Kontrust - Madworld

Chronique CD album (37:48)

chronique Kontrust - Madworld

Kontrust a toujours tenu une place un peu à part dans cette non-scène qu'est la bulle Nawak Metal. En effet, bien que sévèrement frappé, c'est l'un des rares groupes à avoir réussi à suffisamment empopiser sa formule pour qu’elle trouve un écho auprès d'un « large » public. Du moins suffisamment large pour être invité sur l'affiche de gros festivals. De ce point de vue il est comparable aux Skindred, Dirty Shirt et Waltari – ou Diablo Swing Orchestra, ce dernier n'ayant par contre pas encore trouvé le bon tourneur / manager pour l'emmener au niveau qu'il mérite.

 

Bon alors : quoi de neuf sur le front autrichien du Metal barré ?

 

  • Un nouvel album, 9 ans après Explositive, ce long silence ayant permis aux loustics de se concentrer sur le live, et ce faisant de se développer hors de leurs frontières, jusqu'à convaincre une bonne partie de l'Europe.
  • Une nouvelle chanteuse, Julia Ivanova, Ukrainienne s'étant entre autres illustrée au sein de la variante locale de l'émission X Factor, avant que Vladimir ne décide d'aller s'essuyer les rangeos sur le paillasson du voisin.
  • Un nouveau batteur, Joey Sebald, qui ne change pas trop la donne – mais il aurait été mal poli de ne pas parler de lui tout ça parce qu’il n’exhibe pas une longue tignasse rouge ketchup (…vous n'avez peut-être pas vu les nouvelles photos du groupe incluant Julia ?)

 

Madworld est-il aussi chargé en dynamite que les usines à tubes Explositive et Second Hand Wonderland ?

Réussit-il à entretenir chez les fans que nous sommes cette ferveur du disciple en pâmoison devant l'autel du dieu Nawak ?

 

Oui et non.

 

Oui, car Madworld est une nouvelle corne d'abondance bourrée ras la gueule de ce genre de refrains dont on ne peut se débarrasser qu'en cure de désintox, et de ce genre de mélodies et de rythmiques qui appuient aussi sûrement sur le bouton Move-Your-Popotin que « Ça c'est vraiment toi », « Alexandrie Alexandra » ou « Rasputin » lors de ces soirées d'entreprise trop arrosées où Nadine de la compta finit avec Jean-Mi du service marketing.

Non, car pour la première fois on sent comme un voile légèrement occultant draper notre enthousiasme. Vous savez, ce genre de sentiment désagréable, lorgnant vers la schizophrénie, qui nous pousse à arborer un sourire béat coloré d'une ombre de grimace.

 

C'est que derrière les riches saveurs de ce millésime 2023, on commence à sentir comme un vieux goût de Coca.

 

Expliquons-nous.

 

Non, ce n'est pas l'arrivée de Julia qui change la donne : celle-ci est rentrée sans aucun mal dans les pantoufles d'Agata. Le malaise n'est pas là. Il est lié pour partie à une approche artistique nouvelle, la musique des Autrichiens s’avérant dorénavant plus synthétique, plus systématiquement saccadée, plus froide. Les 11 madtracks commencent en effet assez régulièrement par quelques touches de clavier électro-flashy, dans une ambiance qu'on qualifiera de rétro-robotique, avant de repasser le flambeau à un Metal jamais complètement débarrassé de ce glaçage un peu désincarné, un peu martial qui – allié à l'énergie et à l'euphorie qui restent quand même de mise – conduisent le groupe à produire une sorte de Tanz Metal joyeux mais un peu cheap, comme si Rammstein injectait une dose de Synthwave et de Circus Metal à sa popote. Dans cette configuration la guitare se retrouve comme aplatie, stérilisée : un peu ce genre d'impression qu'on ressentait en découvrant le premier Clawfinger. Heureusement la basse de Gregor garde cet aspect rebondi et moteur, tandis que la rythmique se trouve plus que jamais renforcée d'interventions nombreuses de percus.

 

D'autres sensations pernicieuses, bien que plus diffuses, se manifestent également, dans la suite de cette relative « artificialisation ». Tout d'abord l'impression que, dans le cadre de l'écriture des morceaux, le groupe applique de plus en plus souvent une formule qui les conduit à uniformiser doucement mais sûrement leur propos (à le « germaniser »?) –  cette sensation étant aussi désagréable qu'antinomique dans le cadre d'un genre aussi libreuh-Max que celui du Nawak Metal. Par ailleurs – bien que sur la forme les espiègleries du groupe ne changent pas profondément de nature – on a parfois un peu l'impression d'écouter du « Metal pour enfant », notamment du fait de ces « Riketiketing », ces « Crimi-crimi-criminal » et tous ces gimmicks un peu nunuches qui finissent par agacer (… finalement, la touche Julia se ferait-elle quand même sentir?).

 

Mais si l’on commence donc à remarquer des poils disgracieux, des ongles à la propreté douteuse et de vieux relents d’haleine pas fraîche chez les Autrichiens, on ne peut que confirmer le constat des années passées : Kontrust, ça reste quand même de la crénom de bombe atomique ! Quand le morceau s’invite sur le platine, on ne peut s’empêcher de vouloir imiter la danseuse qui participe activement à la vidéo de « I Physically Like You ». On sent nos joues rougir et les pieds nous démanger quand retentit le morceau-titre – qui devrait servir à ouvrir les prochains concerts du groupe, les paris sont ouverts. On s’accroche au siège de l’Enterprise, saisi par l’excitation, quand Stefan et Julia ordonnent « Hold On, Maximum Speed ! » sur « Rock To Outer Space ». On se laisse entraîner par le gros pré-refrain, puis le refrain de « Masterpiece of a Monster ». On beugle à l’unisson « You Had one Job To Do… And You Fucked It Up !! » sur « U.F.I.U.”… Vous avez compris l’ambiance: c’est grosse teuf à tous les étages, on lâche la bride, on fait tourner les serviettes, et on finit à moitié beurré sur la scène du karaoké.

 

Alors Madworld : Walt Disney Tanz Metal en plastique ou Party Synth Nawak Metal pétillant ?

 

On verra bien comment celui-ci mûrira... Personnellement j'avoue avoir du mal à résister à l'enthousiasme explosif du groupe, tout en ne réussissant jamais à me débarrasser complètement de cet arrière-goût un peu désagréable, comparable à celui qui s'invite après qu'on ait cédé à un produit hyper formaté visant à satisfaire notre dépendance à la dopamine – hamburger de centre-commercial, film de super-héros en plastique, scroll sans fin sur Insta... Vous voyez le genre. Ce qui est sûr, c'est que face à une telle collection de tubes, il est inconcevable d'attribuer à l’objet moins de 8/10. Mais ce qui est tout aussi certain, c'est que là où les deux groupes occupaient une place équivalente dans mon estime, Kontrust est dorénavant passé derrière Diablo Swing Orchestra sur le podium du Nawak Metal « grand public ».

 

"Youpi", donc, mais accompagné d'un petit point d’exclamation, lui-même suivi de quelques points d’interrogation, livrés entre parenthèses…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : vous ne vivez que pour les tubes imparables ? Vous aimez quand la basse fournit le trampoline et que les mélodies vous refilent la fièvre de samedi soir ? Vous raffolez des refrains qui se reprennent le sourire en chœur ? Bien sûr, c’est d’ailleurs pour ça que vous êtes fans de Kontrust depuis quelques albums déjà. Eh bien sur Madworld préparez-vous à continuer la fête dans un blockhaus futuriste peuplé de droïdes hilares s’agitant sur un cocktail musical joyeux concocté par une I.A. ayant pioché dans les répertoires de Rammstein, Clawfinger, Ailiph Doepa et De Staat. Grosse ambiance, donc, si toutefois vous pouvez accepter un Nawak Metal désormais légèrement déshumanisé, et un peu formaté.

 

photo de Cglaume
le 27/11/2023

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