Rancid - S/t

L’excellent Life Won't Wait, sorti en 1998, consacrait l’amour des Américains pour le Ska et le Reggae. L’album fut accueilli avec froideur par la frange la plus dure de leur fan base. Le punk basique n’est pas spécialement connu pour sa tolérance musicale et pour savoir faire la part des choses.

Rancid disparaît alors plus ou moins de la circulation pendant deux ans, ne soutenant que peu le skeud sur les planches.

Arrive cet album éponyme à la pochette annonçant la couleur : il n’y en aura pas. Le groupe n’en fit pas une promo tapageuse avec son attitude Fuck Off habituelle toujours dans la ligne de mire. Son aura était toujours dans les consciences.

La musique de Rancid 2000 parlera par elle-même et deviendra aisément sa plaque la plus intransigeante.

Car ici, ce n’est ni plus ni moins que du Punk HxC auquel nous avons affaire. Et on se le prend directement en pleine face.

Enregistrés en une seule prise, tous les titres revêtent une dimension d’urgence absolue même pour les plus mélodiques d’entre eux. Freeman à la basse est au sommet de son art alors que Lars crache dans son mic comme si sa vie en dépendait. Il en résulte une usine à tubes qui défile sans lassitude.

Le méchant "Don Giovanni" ouvre les hostilités. Et il faut attendre "Let Me Go" pour pouvoir reprendre une goulée d’air. Le morceau paraît bien inoffensif face au reste de la horde crêteuse mais il brille pourtant par un refrain fabuleux.

Car on oublie que Tim Armstrong fut un redoutable compositeur avec un sens de la critique politique parfait, avant de ressembler à un Homer Simpson couvert de tatouages.

On se doute, après, qui a pondu "I Am Forever", car la grosse patte haineuse du Skunx suédois imprègne le titre plus sûrement que celle d’un ours la face d’un randonneur.

Avec "Poison", il n’y a plus aucun doute, on tient dans nos esgourdes un album de punk américain absolument unique et indispensable.

Au rayon des violents cartons en pleine face, on peut encore sortir du gros lot, un "Corruption" sur lequel les chœurs de Matt font merveille ou un "Antennas" avec le chant de Tim en mode nonchalance totale. "Not To Regret" nous sciera par sa ligne de basse sidérante alors que "Dead Bodies", encore composé par Lars, nous renverra directement au streetpunk de Lars Frederiksen And The Bastards né la même année.

"GGF" conclut magnifiquement un album en dehors de la norme pour le style.

En hommage à celui-ci, je me suis lancé un défi et j'ai écrit cette chro en un seul jet juste en l’écoutant une énième fois, d’une seule traite.

Je vais alors souffler un peu en me débouchant une roteuse à la santé des quatre Californiens.

Crom-Cruach

le 04/06/2023