Redemptor - Arthaneum

Chronique CD album (44:20)

chronique Redemptor - Arthaneum

Il n'est pas rare que certains fils d'Ariane thématiques traversent les œuvres de groupes ou de scènes aux univers proches. Ainsi les pec' saillants, les haches de combat et les heaumes fendus sont fréquents sur les pochettes et dans les textes des défenseurs du True Metal of steel. Les canines maculées de nectar couleur rubis et les longues capes de chauve-souris s'affichent régulièrement en couverture et dans les titres d'albums à coloration gotho-darko-sympho-Black. Et dans les sphères Stoner / Doom / Fuzz, ce sont plutôt les palettes de couleurs psyché et les cours de botaniques option culture du chanvre qui tapissent les murs et inspirent les blazes. Mais il arrive également parfois qu'on voit émerger ponctuellement des univers thématiques beaucoup plus pointus, comme par exemple celui des squatteurs de grands fonds marins, qui semble faire écho à la majesté et la lourde apesanteur (oui oui) du riffing de certains groupes de Death moderne. Ainsi, dans la suite logique des baleines volantes de Gojira et du morse des abysses de The Walrus Resists arrive aujourd'hui la raie d'Emptor, proche cousine de la raie Manta, quoique plus sombre, plus pesante et moins aérienne.

 

… On est ici d'autant plus dans le thème de la mer que vous aurez constaté à quel point j'ai dû ramer comme un forcené pour me sortir de la galère de ce paragraphe introductif qui commençait méchamment à prendre l'eau.

 

M'enfin si en fait, pour être honnête, on ne peut pas vraiment dire que l'univers thématique de Redemptor soit lié à celui des vastes océans, on ne peut nier par contre un lien certain avec l'hyper gravité (là je parle de celle qui, multipliée par notre masse, donne notre poids, pas celle affichée par les officiels en représentation commémorative) d'un Gojira manipulant « The Heaviest Matter of the Universe ». Car s'ils n'abusent pas franchement du riffing saccadé qui les rapprocherait alors des spères Death Meshugophile, les Polonais dont il est ici question ont ce côté ample, massif, majestueux, pesant qui a entre autre fait le succès de nos Landais préférés. Mais que les réfractaires à cette scène autrefois en vogue – et qui collait du « Modern » en préfixe de son étiquette stylistique – abordent Arthaneum selon un angle un peu différent: en pensant Morbid Angel plutôt que Gojira, le premier étant une influence assumée du second. Enfilez à la suite de ce nom ceux de Solekahn et She Said Destroy. Vous commencerez alors à discerner une masse décibélique épaisse comme un raz-de-marée de goudron, et la promesse de tourments broussailleux parfois traversés d'éclaircies miraculeuses, telles autant de fragiles bulles de beauté pure au milieu de la tourmente. Et cette carte postale sera fidèle à ce que ce 3e album propose.

 

Non parce que je sais bien que le discours promotionnel officiel parle de Death technique et met l'accent sur la provenance des musiciens – ceux-ci étant des membres, ex- ou non, de Decapitated, Vader, Hate, Lost Soul & co. Mais en dehors d'une dextérité instrumentale indéniable et d'un côté sombre et massif, il n'y a rien de commun entre Redemptor et Atheist ou Obscura, ni avec les pontes de la scène polonaise. Ce sont plutôt les fans d'Immolation et des groupes cités dans le paragraphe précédent qui vont se sentir ici comme des poissons abyssaux dans les eaux profondes. Car les guitares sont goudronneuses, le tempo est souvent écrasé – même si la double se déchaîne régulièrement –, le propos est accidenté, voire chaotique. Et la force d'Arthaneum c'est cette capacité miraculeuse à faire jaillir de vifs éclats de lumière du milieu des ténèbres, à créer des moments rares de pure grâce, tels de brefs vols planés dans le ciel serein situé au-dessus d'un océan noir de nuages orageux, de jouer sur les contrastes pour proposer ce que l'on pourrait presque qualifier de « Clair obscur Death Metal ». Ce genre de passages pullulent au cours des trois quarts d'heure que dure l'album, mais si vous voulez un exemple concret, prenez ce doux gratouillis apaisé qui nous berce autour de la barre des 3:00 sur « Departure », et constatez comme la lame de fond ne nous en fauche qu'avec plus de force et de maestria à 3:20, quand le mouvement de balancier nous fait à nouveau replonger dans le tumulte cyclopéen.

 

Puisque la nuance et la qualité de l'information sont censées faire partie du bagage du bon chroniqueur, on profitera de cette fin d'article pour signaler deux points supplémentaires. Tout d'abord que l'uniforme excellence du présent album est un peu entachée par la présence d'un « Illusory Fountain » un peu trop tortillonneux, ainsi que par un morceau-titre trop mollasson et langoureux en son milieu. Puis signaler que tel She Said Destroy, Redemptor s'offre quelques petites fantaisies hors piste, comme un break bluesy à 2:34 sur « Cremation of Care », un peu de piano décalé vers la fin de « Semantic Incoherence » et un démarrage un peu tribal sur le morceau-titre. Autant de gages de bon goût qui ne font que renforcer notre attachement pour ce bougre d'excellent album.

 

Finissons vite et bien: Arthaneum est un rouleau compresseur de Death massif et broussailleux ménageant de magnifiques instants de grâce au milieu de monumentales coulées de goudron. Fans de Morbid Angel, Solekahn et She Said Destroy (et Gojira, oui, sans le côté Meshumoderne), vous allez déguster!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: tout est déjà dit dans la conclusion ci-dessus, il faut vraiment que je rabâche? 'z'êtes vraiment des feignants: « Arthaneum est un rouleau compresseur de Death massif et broussailleux ménageant de magnifiques instants de grâce au milieu de monumentales coulées de goudron, pour fans de Morbid Angel, Solekahn et She Said Destroy ».

 

photo de Cglaume
le 25/06/2018

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