Syrek - Story
Chronique CD album (01:17:10)
- Style
Prog Instrumental Ultra Technique - Label(s)
Autoproduit - Date de sortie
21 décembre 2021 - écouter via bandcamp
Si les noms de Ron Jarzombek, Dave Martone, Bernth ne vous évoquent rien, passez votre chemin. Si la musique instrumentale hyper complexe, ultra écrite, archi interprétée n’éveille chez vous aucune excitation de quelque sorte, passez votre chemin. Si le shred de haute voltige et la virtuosité tempéteuse de notes ne vous inspirent que peu, passez votre chemin. Pour les autres, par contre, continuez, foncez, vous êtes sur la bonne route. Et quelle route !
Un peu de contexte: derrière Syrek se cache Terry Syrek, un quadra, plutôt beau gosse, mais surtout guitariste, professeur reconnu, technicien hors pair de la 6 cordes, diplômé de Berklee et pistolero de l’ombre pour Steve Vai, Marty Friedman, Paul Gilbert, John Petrucci, and Zakk Wylde. Forcément, le gars bénéficie d’un carnet d’adresse plus rempli que la salle des fêtes de Bouc-Étourdi (dans les Yvelines) le jour du bingo hebdomadaire. Il s’est donc adjoint les services de pointures du milieu. D’autres pistoleros injustement méconnus sinon de leurs pairs. La prodige indienne Mohini Dey à la basse, l’allemand à tout faire et à tout fût Marco Minnemann (Necrophagyst, Joe Satriani, The Aristocrats) à la batterie, le suédois de fée Lalle Larson au clavier (Karmakanik) et Florian Cristea, violoniste de l’orchestre national de Sao Paulo. Un disque à la saveur international et “melting-potée” dont on se doute donc qu’il va taquiner sévère côté skill. Et tel est bien le cas.
Story est un long voyage instrumental de septante-sept minutes et 13 titres introduit, conclu et entrecoupé de courts passages narratifs. Ici, la guitare se fait voix et Syrek en explore toutes les nuances de toutes les tessitures. Chaleureuse et intuitive ("Dandelion Sword", "The End"), ultra technique et alambiquée avec "I Think It's A Monster" qui plaira sans aucun doute aux fans de Blotted Science, de même que "Starcrowned" dont certains passages feront mouche chez ceux qui vénèrent le grand Tosin d’Animal as Leaders, fédératrice et rock ("Balloon Ride Over a Jigsaw Map"), jazz-fusion avec ce King Crimsonesque "What The Owl Said", plus sombre et teinté d’ambiances metal avec "Gnomus Maleficus (Tea With the Angry Gnome)". Septolets qui déroulent, quintolets qui défoulent, sweep qui déboulent, leads qui roucoulent, Syrek est un monstre technique et développe des plans magistraux d’écriture comme d’execution. Il a le bon goût de les doser suffisamment bien pour que l’album ne sonnent pas comme un disque d’accompagnement d’une énième méthode pour exceller à la guitare. Il a aussi suffisamment d’humilité pour laisser de la place à ses musiciens (et musicienne) pour qu’ils aient eux aussi leurs moments de gloire. Et quels moments! On retrouve l’expressivité incroyable du jeu de Mohini, très lead mais avec ce son très rond, appuyé et puissant qui la maintient à sa place rythmique. Minnemann est toujours redoutable d’efficacité et m’a beaucoup rappelé Jarzombek, Bobby, le frère de Ron. Lalle Larson alterne nappes et leads de virtuoses mais est bien moins fatiguant et imaginatif qu’un Jordan Rudess, il n’a surtout pas ce côté “claviériste frustré de ne pas être guitariste”.
Le mixage, géré ici par Rich Mouser, est très classique pour un album de cette trempe : il apporte à la fois de la puissance et un équilibre parfait entre tout ces instrumentistes.
Les intermèdes narratifs de même que l’intro et l’outro dans le même registre sont absolument inutiles. On a parfois l’impression que ces artistes ont un peu envie de mettre à tout prix du texte sur leurs productions instrumentales, de quelques manières que ce soit, comme pour lui conférer une histoire, un contexte, de la matière. C’est sincèrement inutile. De la même façon que je ne vais pas voir un film de Michael Bay pour reflechir au sens de la vie, je n’ai pas besoin d’une voix d’enfant qui me parle de ballon entre deux morceaux instrumentaux. Cela a même tendance à “casser” le rythme du voyage. Un peu comme quand tu es bien tranquille dans le métro en train de roupiller et qu’une voix RATP te rappellent de faire attention au marche-pied et ce dans 5 langues.
L’album est évidemment très long, sera affreusement dense pour certains et a ce côté prog-instrumental déjà vu et revu (d’ailleurs quelques plans sont très inspirés de et rappellerons des souvenirs à certains) mais le niveau technique est dingue, la qualité des compositions est indéniable, l'interprétation superbe et il y a malgré tout un peu de diversité stylistique dans ces 13 titres. On ne boudera donc pas son plaisir à l’écouter de temps à autre.
On aime bien: un casting de rêve, un niveau technique dingue pour un voyage superbe...
On aime moins: ...mais très long, pas toujours très original et gâché par des intermèdes narratifs inutiles.
2 COMMENTAIRES
cglaume le 21/02/2022 à 22:10:29
Il n’y a que toi qui pouvais en parler aussi bien… Superbe chronique !!
8oris le 21/02/2022 à 23:04:07
Oh bah c'est gentil ça. Merci. ^^
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