main posée sur le crâne, ce qu'on peut bien foutre là.
On disait plus haut qu'il s'agit d'un nouvel album. Et effectivement, après s'être fait attendre (dix-sept ans tout de même) après le très bon The Moon Is A Dead World, qui avait mis pas mal de monde d'accord en 2005, bien que son succès soit, me semble-t-il, resté relativement confidentiel, voilà qu'arrive The Loser, prenant un peu tout le monde par surprise. A commencer par se pochette, donc.
Mais aussi par sa musique.
Pour le dire en quelques mots : ça ébarboufille de partout, ça en met un peu plus par principe, on tombe la tête la première dans des sonorités rétro et on se fait éclabousser de plans math-rock à n'en plus pouvoir. Le Gospel de The Moon is a Dead World a bien évolué en tout ce temps. Ils ont peut-être pris un peu de drogue, aussi.
S'ils officiaient auparavant dans un screamo qui lorgnait sur le math-rock, ce n'est clairement pas leur part d'ombre que les membres de Gospel ont ruminé pendant toutes ces années d'absence. Ces sonorités rétro, datant d'un monde où l'on pensait que le changement était peut-être encore possible, se retrouvent donc dans les claviers, dans les guitares lead, dans des rythmiques (le début de « hhyper » par exemple, avec une prod plus à l'ancienne propulse dans une sorte de revival de live de Santana, des Yes, ce genre de trucs avec des couleurs et des acides).
Ce sentiment de rencontre inter-temporelle ne quitte pas l'esprit presque tout au long de l'écoute de The Loser. On se retrouve donc au final avec une improbable mixture de math-rock et de rock psychédélique, avec une touche screamo noisy qui nous rappelle d'où vient le groupe, mais qui est relativement secondaire.
Etant un grand appréciateur du précédent opus, il m'a fallu un peu de temps pour me mettre dedans et accepter les changements opérés par Gospel sur The Loser. Et après de nombreuses écoutes, son côté fouillis me semble toujours presque trop, même si je suis tout à fait amateur de groupes qui généralement en foutent un peu de partout.
Mais là, arrive un moment où je me dis « c'est fatiguant » (la description de la situation de gueule-de-bois en introduction aidera à imager mon impression). Peut-être cela vient-il de la surenchère de sonorités trop aigües ou de claviers vraiment très présents, laissant peu d'espace.
C'est surtout dans la seconde moitié de l'album (à partir de « SRO » et son intro qu'on pourrait mettre au crédit d'un générique de manga sci-fi rétro), quand Gospel prennent parfois le temps de poser un peu plus tranquillement les choses et de ralentir un peu le rythme, que les choses se mettent pour moi un peu mieux en place. On y découvre alors d'autres sonorités, les arrangements s'emboîtent plus facilement, et la suite déroule bien.
Bref. Virevoltillant, saute-broussailloltisant et fringuant, il y aura probablement plusieurs approches vis-à-vis de The Loser : celles et ceux qui connaissaient déjà le groupe et son travail auront à appréhender ce virage stylistique, qui ma foi se vaut, et ne pas rechercher un The Moon is a Dead World 2. Et tant mieux.
Les autres y trouveront un album de math-rock aux aspérités psychédéliques et screamo, aux changements de plans permanents et résolument tourné vers la lumière. Les morceaux de The Loser doivent probablement être fort sympathiques à jouer et à entendre en concert, peu de doute là-dessus. Il faut juste accepter qu'il va y en avoir de tout partout.
Si cet album n'aura probablement pas le même impact que leur offrande de 2005, il n'en reste pas moins un bon album, qui prend à contre-pied ce que l'on pouvait attendre d'une reformation de ce groupe. Et ça, c'est positif, parce que les musiciens font ce qui leur plait.
Par contre, cette pochette, c'est vraiment pas possible. Même en gueule de bois.
A écouter pour peu qu'on soit vaguement de bonne humeur ou que l'on ait envie de voir le monde d'un bon œil, pour une fois. Ils « feel so alive », hein, on vous avait prévenus.
5 COMMENTAIRES
pidji le 07/06/2022 à 07:09:46
Alors, j'ai un peu été décontenancé aux premières écoutes, comme toi je pense.
Mais au final, je me suis pris au jeu et j'aime beaucoup.
Et puis ce batteur, sérieux... J'adore.
Et puis GOSPEL, tout simplement 😁
"The moon is a dead world" est un must have pour ma part.
Pingouins le 07/06/2022 à 10:12:41
Moi aussi je le trouve bien hein !
Juste un poil trop.... trop. En fait je le dis dans la chronique ahah :)
Mais le pari du rétro marche bien par contre.
Nicoscope le 08/06/2022 à 11:09:25
Perso, je le trouve excellent.
Passé la première écoute (j'ai eu une petite suée en entendant le chant clair au début de la première chanson pour la première fois...), j'y ai retrouvé ce que j'adorais dans le premier album.
Je trouve cela fluide, lisible, organique (Ouah, le jeu de mots involontaire !). Et même si ça tricote à mort, bien moins fatiguant à l'écoute prolongée que de nombreux groupes de mathcore actuels (Coucou Frontierer), pas anachronique malgré l'usage intensif de l'orgue (ou alors c'est moi qui suis devenu anachronique, c'est bien possible...). Allez, sur quelques passages, on frise quand-même le prog-rock à papa, mais ça permet de souffler un peu, et ça reste pour moi assez anecdotique vu le niveau du reste.
Après, comme vous, j'ai du mal à comprendre qu'on puisse mettre 17 ans à sortir un nouveau disque, composé d'une musique aussi chiadée pour y coller une pochette aussi naze. C'est peut-être en lien avec le titre du disque et/ou la vacuité de sortir un tel disque en 2022 (de tout façon tout le monde s'en fout, alors pourquoi s'embêter avec l'emballage...). J'ai pas vu d'interview passer, mais je serai curieux de lire ce qu'en dit le groupe.
Pingouins le 08/06/2022 à 15:53:11
Merci pour ton retour Nicoscope :)
En ce qui concerne la pochette, j'ai trouvé ça dans une interview :
"We had a few different ideas for covers that we couldn’t agree on. Jon was inspired by the artist Robert Rausenberg’s cardboard prints. Jon tore up many pieces of cardboard until we found the right piece, then I drew the titles with a marker I bought at the dollar store. Then we hung it on his wall and took a photo with our phones. We think it’s awesome. Just as many people hated it as loved it, so we knew it was the right cover! Hahaha. We’re glad you like it!"
Pour le coup c'est rigolo, Frontierer est l'un des groupes qui en foutent de partout que je n'ai pas trop de mal à écouter (Orange Mathematics passe tout seul chez moi, tout comme Calculating Infinity de DEP).
Donc j'ai un peu l'habitude, mais en réécoutant "The Loser", y'a des fois où je me dis "woah c'est fou", d'autres "ah c'est trop", encore maintenant. Et malgré tout ça a un aspect plus "grand public" tout de même.
C'est un des aspects que j'aime bien de cet album : il est sur plein de crêtes et de fils différents à la fois.
Nicoscope le 09/06/2022 à 16:36:13
Ok merci pour l'explication. La pochette est donc conceptuelle. C'est sensé sauver un peu le truc, mais ça reste fondamentalement moche en plus de conceptuellement moche !
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