Svdestada - Azabache
Chronique CD album (32:37)
- Style
blackened neocrust - Label(s)
APB Records - Date de sortie
05 février 2021 - Lieu d'enregistrement Studio Kollapse (Lugo, Espagne)
- écouter via bandcamp
Dans la continuité de Khmer, qui officiaient dans le même registre, et desquels ils ont récupéré le chanteur, les Madrilènes de Svdestada nous offrent, après un excellent premier album Yo soy el mar en 2018, une récidive de qualité en ce début d'année 2021 : Azabache. Le jais, comme dans noir de jais, en français.
Noir, sombre, ce disque l'est. Sur sa pochette, déjà, dont l'esthétique peut rappeler celles de Celeste, pas franchement réputés pour leur goût de la légèreté. Mais aussi dans sa musique, car le groupe fait honneur au style qui, sous le joug des fantômes d'Ekkaia et d'Ictus, hante la péninsule ibérique : le néocrust. Et il le fait bien.
Pour la forme, d'abord, commençons par préciser que, comme à l'accoutumée dans un genre musical très revendicatif et bien ancré dans son éthique, les paroles sont en espagnol pour être comprises du plus grand nombre localement (bon, si on les a sous les yeux), le groupe est engagé dans une démarche totalement DIY, propose sa musique en téléchargement libre et s'implique dans la scène (le chanteur Mario a par exemple récemment illustré la version japonaise de la discographie de Daïtro, présenté comme une influence majeure du groupe) . Une scène qu'ils décrivent ainsi :
« notre idée de ''la scène'' va plus loin qu'aller ''voir des concerts'' ou ''acheter des disques''. Pour nous, ''la scène'', c'est une fête où chacun, chacune a son rôle. Une fête où parfois tu dois cuisiner, parfois offrir où dormir aux groupes qui viennent d'ailleurs, parfois nettoyer et préparer la scène, et finalement assez peu de gens qui doivent jouer de la musique avec leur groupe pour tous ceux et toutes celles qui ont bossé pour que ça ait lieu. Mais sans faire de différence, et dans cette scène il faut s'impliquer partout si tu veux réellement en faire partie, et c'est un compromis qu'il n'est pas facile à appliquer. C'est pour ça qu'il y a si peu de gens qui maintiennent la flamme vivante. Quand plus de gens comprendront les choses de cette façon, que ''la scène'', ce n'est pas certains qui créent de la musique et d'autres qui applaudissent, mais que c'est bosser pour les autres et voir comme cet effort te revient ensuite, alors peut-être tu nous verras en prime time ».
Sur Azabache, on retrouvera quelques passages qui renvoient furieusement à de grands classiques du genre (Ictus sur « Hogueras » ou les spoken words de « Sotavento »), Ekkaia (pour l'ensemble de son œuvre) qui n'est jamais bien loin non plus, ce qui est toujours une bonne chose, mais Svdestada s'en démarque néanmoins clairement de par ses orientations : le post-black metal et son tremolo picking sont passés par là (« Fuga », « Derrota »), et le groupe l'a parfaitement intégré à son crust sombre : s'il fraye avec le blast, le groupe n'en oublie pas moins les parties plus D-beat. On pourrait les dire proches de leurs petits camarades de Tenue et de leur excellent dernier album Territorios, mais là où Tenue a le regard porté au loin sur la scène screamo/emoviolence, Svdestada reste à la fois plus ancré dans le crust et plus tourné vers le black, pour un ensemble réellement homogène et probablement redoutable en live.
On pourrait, pour jouer les mauvaises langues, reprocher une certaine monotonie au chant ou au rythme, souvent similaire sur la plupart des morceaux, mais de nombreux breaks, intermèdes ou arrangements viennent apporter profondeur et variété aux compositions, notamment à partir du second tiers de l'album.
Le morceau « Petricor » en est un parfait exemple. Le groupe invite le surprenant bandonéon de l'Argentine Carla Pugliese, petite-fille d'une légende du tango, pour ouvrir sur un beat typiquement crust, enchaîner les variations de rythme : le groupe se laisse aller à ses envies, à ses émotions, laissant le bandonéon jouer le rôle de guitare lead en cours de morceau, en hommage au père du guitariste Fernando Lamattina, qui lui prend place derrière le micro pour l'occasion.
« Sotavento », piste la plus longue du disque qui vient très justement se positionner juste après, en avant-dernière position, insiste dans la veine entraînante et plus mélodique et vient résumer tout ce que le groupe a de mieux à proposer : d-beat de nouveau, tremolo picking, mais aussi ce court passage de spoken word qui ne peut que faire penser au magistral « Imperivm » d'Ictus.
A s'en demander si le « v » dans « Svdestada » n'est pas là explicitement en référence à ce morceau d'anthologie, comme un hommage à une scène qui, depuis presque vingt ans, n'a cessé de voir naître des groupes plus sincères les uns que les autres. Et si l'on pense qu'Ivan, guitariste desdits Ictus, est celui qui a enregistré l'album et qu'il participait lui aussi à Khmer... on trouve une certaine logique à l'ensemble.
Bref. Chaque morceau recèle ses petits secrets, et il en résulte une conclusion : cet album est un très bon album. Il mérite plusieurs écoutes pour l'apprécier pleinement. Si les noms cités plus haut vous évoquent quelque chose, n'hésitez pas à lui donner sa chance : il la vaut.
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