Nine Inch Nails - Bad witch

Chronique CD album

chronique Nine Inch Nails - Bad witch

J’ai toujours bien aimé NiN, surtout leur reprise de la chanson de Johnny Cash, mais j’ai aussi toujours trouvé qu’ils pompaient un peu trop Marilyn Manson pour essayer de gratter une miette de son succès.

 

Bon, je connais pas bien NiN. Ce groupe est dans mon champ de vision depuis l’adolescence, j’ai beaucoup aimé With Teeth et Year Zero, j’ai un peu écouté Hesitation Marks, mais il faut le reconnaître, NiN est un groupe pour les fans hardcore. Soit on connaît tout par cœur, soit on ne connaît pas vraiment.

Quand le chef m’a demandé si je voulais faire cette chronique, j’ai dit oui sans réfléchir, ni hésiter, mais je me rends compte maintenant  que je ne serai jamais à la hauteur de la tâche. La carrière de Reznor, son talent de producteur, ses OST géniaux pour des films mortels d’un réalisateur admirable, et surtout cette fan base dévouée corps et âme prête à me sauter à la gorge parce que je n’ai pas saisi l’essence de cet album, tout cela représente beaucoup trop de pression.

Et je ne peux même pas invoquer telle ou telle influence, évoquer des parallèles, NiN se situe toujours du bon coté de la matraque. On suit Reznor, on ne le devance que rarement.

Mais allons, haut les cœurs, faisons comme si.

 

Bad witch est donc le je-sais-pas-combientième album de Nine Inch Nails, sorti fin juin 2018. On devrait même plutôt parler d’EP, avec seulement 6 titres. 

Après une exploration des limites de la pop pendant la période allant de With Teeth à Hesitation Marks, on comprend dès le premier titre Shit Mirrors que Reznor a voulu revenir aux fondamentaux, il nous offre un titre tout à fait conforme aux standards attendus d’un titre de NiN, les saxophones en plus, et on pense à Copy of a copy, et à cette excellente copy of a copy. Ce serait fait exprès que ça m’étonnerait qu’à moitié, et ce serait plutôt intelligent.

 

Avec Ahead of ourselves, on prend une grosse rafale jungle/indus de trois minutes, une production râpeuse dégueulant du bitcrusher et du sample passé au broyeur. C’est sale, ça pique, et ça rappelle 1998.

 

C’est quand commence Play the goddamned part qu’on sent que ça va devenir sérieux. Une inquiétante partition pour saxophones (encore) ténor, alto et baryton (les experts me corrigeront si besoin) tourne sur une rythmique bancale soutenue par un tic tac d’horloge rouillée, et c’est la beauté de la composition de Reznor qui se révèle. On entre dans le domaine de la musique contemporaine, on sent le Ligeti, le Boulez, mais passés à la broyeuse d’âmes du Nothing Studio. C’est obsédant, entêtant, et reposant à la fois.

 

Sur God break down the door, les sax, encore, cette fois sur une rythmique jungle crade qui sonne comme un rappel de Ahead of ourselves, avec une voix beaucoup plus pop, et une saleté de boucle de TB 303  venue tout droit du Manchester de 1989. Et là on commence à comprendre (si possible) où il veut en venir.

 

I’m not from this world  nous emmène dans son trip poisseux de 6’40, qu’on ne voit pas passer tant se déroulent de choses déroutantes. Reznor est un maître des ambiances, et il le fait savoir. Ce titre évoque un condensé d’un OST qu’il aurait pu faire pour Fincher, genre le biopic imaginaire de  Raspoutine dans l’univers de Blade Runner (je vais lancer un Ulule pour financer ce projet).

 

Over and out vient chiller la fin du projet, avec sa rythmique gentillette, son marimba, sa clave de 808 et sa basse toute en groove. 4 minutes de mood Buddha Bar avec une couche de saturation, parce que ça reste NiN. Les voix s’emmêlent, couplets et refrains se confondent, on a envie de rouler en Buick sur une route du Nevada, de nuit. Puis, vers la 5e minute, un tourbillon de delays s’emballe et on sent qu’on va en prendre une d’une manière ou d’une autre. J’attends quelque chose d’aussi grand que le break de The great destroyer (cours l’écouter), et… non. Juste un fade out.

 

Je sais pas ce qu’en penseront les fans hardcore, et je m’en bat les couilles, frère. Bad Witch propose un voyage intelligent, cohérent, d’une production sans faille. Il conclut un projet plus vaste, commencé avec Not the actual events et  Add Violence.

Reznor est là, il est grand, il crée, c’est beau. Remercions la providence de vivre une époque où un tel artiste s’exprime. On ne peut pas suivre tout, tout le temps, on prend ce qu’on veut, on comprend ce qu’on peut.

Reznor fait avancer la musique de son temps, et c’est beaucoup plus que ce que font 99 % des autres musiciens.

 

PS : à l’heure où nous mettons sous presse, je découvre cette intérressante interview, et notamment ceci :

 I’m not worried about charts, I’m not worried about trying to appeal to playlists on radio stations. I just want to make the most challenging, best music I can.

 

Nuff’said, frère.

 

le 30/07/2018

7 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 30/07/2018 à 08:19:32

Le difficile exercice du "Je me charge de la chro d'un monstre sacré sans maîtriser parfaitement le bouzin mais je m'en bats". Chapeau l'artiste ;)

sepulturastaman

sepulturastaman le 30/07/2018 à 09:25:28

Attends de lire les TRVE old fan trouver inadmissible son manque cruel de connaissance, de Professionnalisme et surtout le grand classique : oui mais t'es pas objectif.
Bref espérons qu'ils soient à la piscine.

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 30/07/2018 à 11:39:01

La première phrase conduit à l'échafaud ^^
Sublime !

Traumax

Traumax le 30/07/2018 à 12:22:23

sepulturstaman > je les attends, qu'ils viennent me chercher.

Merci pour les remarques positives, les autres

XvrBlmfls

XvrBlmfls le 30/07/2018 à 12:27:07

Pas mal, frère, mais ça manque de paprika

Xuaterc

Xuaterc le 30/07/2018 à 14:17:17

Exercice difficile en effet, joliment exécuté. Ce pendant, je ne comprends pas la remarque d'Eric ;-)

el gep

el gep le 01/08/2018 à 11:33:20

Ahahahah! Génial! Je me reconnais trop dans ta première phrase, exactement ce que j'aurais écrit, ça c'est rigolo...

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