The Stooges - Fun House
Chronique Vinyle 12" (36:00)

- Style
Rock Séminal/Proto-punk - Label(s)
Elektra - Date de sortie
18 août 1970 - Lieu d'enregistrement Los Angeles, Etats-Unis
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Sur l'île déserte – où, vous ne mettrez jamais les pieds – voici le seul album que vous emporterez.. Fun House où toute l'histoire du Rock sur cinq décennies résumée en 36 minutes. Considéré comme l'album favori pour Joey Ramone, Henri Rollins, Jack White, Flea, Michael Gira, Duff Mc Kagan, Tom Morello, Karen O, Joan Jett, Thurston Moore, Mark.E Smith, J. Mascis ou encore Buzz Osbourne.
Retour sur LA pièce maîtresse d'un mouvement qui n'en finit pas de mourir.
L'histoire de ce disque comme celle du groupe ressemble à tant d'autres qu'il est bien nécessaire de s'y attarder ne serait-ce que pour comprendre que ce 18 août 1970** marque au fer rouge l'An Zéro* de toutes les musiques bruyantes et agitées que nous apprécions tant.
1959. La maman de Lynn Eaton dépose le nom « Kingsmen » pour le groupe de son mouflet et de ses amis qui jouent dans les halls de supermarché et les fêtes d'école.
1962. Don Galucci est enrôlé dans le groupe pour jouer du piano électrique. Le groupe enregistre et publie une reprise d'un bluesman Richard Berry « Louie Louie », histoire un peu naïve d'un marin jamaïcain qui veut retourner sur son île pour retrouver son amour.
1964. James Ostenberg est batteur dans The Iguanas. En complet veston-cravate-cheveux courts, il découvre The Kingsmen. Don Galucci se voit contraint de quitter le groupe, il est bien trop jeune pour partir en tournée.
Février 1970. The Stooges terminent leur première tournée après la sortie en Août de leur premier opus. Les concerts sont intenses et rudes. Cependant Jac Holzman, boss d'Elektra, ne s'intéresse plus trop à eux, tout en émoi auprès des plus flamboyants et engagés MC5. Il en parle à Galucci, à l'occasion d'une date des 4 de Ann Arbor, qui est littéralement fasciné par le groupe. Bien qu'il ne compte aucune expérience, Galucci persuade Holzman de le laisser enregistrer le prochain album. Holzman lâche l'affaire. Les dates étant réservées ... du 11 au 25 Mai.
Galucci va établir un planning très serré et une méthodologie martiale. L'idée est de pousser les musiciens dans leurs retranchements pour qu'ils libèrent la fougue de leurs lives. Les riffs seront dantesques, Iggy Pop chante comme jamais, la batterie est lourde, imposante, la basse tellurique, le saxophone de Makay va exulter des notes et des tonalités chargées pour le terminus.
Durant les enregistrements les amplis basse et guitares sont mis côte à côte, des filtres de fortune sont utilisés sur un micro suspendu, quand Iggy ne chante pas avec un des premiers modèles de micro sans fil lui permettant de déambuler dans le studio.
Le studio est situé à Los Angeles, les plaisirs nocturnes sont variés. Le groupe n'en profite pas.
Galucci prévoit une journée par titre avec 10 ou 12 prises pour chaque. Le premier Boot-Rock Camp est né !
Pour habiller l'objet, on fait appel au photographe Ed Caraeff, responsable de clichés « vivants » de Jimi Hendrix à Monterey en 1967. La surimpression « rouge enflammée » d'un Iggy plus éléctrique que jamais sur la pochette est laissée au soin de Bob Heimall, responsable du cliché mythique de Jim Morrison torse nu, futal en cuir, de la pochette de Horses de Patti Smith ou encore de State of Shock de Ted Nugent.
Fun House – 7 titres – 7 mondes – 7 portes vers ce que nous connaissons maintenant.
« Down on the street » est un blues séminal qui lorgne vers le heavy, les notes suspendues qui éclatent suivies d'un solo riche... tout y est en 3'42''. Iggy s'amuse avec son micro et les filtres bricolés font leur effet. Il devait faire figure de premier single, projet avorté.
« Loose » plonge dans le même bain sur rythme limite two-tone qu'apprécieront les punks à roulettes des années plus tard et Deep Purple y trouvera une inspiration pour son « Smoke on the Water ».
« TV Eye » probablement le titre le plus joué par Iggy au cours de sa carrière avec « I wanna be your dog ». Monolithique, envoûtant, et diablement inspiré, « TV Eye » reste un sommet dans les constructions rock, 50 ans plus tard.
« Dirt » souvent considéré comme le climax de l'album inspirera Joy Division durablement, la progression d'accords se retrouve sur leur intemporel « New dawn fades » est le titre qui prouve que The Stooges était bien plus qu'un groupe garage passablement allumé. L'inventivité du riffing fait à nouveau mouche. Ron Asheton n'a jamais joué les grands seigneurs et pourtant on écoute toujours un très grand guitariste.
« 1970 » Brûlot punk bien avant la déferlante anglaise qui va elle aussi se repaître de ce disque hors normes.
« Fun House » Dans la veine du « TV Eye » , Iggy s'arrache littéralement la gueule sur un chant possédé et le groupe dérape sur une sortie qui fera la marque de fabrique chez Sonic Youth. Et parlant Noise le furieux « L.A Blues » libère complètement le groupe sur un pur modèle du genre.
Fun House est un monument qui s'est installé dans le temps. Son écoute attentive, 50 ans plus tard apporte une fraîcheur et une énergie intacte. On comprend d'autant plus l'influence de ce millésime.
Et Aussi:
*Pour faire court, le Rock comme on l'entend est né au début des années 50, s 'épanouit en 1954 avec les sorties conjointes de Bo Diddley, Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, et Fats Domino. Il se développe en sous-genres durant toute la décennie 60 et se prend une mandale à l'été 1970 avec ce deuxième opus mythique. L'An Zéro.
**Sortie et distribution internationale. L'album est édité par Elektra, le 07 juillet 1970.
Fun House fait partie d'une trilogie, souvent vue comme un tout avec l'éponyme sorti en 1969 et Raw Power publié en 1973. Sur ce point, il y'a discussion, le line-up n'est pas le même sur les 3 albums et Iggy est tellement cramé sur le troisième effort que la production à l'os finit trop souvent par donner la nausée que pour prendre un réel plaisir et y revenir.
Juillet 2020. De ses sessions, Rhino a de quoi régaler avec un coffret gargantuesque – 15 Vinyles, 1 bouquin de 24 pages mis en mots par ce brave Henri Rollins, des 45t en versions mono... - Les 10-12 prises par jour ça a du bon...
3 COMMENTAIRES
Freaks le 18/08/2020 à 20:29:51
50 ans et toujours aussi actuel... Tellement imité, jamais égalé!
el gep le 26/08/2020 à 20:58:28
Une belle grande mandale qui ne perd pas en vigueur avec le temps qui passe.
Au contraire, plus ça vieillit, plus je vieillis, plus je morfle.
Rien que pour ce disque je respecte Iggy.
Et ses potes (en effet, Ron est un futain de frigariste!).
Amalricu le 03/03/2023 à 18:26:50
La claque impériale. Fun house vivre de puissance et de rage. Et le saxophoniste Steve MacKay qui fait entrer ce disque dans une autre dimension. Tous les bouffons en autotune n'arriveront jamais au centième de l'intensité de ce grand disque qui ne fait pas semblant. Iggy et les Stooges sont des piliers du rock.
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