Múr - Múr
Chronique CD album (54:25)
- Style
Metal progressif / Post-Metal - Label(s)
Century Media Records (et oui déjà...) - Date de sortie
22 November 2024 - Lieu d'enregistrement Reykjavik
- écouter via bandcamp
« Je crois bien qu’on réentendra parler de Múr. »
C’est ainsi que j’achevais l’année dernière les quelques lignes consacrées à ces jeunes pousses de Reykjavik qui avaient éclaboussé de leurs talents l’édition 2023 de l’Ascension Festival, qui s’était exceptionnellement repliée sur le Gaukurinn, bar mythique lové dans le centre-ville de la capitale et véritable place forte de la musique underground islandaise. Cette claque en bonne et due forme – tout le public non autochtone en était sorti groggy (je me rappelle d’une conversation avec un Australien estomaqué) – venait d’une expérience sonore peu commune et d’une combinaison originale et captivante de différents styles de Metal. On pourrait le rassembler sous l’étiquette Metal progressif, mais on touche à la fois au Metal moderne, au Sludge, au Post-Metal, au Shoegaze, à l’Electro et même au Doom.
Cette marqueterie d’ambiances sonores et de textures vocales de son chanteur et leader, armé de son keytar, m’avait impressionné. Au point d’attendre avec impatience leur premier sortie. C’est désormais chose faite depuis le 22 novembre. On devait sans doute partir sur une sortie en catimini (en numérique seulement ?), expliquant sans doute le titre éponyme ainsi que cette pochette, simple et dénudée, centrée sur les traits juvéniles de ces musiciens polytalentueux. À part que cette trajectoire pleine de promesses a été saisie au vol par le gros label Century Media Records.
… Century a poussé ce premier album en relayant sur ses réseaux trois vidéos. La première sublime, "Heimsslit", réalisé par Hrafnkell Tumi Georgsson, accompagne merveilleusement bien ce morceau immersif, frissonnant et envoûtant. Ce véritable court-métrage de 11 minutes a bénéficié des heurs de l’algorithme. Résultats : 126 000 vues en… deux mois. Les deux autres suivent le même chemin. Múr déjà sur orbite ?
On verra bien. En attendant… on est éclaboussés par la qualité de ce premier long-format et de celui qui en est la pierre angulaire : Kári Haraldsson (chant, synthé, keytar), auteur de la musique et des écritures, responsable de la production et de l’enregistrement et même créateur de l’animation de la vidéo de "Frelsari". Il est également le batteur de Forsmán ! La virtuosité suinte en fait de chacun de ses membres, biberonnés à la musique classique et au jazz, avant de glisser vers le gros son. À l’instar des guitaristes Hilmir Árnason et Ísak Ragnarsson, formés par Þráinn Árni Baldvinsson, le gratteux de Skálmöld.
Comme j'ai pu le conseiller à un ami, la meilleure manière de s’immerger dans tout ce que Múr a à offrir serait peut-être de commencer par les deux derniers morceaux. Deux superbes propositions. Comme suggéré plus haut, le fascinant "Heimsslit" nous propose pendant plus de dix minutes un voyage intense, hostile, mystérieux, presque obsédant, rendu possible par une montée en puissance du synthé et un riffing Doom/Post-Metal particulièrement pesant. Dans la foulée, l’auditeur devient captif d’une rythmique entêtante, celle de "Holskefla", offrant qui plus est toute sa place dans le mix au keytar. Cette guitare-clavier, utilisé à d’autres instants de l’album (5e minute de "Múr" et de "Vitrun" par exemple) n’est vraiment pas un instrument que l’on retrouve dans tous les groupes de Metal.
Remettons la tracklist en ordre maintenant. Tandis que la teinte très progressive et éthérée du premier titre "Eldhaf", porté par le chant clair et en Islandais de Kári, en fait le compagnon idéal de tout esprit pris dans une houle dysthymique, "Múr" nous secoue par sa force tellurique avec un chant guttural, des lignes de batterie et un gros effet de réverb sur les guitares fleurant bon Meshuggah. Une référence que l’on doit convoquer à de maintes reprises dans cet album, tout comme Gojira, Opeth ou Devin Townsend d’ailleurs. Cette juxtaposition de styles Metal nous amène vraiment dans des directions à chaque fois différentes. La chanson la plus puissante, le très gojiresque "Frelsari", dénote ainsi du très (trop) électro "Vitrun" (too much le passage à la 7e mn ?), dont les dernières minutes vous rappelleront sans nul doute la bande à Mikael Åkerfeldt. Le synthé est de même bien décomplexé, pour ne pas dire omniprésent sur le "Messa".
Mais cela n’enlève rien de la forte impression dégagée par cette première offrande. Il est extrêmement rare de tomber sur un album tel que celui-ci, un mille-feuille créatif et sombre, attirant et inquiétant, semblable au sable noir des plages islandaises. Chacun en tirera des choses bien différentes. De son côté, Century Media anticipe déjà un accueil très favorable de Múr, qu’il considère « comme l'une des exportations musicales les plus prometteuses et les plus excitantes du pays. ». En espérant que cela ne dénature pas trop précocement cette gemme noire dont les facettes brutes restent encore à polir.
11 COMMENTAIRES
Moland le 11/12/2024 à 09:16:53
Une chronique négative dirait que ça casse pas des briques, Múr.
el gep le 11/12/2024 à 09:28:59
En tous cas la pochette ''petits chats'' n'écrase pas des chatons sous ses briques.
Thedukilla le 11/12/2024 à 20:11:19
Z’ont une tête à aimer les fruits des bois et les discussions à voix basse : ils aiment les mûres, Múr.
Sinon l’album est tout simplement génial. On sent peut être encore un poil trop les influences poindre par endroits, la ou les passages les plus somptueux sont ceux qui donnent à entendre leur voix propre (le final de Heimsslit, raaaah lovely).
Déjà des grands. Avec LA pochette de l’année.
el gep le 11/12/2024 à 21:36:28
Catalogue de coiffures, la pochette, clairement du grand art.
cglaume le 11/12/2024 à 22:32:27
Svp, parlez plus doucement.
C'est pourtant marqué en gros : murmure !
el gep le 11/12/2024 à 23:24:24
Glaume à cause de toi, ça y'est je songe à nouveau au suicide.
cglaume le 11/12/2024 à 23:38:59
Un songe c'est comme un doux rêve, non ? 'y a pire !!
el gep le 12/12/2024 à 10:01:40
Tout ça pour dire que c'est vraiment l'album de la maturité.
Crom-Cruach le 12/12/2024 à 12:27:00
Suis trop mur pour ces conneries.
Xuaterc le 12/12/2024 à 13:02:17
En tout cas, leur dégaines de boy-scouts n’est pas du tout raccord avec la musique proposée. On a plus l’impression que ce sont les chorales qui viennent chanter sur le pas de la porte à Noël dans les séries américaines
Aldorus Berthier le 15/12/2024 à 19:23:03
@Xuaterc Oh si ce n'était que ça ; la nouvelle vague black metal américaine ne nous y a-t-elle pas déjà un peu habitués ?
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