Sadist - Something to Pierce

Chronique CD album (38:41)

chronique Sadist - Something to Pierce

Mais, mais... Elles sont où les forêts tropicales, les ruines de temples incas, la savane, les terres ocres, les sandales ? On ne fait plus dans le Prog Death technico-routard chez Sadist ? C’est Giorgia Meloni qui leur a coupé les subventions « voyage », à nos Italiens préférés ? Serait-ce ce qui aurait contraint Tommy Talamanca et son acolyte Trevor Nadir à passer plus de temps sur les bancs de l’une de ces vieilles bibliothèques liguriennes où – au moins, là, c’est gratuit – ceux-ci auraient eu tout loisir de potasser Lovecraft afin de singer Sulphur Aeon sur son propre terrain ? Ou peut-être se sont-ils plongés dans les Eddas, afin de confectionner un Twilight of the Thunder God à la sauce bolognaise (« génoise », plutôt, puisque c’est de là qu’ils viennent...) ? J’avoue : je ne sais où se trouve la vérité. Ailleurs, sans doute. Toujours est-il qu’on ne comprend pas vraiment le raison de la présence, sur la pochette de ce 10e album, de cette poignée de prêtres belliqueux invoquant Yog-Sorthodontie, la divinité des profondeurs et des prothésistes dentaires. Car honnêtement, une telle œuvre ne colle pas vraiment avec les sentiers mystérieux et les saveurs raffinées qui servent une fois de plus de décors aux pérégrinations de ces improbables pèlerins de l'extrême...

Mais après tout, un jeune barbu masochiste pratiquant le piercing extrême s'affiche sans vergogne, quasiment nu, sur les nombreuses croix décorant ces lieux lugubres où les nonnes se retirent. On a donc l’habitude : entre ce qui figure sur l’emballage et ce qu’on découvre dans la boîte, il y a parfois un monde…

 

Allez, trêve de blablateries hors sujet : Something to Pierce continue là où Firescorched nous avait laissés il y a 3 ans, i.e. en plein milieu d’une croisade visant à faire renaître le feu sacré qui avait présidé à la naissance de Tribe, le cultissime 2e album des Sadiques zadistes. On constate en effet rapidement que la trajectoire discographique suivie par nos amis tend de plus en plus asymptotiquement vers ce référentiel modèle – le cru 2025, plus homogène que son prédécesseur, réussissant à déjouer le piège de la face B faiblarde où était tombée la cuvée précédente.

 

Vous connaissez le menu pour avoir déjà mangé à cette table métallique réputée : Sadist nous offre à nouveau 38 minutes de cavalcades aussi effrénées qu’accidentées, de riffs versatiles, biscornus, exigeants mais revêches, qui vont comme un gant à ce chant criard, proche parent du shriek Black. Sauf que, tiens, plus souvent qu’auparavant – du moins en début de tracklist – un growl profond vient apporter quelques teintes moins habituelles au tableau… Pour autant, les décors ne changent pas fondamentalement. Ainsi le gros matou qui sert de basse ronronne-t-il toujours aussi fort dans les coussins. Ainsi les casse-têtes les plus broussailleux se trouvent-ils régulièrement aérés de séquences Ushuaïa, de Voyages en Terres Inconnues, et de photos prises par Yann Arthus-Bertrand. Ainsi le clavier semble-t-il toujours sorti de la DeLorean de Marty, son net arrière-goût "80s" nous rappelant que les télés avaient des tubes cathodiques, dans le temps, à l’époque où Jean-Michel Jarre jouait du synthé-laser en gants blancs.

 

Vous vous souvenez de ces doux frissons ressentis en 1995 ? Eh bien, joie, on n’a pas vraiment l’impression que trente ans ont passé depuis !

 

C’est notamment flagrant sur « Deprived », qui nous conduit dans les traces d’un Mimi-Siku en embuscade derrière les acajous, tandis que l’appel du chaman résonne au loin. Mais c’est tout aussi évident sur le début de « Dume Kike », ainsi que sur sa deuxième moitié, qui nous permet de quitter le poinçonnage lancinant des trois premières minutes pour une escapade nocturne au milieu des séquoias. « The Best Part is the Brain » ? Même constat, les percus et les halètements tribaux ne laissant que peu de doute quant à la direction prise… Et le résultat de s’avérer relativement probant, notamment quand les Italiens décident d’aller rendre visite à leurs voisins orientaux de Nightfall à l’occasion d’un « Nove Strade » redonnant corps au souvenir lointain d’Athenian Echoes.

 

J’avoue cependant me demander parfois si l’effet de contraste est à ce point sacré qu’il faut veiller à se rendre aussi régulièrement à l’autre bout du spectre musical, afin de ménager autant de plans tech rebrousse-poil… Franchement, sur « The Sun God » ou « No Feast for Flies », cela confine parfois au masochisme. On ne pourrait pas simplement profiter du ciel étoilé sans se faire bouffer les chairs par des tiques, des moustiques et autres riffs retors ? Le panard n’en serait que plus grand… 

 

Quoi qu’il en soit, Something to Pierce est sans doute l’album qui provoque les sensations les plus proches de celles ressenties au siècle dernier, quand « The Ninth Wave », « Escogido » et « Den Siste Kamp » tournaient en boucle dans nos lecteurs-cassettes. Il est vrai que le plaisir serait plus complet si certains morceaux donnaient tout ce qu’ils avaient sans forcément se sentir obligés, à un moment ou un autre, de devoir faire crisser leurs ongles sur le tableau noir. Mais le mieux étant l’ennemi du bien, on savoure ces dix compos nouvelles telles qu'elles nous sont proposées, en se promettant d’aller farfouiller au plus vite dans nos tiroirs pour en extraire la fameuse pochette bleue et son Mowgli tout en ombres chinoises et se replonger dans les indicibles plaisirs du milieu des 90s…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : Tribe a aujourd’hui trente ans. Il n'est donc pas étonnant que Sadist ait souhaité lui rendre hommage en… Comment ? Something to Pierce n’est pas une version remasterisée de leur album culte ? Juste un goûteux dixième album manifestant une nette volonté de s'en retourner vers cet ancien temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ? Eh bien pour le coup c’est vraiment très bien fait : on s’y croirait ! Même si, c'est vrai, on aurait préféré une approche moins systématiquement retorse afin de mieux profiter de ces escapades mystérieuses et lointaines…

photo de Cglaume
le 10/04/2025

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