Pervy Perkin - ToTeM

Chronique CD album (01:18:53)

chronique Pervy Perkin - ToTeM

« … l’opus avait fini par rejoindre la haute pile des albums dont-on-va-vous-causer-en-ces-lieux-promis. »

 

Ces propos, extraits de la chronique de Comedia: Inferno, évoquent l’album d’avant, autrement dit ce ToTeM dont il est aujourd’hui question. Et un lapin, jaune à défaut d’être jeune, n’a qu’une parole ! Presque 4 ans après, il était donc grand temps de se retrousser les manches pour s’attaquer enfin à cet imposant édifice musical aux dimensions plus proches de celles de la pyramide maya (… aztèque ? toltèque ? inca-pable de faire la différence) entrevue sur cette magnifique pochette que de celles de la statue apache (mohican ? cherokee ? iroquois ? Comanche savoir...) évoquée dans le titre.

 

Qu’il s’agisse de l’opus de 2019 ou de cette cuvée 2016, les albums de Pervy Perkin ne dérogent pas à certains standards, dont celui de proposer de riches pièces d’un Metal progressif s’autorisant tout. Mais vraiment tout. D’où l’étiquette « Nawak Heavy Prog / Metal Extrême » accolée à Comedia: Inferno, ainsi que sa variante du jour, « Melting-pot Prog Metal déluré », figurant un peu plus haut. La différence entre les deux, en quelques mots ? Les relents sulfureux du volume 2 ont poussé les Espagnols à verser plus régulièrement dans le Metal extrême qu’ils ne l’avaient fait trois ans plus tôt. Par ailleurs les poussées Nawak pures et dures étaient sans doute plus fréquentes sur le petit dernier (… quoique ça demanderait l’arbitrage vidéo pour être vraiment sûr)… Autre point attestant d’une certaine évolution : ToTeM respecte plus volontiers les « normes » progressives affirmant qu’une compo doit être longue (on parle ici de 16, 19 et 26 minutes !) et la tracklist bigarrée (comptez 4 intermèdes qui partent loin, mais loiiiiiiiiiin tout là-bas).

 

Comme son cadet après lui, ToTeM met en musique une longue histoire mouvementée dont les rebondissements imprègnent profondément sa dynamique – et pas uniquement via ces quelques dialogues et tirades qu’on croise ci-et-là. Le fil d’Ariane narratif contribue à consolider en une œuvre digeste cet entrelacs dense de lignes de chant, de styles, d’instruments et d’ambiances multiples. Si les couleurs dominantes sont celles d’un Metal Prog délicat et raffiné, l’auditeur vivra également des chevauchées Heavy épiques, se détendra dans des bulles lounge cotonneuses, planera dans des vapeurs psyché so 70s, essuiera de violentes salves saccadées ainsi que des explosions growlées, sourira lors de parenthèses nawako-cintrées, dansera sur des boucles Techno, portera le costume brillant des Bee Gees, appréciera les inclusions de flute de Pan, de percu’ et de thérémine… Bref, il évoluera, émerveillé, dans un bordel génialement foutraque dont le seul équivalent qui me vienne à l’esprit pourrait être déniché dans la discographie de Toehider.

 

Ça vous fait peur ? Il ne faut pas…

 

Alors évidemment, une telle somme ne se digère pas en une fois. Quoique les pièces se mettent vite en place. Même au sein de ce « Mr. Gutmann » incroyable (… les fameuses 26 minutes !) qui pourrait constituer un album à lui tout seul. Il faut dire que, en plus de rester relativement accessible, le groupe n’hésite pas à régulièrement nous livrer en pâture des titres plus ramassés, moins foisonnants, où l’on se fait rapidement une place au chaud. C’est évidemment le cas sur les 4 intermèdes, dont l’originalité et la pertinence méritent d’être au moins évoquées rapidement via de courts résumés – lançons-nous : « Piano solennel sur coulis de Hip-Hop » pour « I. The City », « Transe urbaine délicieusement sombre » pour « II. The Fog », « J’ai téléchargé Ring : depuis Windows plante » pour “III. The Sound », et « Crooner en 1ere mi-temps, Indus tribal en 2e » pour « IV. The Void ». Mais c’est également le cas sur « KountryKuntKlub », réjouissant morceau de Nawak Americana progressive particulièrement pétulant. En revanche la chose est moins vraie sur « Hypochondria » où les extrêmes se succèdent (pseudo-Stoner, Thrash/Death, délitement Jazz/Lounge/Avant-Garde, Metal déstructuré…) sans jamais vraiment faire corps…

 

C’est d’ailleurs ce dernier morceau, ainsi que quelques rares petits loupés (ces « ‘cause I do believe » aigus pas loin d’être désagréables à la fin de « I Believe ») qui me poussent à noter l’album un micro-poil en-dessous de son successeur. Mais il n’est pas dit que si je faisais tourner les deux en boucle à la suite l’un de l’autre, mon avis ne changerait pas.

 

Du Metal Prog effronté et sans frontière, de l’insolite, de l’ambitieux… Et puis – quand même – l’évocation de Toehider. En toute logique une certain nombre d'entre vous devraient assez naturellement franchir le pas de l’écoute, puis du détour par Bandcamp afin de voir si un adoubement via Paypal ne serait pas tout à fait approprié en de pareilles circonstances… Parce que ce ToTeM-là mes Coco, il a clairement été composé en pensant à vous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: oui, même tarabiscoté et filé le long de morceaux loooooongs comme un mandat de Trump, le Metal progressif peut être passionnant. Et pas seulement pour ceux dont les chromosomes portent les gènes appropriés. C’est ce que nous prouve ToTeM, 2e album des Espagnols de Pervy Perkin proposant une heure et quart de musique luxuriante aussi inventive que multi-facettes, et n’ayant que peu d’équivalents – à l’exception notable de certains des univers développés par Toehider.

 

photo de Cglaume
le 21/03/2023

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