Heaven In Her Arms - 白暈 (White Halo)
Chronique CD album (45:02)
- Style
emoviolence / post-black-core-rock - Label(s)
Daymare Recordings / Moment of Collapse - Date de sortie
19 avril 2017 - écouter via bandcamp
Comme un certain nombre de groupes japonais, voire même d'Asie de l'est, Heaven in her arms partent avec un léger handicap en ce qui concerne la reconnaissance internationale, celui d'être partiellement éclipsés par la prépondérance d'Envy, qui ont un peu malgré eux monopolisé l'attention sur les scènes bruyantes du pays. Ils n'en demeurent pas moins un excellent challenger pour le podium des formations les plus intéressantes issues de l'île. Et je dois dire que ce 白暈 (auquel on se référera en le nommant White Halo, sa traduction anglaise, pour plus de commodité) m'a personnellement bien plus conquis, à sa sortie, que n'importe quel album du groupe sus-cité depuis la moitié des années 2000.
Notons par ailleurs que le batteur d'HIHA est par ailleurs allé prêter main forte à... Envy, justement, en 2015. Ce qui incite déjà à développer un certain respect pour le combo tokyoïte : ce ne sont clairement pas les moins habiles avec leurs instruments.
Malgré cette (relative) ombre portée, Heaven in her arms ont tout de même un peu fait parler d'eux dans nos contrées, puisqu'ils ont joué au Fluff fest, tourné avec Deafheaven, mais aussi avec les frenchies de Daïtro ou de Céleste (avec qui ils devaient d'ailleurs répéter l'expérience, mais une certaine pandémie, tout ça) et partagé un split avec Aussitôt Mort.
Toujours en guise de présentation, s'il y en a qui suivent, vous aurez probablement également remarqué que le nom du groupe, un peu cheesy de premier abord, est une référence au morceau de Converge du même nom sur Jane Doe. Ce qui le rend d'un coup beaucoup moins fleur bleue, vous en conviendrez. Et qui donne également une petite idée de la musique que les Japonais pourraient avoir à proposer, ou au moins de ce qu'eux-mêmes écoutent et trouvent inspirant.
Si le crossover entre les principaux groupes cités plus haut a bien une certaine pertinence du point de vue de la créativité et de leur potentiel explosif, il reste difficile de ranger HIHA dans une catégorie précise, car leur musique est très riche et s'articule dans différentes directions.
Pour donner une tendance globale, disons que la colonne vertébrale du groupe est un screamo à tendance émoviolence, agrémenté d'influences d'un certain nombres de patchs en « post » cousus entre eux : black metal, hardcore, rock. Le tout avec une approche assez prog sur la structure générale des morceaux, puisque ceux-ci sont pour la plupart assez longs (si l'on retire l'intro et l'interlude composée de samples d'ambiances grinçantes et de clavecin menaçant, un seul n'atteint pas les 8 minutes), que nul refrain ne surgit sur toute la durée du disque et que les compositions sont en mouvement permanent, avec des jeux d'ambiances et des dynamiques remarquables.
Heaven in her arms savent rebondir entre des ambiances très aériennes et une violente intensité avec une fluidité impressionnante, pour des transitions logiques et bien amenées. Le ton est donné après l'intro, dès le premier véritable morceau (« 月虹と深潭 / Abyss of the Moonbow »), posant des spoken words très bien sentis sur fond de post-rock juste après une aggressivité post-black intense, avant de finir en beauté avec une mélodie un peu en retrait, des vocaux déchirants, une batterie à mi-chemin entre le blast et les rythmiques plus typiquement screamo, au milieu d'une saturation sonore donnant une sensation d'amplitude et de densité, et même un solo très clair qui vient plus jouer le rôle d'ambiance que de démonstration.
Derrière le micro, on est sur un terrain assez typique des groupes de hardcore asiatiques les plus connus dans la manière de délivrer les vocaux, sur la cadence et le ton notamment. Une voix déchirée, jamais claire (sauf sur les rares spoken words), mais toujours saturée d'émotion. Les amateurs d'Envy ou de 49 Morphines, pour ne citer qu'eux, ne seront donc pas dépaysés, même si on est sur ce White Halo un cran au-dessus en termes d'aggressivité, assez proche parfois de ce qu'on récemment fait Naedr, si vous étiez tombés sur leur excellent Past is Prologue.
Il ne serait probablement pas très intéressant de tenter de décrire l'album morceau par morceau, tant sa richesse d'écriture ne saurait recevoir les justes mots de ma part.
Insistons simplement sur la variété que l'on retrouve tout au long de ces 45 minutes de pure régalade : si l'ossature centrale est screamo/emoviolence, comme on le disait, les tremolos post-black ont aussi une belle part du gâteau, ainsi que les mélodies post-rock. Mais on trouvera aussi pêle-mêle des rythmiques et mélodies en boucle tendues qui renvoient quasiment au death mélodique des années 1990 (« 赦された投身 / Forgivable Drown »), un peu de piano, des ambiances postcore qui auraient sans aucun problème pu figurer sur l'excellent Precambrian de The Ocean (« 終焉の眩しさ/ Glare of the End ») avec de très beaux arrangements qui viennent de nouveau s'abandonner dans le post-black, des solos presque prog-rock, des parties plus directement punk-hardcore qui donnent bêtement envie de bouger la tête, quelques gros breaks, etc... On trouvera même un peu d'électro en ouverture du dernier morceau, le plus long de tous avec ses presque 11 minutes et son build-up aérien et épique, pour un final époustouflant et une clôture magistrale à cet album.
L'ensemble est toujours relativement mélodique, avec des sons souvent différents, mais la mélodie n'est jamais trop mise en avant, parfois simplement mise un peu en retrait dans le mix, mais surtout jamais mielleuse, bien qu'elle prenne parfois des tournures étonnamment lumineuses, notamment au niveau du son des quelques solos.
Bref, il y a un peu de tout chez Heaven in her arms, et le moins que l'on puisse dire, c'est que bordel, ça marche. Dans l'esprit, et quand bien même le fond de la musique est différent (encore que), on a ici affaire à un disque qu'il n'est pas absurde de comparer au légendaire As the roots undo de Circle Takes the Square, en termes de richesse et de qualité. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai écouté White Halo ces dernières années, pour y redécouvrir à chaque fois de nouveaux détails, des petites choses en plus. Mais j'y retrouve surtout toujours le même plaisir et la même passion, ainsi qu'une grande beauté.
Cet album est, pour moi, avec eléo des Italiens de ['selvə], l'un des meilleurs du genre parmi ceux qu'il m'a été donné d'entendre, tout simplement. Reste à savoir de quel genre on parle. Mais c'est peut-être bien la chose la moins importante, au fond. La seule chose à garder en tête, c'est que ce disque est une tuerie sans nom. Enfin si, il en a un : White Halo.
A écouter qu'il neige, qu'il pleuve ou qu'il vente, pour un véritable "quatre saisons" musical.
2 COMMENTAIRES
Freaks le 08/11/2021 à 11:22:46
On est tenu en haleine de bout en bout...
J'trouve aussi que cet album est bien plus fouillé que certaines sorties récentes d'Envy.
Freaks le 08/11/2021 à 11:23:14
Ils n'ont donc rien à leur envier ;)
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