Sturmgeist & The Fall Of Rome - Kald Krig

Chronique Vinyle 12" (83:18)

chronique Sturmgeist & The Fall Of Rome - Kald Krig

Norway's finest part 6  

 

 

Au printemps 1951, l'armée américaine s'enlise le long du 38e parallèle, tenue en échec par les nord-coréens soutenus par plusieurs centaines de milliers de soldats de l'armée populaire de libération chinoise. Par refus de l’échec, le général Douglas Mac Arthur envisage de pilonner les positions communistes avec des bombes nucléaires. D'abord réticent, le Congrès américain finit par céder au héros de la guerre du Pacifique. Sans tarder, c'est un déluge de feu qui s'abat sur la Mandchourie, suivi par la riposte de tout le bloc de l'Est, en rangs serrés derrière l'URSS de Staline. Le monde vient de basculer dans un conflit plus global, brutal et meurtrier que celui qui s'est achevé six ans auparavant. L'arsenal nucléaire des deux forces en puissance vitrifie la Terre et l'humanité est presque réduite à néant.  

 

Le soleil se lève sur un paysage lunaire, désolé, vide de toute trace de vie humaine. Les faibles rayons d‘un soleil pâle ont du mal à percer l'épais brouillard orangeâtre qui enveloppe tout et accentue l'aspect mortuaire du paysage. Aux milieux des ruines d'une ancienne cité occidentale que le temps a rendue anonyme, des sons électroniques lourdement distordus se font entendre, comme surgissant du cœur même du béton irradié. Bientôt, ils sont rejoints par la voix inhumaine d'un scalde post-apocalyptique qui nous conte les malheurs de l'Homme titubant le regard et la cervelle vide vers son orange destinée.  

 

Cette sombre uchronie m'a été inspirée par les premières écoutes de Kald Krig et ses ambiances de fin du monde. L'entité Sturmgeist & the Fall of Rome est née de la rencontre entre Noisestar & the Fall of Rome et Cornelius Jakhelln qui, non content d'être l'une des deux têtes pensantes de Solefald et l'homme derrière le groupe Sturmgeist, est également un poète reconnu et prolixe. Le titre « Eg er min eigen Fiendsmann » (visible ici) de l'éphémère Himeriksskvadronen peut être considéré comme la première incarnation de SATFOR. Stabilisé sous forme de trio, les musiciens ont dans un premier temps fait plusieurs apparitions dans différents festivals et manifestations liés à la littérature avant de franchir le pas avec ce Kald Krig (guerre froide en norvégien) qui sort sous la forme d'un double vinyle et en digital en « Name your price » sur le Bandcamp du label.  

 

Le concept derrière cette formation est la mise en musique des poèmes de Herr Sturmgeist. Ces derniers sont récités, déclamés, sur un ton la plupart du temps volontairement monocorde, entre la litanie et l'imprécation. Mes connaissances en Norvégien étant limitées et Cornelius Jakhelln utilisant souvent une forme littéraire, de la langue d'Isben, le høgnorsk, je suis resté hermétique au sens de ces mélopées, mais il est certains que les thématiques abordées sont des plus sombres. L'enregistrement des textes semblent avoir été réalisé en différents endroits sur une période de plusieurs années car le son varie d'un titre à l'autre et n'est pas toujours d'une très grande qualité. Peut-être s'agit-il d'une volonté de renforcer le côté dark de la chose, mais, à mon sens, le résultat n'est pas toujours heureux.  

 

Une grande place est laissée à la musique, qui s'exprime au cours de longues plages instrumentales. Ces dernières, purement électroniques, sans aucune forme de percussion, sont l'oeuvre de synthés chargés de saturations et de distorsions. Si la mélodie est peu présente, comme pour le chant, un gros travail est fait sur les sons, qui sont très largement triturés et bidouillées. On pourrait y voir une sorte déclinaison drone / doom de harsh noise, comme si Sunn O))) rencontrait Zweizz. Dans l'esprit, on peut également penser à ce qu'Attila Csihar avec Void Ov Voices.  

 

Au final, on a un album qui transpire le nihilisme et la noirceur, et qui ne laisse entrevoir que très rarement une lueur d'espoir (sur le final de « Guds Flammer – Der Strurm » par exemple). Malgré le minimalisme de la mise en son et des orchestrations, jamais on ne s'ennuie tant la puissance évocatrice du trio est forte, sorte de mise en musique du cinéma de Nicolas Winding Refn, période "Valhalla Rising". Une rare combinaison de beauté froide, de drame et d'épisme.

photo de Xuaterc
le 03/08/2015

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