No Return - Requiem
Chronique CD album (46:38)

- Style
Thrash/Death - Label(s)
Mighty Music - Date de sortie
21 octobre 2022 - écouter via bandcamp
Dans le Big 4 of 90s French Death Metal, No Return joue plus ou moins le rôle d'Anthrax. Ou de Tankard si vous préférez le Thrash allemand. Celui du groupe qui ne fait pas l'unanimité. Et il faut bien reconnaître qu'un carré d'as Loudblast / Massacra / Agressor / Mercyless ferait tout aussi bonne impression... Pourtant 'y a pas à chier : avec leur Contamination Rises, enregistré en 1992 au Morrisound Studio de Tampa (l'épicentre du Death Metal mondial à l'époque), les Parisiens ont gagné leur ticket pour la première division hexagonale. Alors pourquoi le groupe ne remporte-t-il pas une aussi large adhésion que les autres mousquetaires du club des 4 ? À cause de la valse des musiciens qui, de tout temps, a agité son line-up et impacté de manière profonde son identité vocale (6 chanteurs différents sur 11 albums, quand même) ? Sans doute. Mais bien plus que l'instabilité de l'équipe, ce qui lui a été reproché c'est son instabilité stylistique. Commençant Thrash[/Death] sur Psychological Torment, continuant Death Metal sur Contamination Rises, cédant à la mode du Groove Metal pour surfer sur la Pantera-mania avec Seasons of Soul, optant pour le SF Thrash/Death-core pendant l'époque Steve Petit (Self Mutilation & Machinery), puis hésitant avant de virer Mélo-Thrash/Death à la scandinave ces dernières années, No Return est un peu comme cette cousine horripilante qui n'arrive jamais à se décider entre éclair au chocolat et tarte aux fraises, débardeur saumon et top moutarde (« … nan mais atteeends : un faux pas sur Insta et c'est des centaines de followers en moins ! »).
Pour ce 11e album célébrant 33 ans de carrière, Alain Clément – le dernier des Mohicans du line-up originel – a dû se dire que ça faisait longtemps que les choses n'avaient pas changé. Il était donc temps de procéder à une nouvelle embauche côté micro, ainsi qu'à une Nième réorientation stylistique. Sauf qu'il s'agira cette fois d'une réembauche, et d'un relatif retour aux sources. Sans doute parce qu'à l'époque, Self Mutilation et Machinery ont eu leur petit succès. Alors pourquoi ne pas capitaliser sur ce passé relativement glorieux ? Après tout la plupart des groupes cèdent à ces accès de nostalgie opportune, non ? Allez hop, opération « On fait du neuf avec du vieux » : convocation de Mr Steve « Zuul » Petit, retour d'une donzelle cyber-goth à gros lolos et petite tenue sur la pochette, saupoudrage d'ambiances SFo-dystopiques aux extrémités de certaines pistes, et adoption d'une approche plus frontale, plus « core », plus « rangeos & biscotos » – parce qu'on se fait d'autant plus respecter qu'on a l'air prêt pour la bagarre. Pour autant le groupe ne tire pas un trait sur ses dernières années à touiller le sucre de la scène nord-européenne et continue donc de tartiner ses nouvelles aventures de larges coulées mélodiques créant régulièrement d'agréables sensations contrastées de chaud-froid métallique.
Après ce récapitulatif historique et ce point « fiche technique », il est temps que je sois franc avec vous : je ne suis pas un gros fan du type de chant de Mr Zuul. Cet entre-deux ni franchement growlé, ni amicalement aboyé, ni psychotiquement expectoré sonne comme la voix gruntouillée d'un chef de bande de supporters cherchant à galvaniser ses troupes. Le genre qui demande en concert à ce que tout le monde lance le poing en l'air en faisant « Hey ! Hey ! Hey ! » en rythme. Le type mortellement sérieux, sourcils froncés façon « On est des mecs ou pas ? », qui joue la menace sans être véritablement crédible. Ce style de chant qui fonctionne très bien pour beugler « Let Freedom Ring With a Shotgun Blast ! », mais qui insupporte si l'alchimie n'est pas là, et qui tombe la tête la première dans une grosse flaque de ridicule quand est lâché un « Fuck 'dat shit ! » à la fin d'« Affliction ». Je vous rassure, l'agacement ici évoqué me semble une allergie très spécifique, comme celle au gluten : si elle me touche et provoque de désagréables irritations, les chances sont minimes qu'elle vous concerne également. Il me semblait néanmoins important d'évoquer ce point qui contribue à tirer la note de Requiem vers le bas.
Maintenant que l'abcès est percé, causons musique : les propos seront bien plus positifs. Pour faire court, l'album est constitué pour moitié de morceaux vraiment bonnards, qui marient assez idéalement l'héritage d'At The Gates avec celui de Machine Head dans une approche relativement velue, et pour moitié de titres plus efficaces que franchement mémorables, pour lesquels on a l'impression que le pilotage automatique prend parfois le relais, sans toutefois que jamais le propos ne se vautre dans la médiocrité. « The Only One » est un parfait représentant de la première catégorie, la guitare poussant la scandinavophilie jusqu'au fond des fjords pour nous offrir un majestueux riff typiquement Death/Black. C'est ce qu'on appelle un putain de titre d'ouverture ! « Nobody Cares About You » mérite lui aussi d'être cité parmi les vraies réussites de l'album, les cavalcades inspirées ayant toutes pour point de départ et/ou d'arrivée une coulée mélodique semblant empruntée au Tales From The 1000 Lakes d'Amorphis. À l'autre extrémité du spectre kiffesque on trouvera « The Podium of Truths » et son retour un peu bas du front dans le monde du Death pète-sec, ou encore « No Apologies » qui applique sa formule de manière classique et sans spécialement faiblir sur les couplets, mais qui va s'écraser sur un refrain pénible, aussi sexy qu'un vieux cèpe à moitié bouffé par des limaces. Heureusement, quel que soit le morceau, il est toujours possible de se raccrocher à l'agréable fil d'Ariane des leads et solos d'Alain Clément, qui sait également nous régaler de superbes passages « twinnés » avec son compère Geoffroy Lebon – comme à 3:22 sur le décidément très bon « Nobody Cares About You ».
Contrairement à ce qu'il clame en devanture, Requiem ne devrait donc pas être le dernier « chant d'honneur » d'une formation mourante, l'album réussissant en grande partie son pari de faire converger le tournant mélodique pris ces dix dernières années avec l'approche plus musclée qui caractérisait les albums du début de millénaire. Alors si vos oreilles n'ont pas l'inconvénient des miennes, et que le chant du Zuulou vous chatouille donc plus qu'il ne vous gratouille, n'hésitez pas à passer ces trois quarts d'heures en compagnie des Parisiens dont les arguments sont suffisamment solides pour vous faire voir d'un œil plus clément les bouchons du périph', l'odeur de pisse des couloirs d'Auber et les consommateurs de cracks de Porte de la Chapelle.
La chronique, version courte: mélange relativement réussi du Thrash/Death dystopique de l'époque Self Mutilation / Machinery et des scandinaveries pratiquées par No Return durant ces 10 dernières années, Requiem voit Steve « Zuul » Petit reprendre sa place derrière le micro pour trois quarts d'heure d'un Metal à la fois frontal et mélodique entre At The Gates, Machine Head et le Gardenian de Sindustries.
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