Helmet - Left
Chronique CD album (31:08)
- Style
Power Pop - Label(s)
earMUSIC - Date de sortie
10 novembre 2023
écouter "Holiday"
Je ne vais pas me cacher, mais j'avoue, j’ai dû me forcer pour l’écouter plus d’une fois….
Par de nombreux refrains et la nouvelle - depuis maintenant en fait de nombreuses années, 2010 en gros sur Seeing Eye Dog - façon de chanter, blocage direct. En prison sans repasser par la case départ. Cette approche musicale n’est pas pour moi.
Il y a assez de disques qui m’intéressent et que je n’ai pas encore écouté – comme c’était au début le cas pour un nouveau Helmet –, que je n’avais pas, au départ, prévu d’y passer davantage de temps. Mais l’heureuse nouvelle d’un passage du groupe en concert dans ma ville m’a fait changer d’avis. Sur le fait de le réécouter. Pas forcément sur l’avis que j’ai initialement eu, et que je peux toujours avoir de ce Left. Il sera finalement juste un peu plus nuancé. Mais dans tous les cas, quand un groupe a par le – très loin – passé sorti d’aussi bons disques, et estimant qu’il ne s’est pas « vendu », qu’il a tout « bonnement » « simplement » évolué, que cette évolution me plaise ou non, c’est certain que je ne vais pas lui cracher dessus. Et puis j’étais curieux de voir si à un âge légèrement « avancé », 63 ans quand même, Page Hamilton pouvait toujours être un « jeune qui envoie » sur scène. Mais nous reviendrons sur ce point juste après, dans la rubrique faits d’hiver, et revenons-en à ce nouvel album.
Left ne sera pas une grosse surprise en soi, il est la continuité de ce que le groupe propose depuis, depuis très longtemps en fait. Depuis Betty même, à chaque album le groupe glisse légèrement dans plusieurs directions, ouvre de petites portes par-ci par-là, mais également creuse dans une récurrente, celle du catchy-pop/surmélodique. Mais, plus ou moins en fonction des morceaux, avec toujours un lien avec le style propre au groupe. C’est un peu toujours « un pied dedans » « un pied à côté », voire une jongle entre « un pas en avant » et « un pas en arrière » (cette métaphore n’est pas sponsorisée par Bata).
Là où l’évolution n’est pas forcément à mon goût, c'est quand l’impression de lissage des compositions prédomine. Point de départ, un guitariste qui marque une époque avec une façon de jouer, de composer et de s’accorder bien originale. Point d’arrivée, parfois d’assez pauvres compositions, aux « gros » refrains pop à souhait, mais « gros » par la production et non pas par la qualité de composition. Entre les deux nous sommes quand même avec quelqu’un qui est féru de jazz, qui a joué avec des pointures du domaine, qui a influencé pas mal de monde, qui a été guitariste de plusieurs dates avec Bowie, qui écrit des symphonies à plusieurs instruments, qui est professeur de musique, etc, etc. Et tout cela pour en arriver à des titres ultra teintés mais même pas au niveau de trucs émokid qui doivent passer sur MTV si ça existait encore. En plus avec de gros ratés. La chronique de Eric D-Tootop évoque un de ces méfaits, quand Oasis c’est bon c’est bon, c’est vraiment mauvais, trop sucré, indigeste, quand il s’agit d’une copie d’un magasin bon marché. Rien que d’y penser sur un disque d’Helmet est surréaliste…
Et puis, un des « principaux problèmes » de cette continuité, toujours trop présente sur ce Left, à la « façon » de chanter, est celle de « tout le temps » chanter. Prends-toi le refrain de "Holiday" pour commencer l’album, et tu te dis que ça va être compliqué si ça continue dans cette direction (heureusement qu’il y a l’explosif solo pour se dire qu’il faut peut-être écouter le morceau suivant). Il disait dans une interview s’être d’abord formé en tant que guitariste, puis en tant que compositeur et enfin en tant que chanteur. Mais bon sang, la partie « chanteur » est aujourd’hui assez étouffante. Eprouvante même. A en cacher la qualité de certaines compositions, de certains riffs ou rythmiques que le groupe est pourtant toujours capable de proposer. Pour la « façon » de chanter, ce n’est pas forcément d’être mélodique qui pose problème, c’est de couvrir dans la même tonalité et à l’harmonie identique, du début à la fin, une ligne guitare ou une mélodie. "Gun Fluf" (pas top) ou "Big Shot" (sauvé par la rythmique et le solo, en bref par les moments sans chant) représentent bien ce ressenti commun aux morceaux que je n’aurai pas forcément envie de réécouter.
Cependant, si je ne peux contredire le fait qu’il y ait de mauvais morceaux, d’autres moyens, et certains bons mais gâchés par le chant ou leur refrain (sorry Page…), comme indiqué ci-avant pour "Big Shot", on pourra sauver une partie du disque par d’autres « moments ». "Dislocated", peut-être le meilleur morceau, car - peut-être le seul - réussi du début à la fin, est directement saigné dans la veine du Meantime avec un parfum de Betty. Par le groove, par sa rythmique ultra massive, son chant davantage saccadé comparé aux autres morceaux de Left et qui ne part pas dans le mielleux, sa sortie du cadre pour ne pas rester dans le pastiche avec un équilibre musique/chant maîtrisé… Ce sera confirmé en live, le titre passant nickel et sans bavure dans la setlist. Ouf. Même si un peu plus « bateau », musicalement "NYC Tough" Guy passe nickel également avec sa première partie de couplet en saccadé suivi de la deuxième à la rythmique plombée (encore mieux en concert sans la production pour la cacher derrière le chant).
Et puis voilà, à plein de moments ça part en couilles… Par exemple le final de "Make-Up" est cool, massif et dissonant, mais tout ce qui est avant, la musique et le chant intro/couplet, me paraît bien « léger » et n'est vraiment, pas à mon goût. Ou "Powder Puff" morceau-refrain sous Deftones, plutôt vide. Et ce n’est même pas l’interlude "Reprise" ou le "Tell Me Again", avec sa guitare classique et son violon de sortie, ni même le petit instant « jazzy » "Resolution" en note finale qui nuisent à la qualité de l’album, même s'ils tiennent la route, et « pourquoi pas ». Seulement en face, sachant que l’on parle d’un disque d’Helmet, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. D’ailleurs, quand on parle de "pas grand chose", par sa brièveté, et sa production toute propre et puissante, on pourrait le féliciter d’être plus direct et plus punchy que les deux précédents albums et surtout d’éviter les gros « fails » (comme "And your Bird Can Sing" sur Seeing Eye Dog, précédemment évoqué, ou la très gênante reprise d’Elvis Costello, "Green Shirt" sur Dead To The World comme exemples) (mais on en n’est pas passé bien loin avec le début de "Bombastic" !).
On se retrouve avec un ensemble plutôt bancal, qui ne propose pas grand-chose de concret, et qui penche majoritairement du mauvais côté de la force. Avec cette continuité dans une direction qui ne me parle pas, cette musique et cette façon de jouer qui depuis la « démocratisation » du « drop D » est aujourd’hui commune, et avec ce très peu de morceaux qui se démarquent du lot, et un leader avec un tel bagage, je ne peux que regretter que ce nouvel album – sans faire tâche – soit à la limite du disque « fantôme »…. Par contre je suis aux anges de savoir que Helmet sur scène soit toujours Helmet et butte un max. Mais ça, c’est une autre histoire, que là je trouve bien plus intéressante !
9 COMMENTAIRES
pidji le 14/12/2023 à 09:03:38
Tout pareil. Le changement depuis "Size Matters" ne m'a jamais convaincu.
Crom-Cruach le 14/12/2023 à 16:51:53
Quel courage de faire une chro pour une telle bouse : bravo !
Rafff1 le 14/12/2023 à 21:02:00
Ah ah ah ! Merci Crom ! C’est le concert - excellent - qui m’a donné la force !!! Une basse plus forte et puissante qu’à un concert de High On Fire t’imagines !! Je mets la review bientôt !
Crom-Cruach le 15/12/2023 à 17:29:36
Non je n'imagine pas comparer la bande del Señor Matt Pike avec celle du vieux Hamilton.
Moland le 21/12/2023 à 15:13:43
En tout cas, depuis toutes ces années, on sait toujours pas ce qu'elles mettent.
HaL0 le 05/06/2024 à 20:36:56
Helmet, ralala quel groupe! le groove du premier batteur est inégalable. Strap it on paie une prod bof mais tout de même, gros album (Sinatra reprise plus tard par Deftones, "heavy as fuck") et Meantime... ben culte quoi! Quel putain de batteur ce John Stanier quand même, si c'est pas déjà fait (m'étonnerait) Hamilton tout génial soit-il lui doit une statue.
pidji le 06/06/2024 à 09:48:32
Bien d'accord avec toi @HaL0. Jusqu'à Aftertaste, gros gros groupe. Puis Page Hamilton a voulu faire trop de pop.
Crom-Cruach le 06/06/2024 à 09:53:37
Jusqu'à Betty, je dirais."Milquetoast" est un gros carton de la génération X..
pidji le 06/06/2024 à 16:00:09
Oui, "Betty" était énorme aussi, je me doute que tu n'as pas apprécié "Aftertase" Cromy 😁
Mais moi je l'ai bcp aimé.
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