Stolen Babies - There Be Squabbles Ahead
Chronique CD album (49:12)
- Style
Cabaret metal foutraque - Label(s)
Ascendance Records - Date de sortie
31 octobre 2006 - écouter via bandcamp
Les requêtes du Prêtre Nawak (ou comment sournoisement détourner les clauses d'exclusivité naïvement signées par notre léporidé glaumesque au sein de son ancien terrier) – Épisode 5
Vous vous en étonnerez sûrement de me voir signer cette présente chronique dans le sens où Stolen Babies, c'est LE candidat de plume glaumesque par excellence. Eh bien, figurez-vous que même s'il aurait sans doute bien voulu la faire, d'autant plus qu'il avait pondu celle de l'album suivant ici, le pauvre est pieds et mains liés dans le sens où il est encore emprisonné des chaînes de son ancienne crèmerie qui lui a fait signé à l'époque une clause d'exclusivité (mais vous pouvez la retrouver par ici, on est généreux). Sous la torture, vous vous en doutez bien. C'est donc Bibi, sous la gentille demande du prêtre Nawak en chef, qui se doit de rectifier cette regrettable absence. Parce que même si le combo aime nous faire miroiter longtemps dans notre jus entre chaque méfait, on se dit que Naught est sorti maintenant depuis huit ans quand même. Même si le groupe ne s'est pas forcément étalé beaucoup en communication quant au futur troisième bébé, on imagine qu'on tire davantage vers la fin de son temps de gestation plutôt que du début. Et la moindre des choses, c'est de l'accueillir au sein d'une discographie à jour sur Core And Co. Parce qu'ils le méritent amplement...
Ce troisième, on trépigne d'autant plus d'impatience maintenant que les Stolen Babies sont sortis quelque peu de leur silence radio afin de balancer un tout nouveau titre éponyme. Mais point de nouvelles pour davantage de matériel, loin d'être prêt apparemment. Tant pis, on se contentera de ce simple petit os à moelle qui se révèle on ne peut plus savoureux, d'autant plus qu'il ramène davantage aux ambiances cabaresques déjantées qui faisaient tout le charme de ce fameux There Be Squables Ahead qui nous intéresse aujourd'hui. Et pour remettre les choses dans leur contexte, quand bien même je suis passée à côté de la plaque à sa sortie, ne l'ayant découvert que deux ou trois ans plus tard en parallèle à deux autres étrangetés nawak fortement recommandables – à savoir, nos Hexagonaux de Pin-Up Went Down et Akphaezya, on remerciera fortement l'algorithme Youtube de l'époque d'avoir si bien su suggérer le clip de « Push Button » en réaction. C'était d'ailleurs une époque de passage un peu à vide dans mes pulsions de défricheuse musicale où j'étais quelque peu blasée de tout plein de choses. Et que cette triple découverte sur ce même laps de temps a eu l'effet d'une véritable décharge d'énergie – de pas moins de 2,21 Gigowatts pour mieux redémarrer à 88 miles à l'heure comme dirait ce cher Emett Brown – histoire de repartir sur le front avec une motivation sans faille. Et de cette triplette d'albums découverts coup sur coup, j'admets avoir une préférence/affection toute particulière pour ce There Be Squabbles Ahead que je m'engloutis encore avec gourmandise régulièrement, sans jamais ressentir la moindre lassitude. Ni même d'un quelconque côté « has-been/vieillot » tant la plaque semble induite d'une lotion anti-ride que même L'Oréal envie la recette. Bref, un coup de cœur un vrai, un album de chevet au même titre que le Prêtre Nawak en chef.
Le secret de sa longévité ? Sans nul doute le fait d'être logé dans une enseigne exempte de toute forme d'étiquette codifiée, ce qui le rend par logique totalement hermétique à une quelconque appartenance à un phénomène de mode éphémère. Peut-être que le profane pourra peut-être lui reprocher ses influences esthétiques – que ce soit la jaquette de ce premier méfait, et même celle du suivant, Naught, ça mérite clairement l'achat du LP que l'on accroche sous cadre à une bonne place de son salon – desquelles impactent énormément sur l'ambiance sonore exhibée une fois la plaque posée sur la platine. « Bah, ça s'inspire des imageries de Tim Burton, ce n'est pas comme si c'était nouveau, c'est plus ou moins le standard pour beaucoup de groupes s'affiliant à un délire cabaret rock/metal » pourraient-ils regretter. Et pourtant, même si la référence est facile et tout public, ce n'était clairement pas en vogue en 2007. Tout le monde s'en contrefichait complètement, hormis les jeunes ados dans la fleur de l'âge avec leur sacoche de Jack et leurs lèvres noires de jais. Alors, Stolen Babies, ce serait ce petit groupe paumé d'on ne sait où aux States, qui peine à mener une existence suivie pour diverses raisons, ne serait-ce que sur leur propre continent, sans jamais être parvenu réellement à traverser significativement l'Atlantique (à une exception près), mais qui aurait malgré tout atteint un statut culte d'estime ? Assez important par ailleurs afin de devenir des modèles pour une petite scène de niche ? Les itérations de notre lapin national vous prouvera qu'il y a peut-être un peu de vrai dans cette hypothèse.
Et qu'est-ce qu'ils y ont trouvé ces petits suiveurs en cabaret metal en Stolen Babies pour s'en inspirer gentiment ? En premier lieu, sans doute une formule musicale qui fonctionne fort bien, à savoir une base rock hyper accessible, qui n'a d'ailleurs aucun scrupule à lorgner vers des choses très pop (le single « Push Button » dont il est totalement possible de passer à côté de la personnalité du combo si on l'écoute individuellement sans le clip vidéo qui l'accompagne) dans laquelle on incorpore tout un tas d'autres éléments plus surprenants et ludiques (lubriques au vu de l'orgasme sonore ?) les uns que les autres afin d'obtenir un ensemble qui se gobe comme du petit lait, qu'importe que l'on soit coutumier des frasques fusion/expérimentales ou non. Les Stolen Babies offrent dès sa première carte de visite long format un résultat sans failles, solide comme tout, sans jamais que l'on n'ait la moindre impression d'une quelconque faute de goût ou erreur de jeunesse. C'est que l'on sent que tout a été travaillé et bien poli comme il se doit. On pardonne ainsi un peu au combo son rendement on ne peut plus faiblard tant il vaut peut-être mieux prendre un temps infini pour livrer au final un produit quali', en plus d'être complet – à comprendre, musique, clip, artwork – plutôt que de sortir une galette par an et mener la formule vers le mur par précipitation.
Déjà, l'ensemble est homogène mais d'une variété à toute épreuve. Homogène dans son ambiance fleuve, burtonienne donc (délires fantasmagoriques sombres et cirquesques mais assez exubérantes pour en dégager quelque chose de fun et guilleret), mais toujours propice à offrir diverses nuances dans la distillation de celle-ci. Même si, pour ça, le combo ose exploser les frontières stylistiques pour un résultat dégageant un petit goût aussi curieux qu'intrigant sans qu'il ne paraisse pourtant hors de propos (« So Close », titre synthétique plutôt épuré qui aurait toute sa place dans les dancefloors des catacombes cyber/goth parisiennes ou encore l'instrumental « Swint ? Or Slude ? », sorte de fanfare entre Mr. Bungle et musique des Balkans qui se suivra quelques titres plus loin en version chantée et saturée sur « Gathering Fingers »). Sans y aller forcément par la manière forte, il sait aussi se montrer énigmatique à la première écoute au vu de la singularité de sa personnalité mais assez magnétique et fédérateur afin qu'on se prenne à fredonner, secouer la tignasse ou taper du pied d'entrée de jeu. C'est qu'usiter de structures formatées pop/rock ou de jouer la carte du groove bien senti (via une basse omniprésente qui atteint des sommets de bravoure sur « Awful Fall ») rend l'ensemble particulièrement tubesque et irrésistible. On ne se fait donc pas prier pour danser comme dans un bal musette/accordéon survitaminé (« Filistata »), se dandiner avec canne et haut-de-forme (« Tablescrap », « A Year Of Judges » et ces rigolos petits cliquetis typés caisse enregistreuse retro). Jusqu'à littéralement exploser lorsque le propos se fait violence en parallèle à sa narratrice qui pète littéralement sa durite en registre hurlé (« Spill! », voulant prouver dès l'ouverture des hostilités que le registre n'est pas si sirupeux qu'on pourrait le penser, la seconde partie de « A Year Of Judges » ou « Mind Your Eyes » sentant l'urgence des circle pits à plein nez). Ça sait également laisser un peu d'espace pour se reposer, respirer et surtout contempler à quel point cette ambiance sombre peut s'avérer fascinante dans sa mélancolie (« Swint ? Or Slude », la petite ballade « Lifeless »). Et surtout, ça se clôture de belle manière, avec toujours autant de classe et théâtralité avec « The Button Has Been Pushed » où l'on sentirait presque réellement le courant d'air du tomber de rideau sur notre visage, tout en laissant un sentiment tenace de « To Be Continued ».
Une suite que l'on aura eu en 2012 avec Naught. Qui, même s'il ne fourvoie nullement son identité, se révèle extrêmement différent. Le bouton a été appuyé et si l'univers reste le même, on sent que celui-ci enclenchait le mode « cyclone des ténèbres » qui rend l'ambiance autrement plus viciée. A comprendre, le sombre est toujours là mais présenté dans une forme plus creepy tendance cauchemardesque. Ce qui se ressentait énormément sur les compositions, moins directes, moins fédératrices. Non moins bonnes pour autant, juste différentes et plus malsaines. Autant dire : en terme de carte d'entrée, vaut mieux prendre les choses dans l'ordre et commencer par ce There Be Squabbles Ahead, plus accrocheur et guilleret. Et ne soyez pas trop craintifs : l'essayer, c'est l'adopter, ni plus, ni moins !
2 COMMENTAIRES
cglaume le 27/09/2020 à 19:25:05
Merci Margoth pour cette savoureuse piqûre de rappel. Un album Nawak référentiel ! (J'étais à Paris pour leur tournée avec TDEP... Quel bonheur c'était... Même s'ils n'ont pas joué "So Close")
Crom-Cruach le 27/09/2020 à 21:39:31
Très bon album oui.
AJOUTER UN COMMENTAIRE