Toumaï - Tempus Fugit

Chronique CD album (42:57)

chronique Toumaï - Tempus Fugit

Yeeeees : faites mousser la pression, faites chauffer les articulations, la Toum Toum family repasse à l’action !

 

Toumaï n’est pas de ces groupes omniprésents qui postent des reports live-from-ze-studio tous les 4 matins, enchaînent EPs / splits / albums / covers, tournent sans arrêt et balancent en continu sur les réseaux sociaux tuto’ « Blaster à 1000 BPM avec des ampoules plein les pognes » et vidéos « Quand le growl rencontre l’ASMR ». Non, le groupe est discret, rare même – ‘faut dire que les loulous ont une vie comme vous et moi, quand faire headbanguer la planète via les écrans demande un max de temps ! N’empêche, après une démo 4 titres sortie en 2009 et un crénom de chouette premier album intitulé Sapiens Demens en 2013, on commençait à trouver le temps long…

 

La gestation aura donc duré 10 ans. Quand on sait qu’il faut 3 semaines pour former un souriceau, et qu’il est nécessaire d’appliquer un facteur 13 à cette durée pour peaufiner un être humain, imaginez ce qu’on peut obtenir en appliquant à nouveau un facteur 13 (… parce que oui, c’est bien de ça qu’il s’agit pour passer de 9 mois à 10 ans, je vous laisse faire le calcul) !! Autant vous dire que Tempus Fugit est une sacrée belle bête, complexe et attendrissante, multiple et réjouissante, et que le fan ayant rongé son frein jusque-là se trouve drôlement récompensé de sa patience.

 

Mais après seulement quelques lignes, il est un peu tôt pour pousser les cris de victoire de celui qui franchit la ligne d’arrivée de la conclusion : commençons d'abord par décrire le début de la course. Bien qu’ils aient une décennie de plus dans les pattes, nos cigales provençales n’ont pas tant changé que cela. Seule Célia a finalement décidé qu’il n’y a pas que Toumaï qui lui aille, cédant pour l’occasion sa place à Alexandre Carrillo derrière les touches noires et blanches. En dehors de ce remplacement que votre oreille devrait accueillir sans broncher, nul bouleversement à l’horizon. Le groupe pratique toujours cette Fusion next gen’ qui combine les ressorts funky des pionniers californiens avec le retors funny de formations plus Proggy, voire carrément Math Rock. Vous pouvez également toujours compter sur ces grosses déflagrations qui témoignent d’un ancrage réaffirmé dans le gros Metal poilu, mais aussi sur ces décrochages farfelus qui titillent agréablement l’appendice auriculaire du nawakophile averti. Pour le dire autrement, il semble que les bonnes fées Psykup, Gojira, Scribe, SOAD – mais aussi Trepalium – se soient à nouveau penchées sur le berceau de ce benjamin décidément entouré de bien belles influences. Et cette stabilité artistique de se prolonger jusqu’au niveau visuel, un Nicolas Cluzel à l’unisson habillant cette fois encore de ses toiles contrastées une musique tout aussi expressive et vivante.

 

On parle des morceaux ? Allez, on parle des morceaux !

 

Les deux premiers singles n’ont pas été choisis au hasard : « Walk in Abnormal » et « A Tale of Ecocide » sont parmi les plus représentatifs et les plus accrocheurs des titres nouveaux. Avec ses pointillés distillés sur trampoline, ses passages parfois houleux, parfois jazzy, ses plongées métalliques vibrantes, son piano trépident et son petit brin de folie, le premier de ces titres est tout à la fois une introduction et une déclaration d’intention. Plus nuancé, alambiqué, voire velouté en première mi-temps, l’autre single laisse ensuite entrevoir l’empreinte qu’ont laissé sur la composition les conseils avisé d’Harun Demiraslan (Trepalium) lors d’une seconde partie manifestant un groove particulièrement gouailleur. Mais Tempus Fugit c’est aussi un « Polar Bear Down » tortillonneux offrant une belle fulgurance SOADesque (à 1:17) et un chouette solo tout en tapping (go to 4:12), un « Cold Carnival » au titre évocateur mélangeant poil à gratter et ambiances cabaret, un morceau-titre dont l’entame endorsable par Spontex défonce (… la suite a d’ailleurs du mal à rester au niveau), et enfin un « Barbarian Citizens » tubesque qui détruira tout en concert à coups de « Respect Existence ! Expect resistance ! » et de « Get up Stand up / Get up Stand up / Citizens ! » fiévreux !

 

Mais quelle que soit la profondeur des marques par eux laissées sur les récepteurs hautement impressionnables qui nous servent d'oreilles, chacun des 8 titres nouveaux réussit à incarner la personnalité unique du groupe, une personnalité faite de versatilité, d’audace, de passion, de chaleur humaine, et d’énergie pétillante. La basse complice de Chris, le clavier prolixe d’Alex, la guitare tantôt majuscule tantôt funambule de Jules : aucun ne prend l’ascendant sur les autres, chacun cohabite en intelligence avec ses pairs sur le matelas aussi mouvant que percutant mitonné par Clément, les harangues d’Antoine – tantôt zébulon, tantôt lion, tantôt commentateur, tantôt doucement rappeur – rassemblant les uns et les autres derrière son panache caméléon. Un groupe uni et attachant, une vision réfléchie et singulière qui se bonifie avec le temps, 40 minutes d’aventures musicales aussi grisantes que stimulantes : sur Tempus Fugit tous les ingrédients sont réunis pour que vous passiez un putain de bon moment !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Dix ans après Sapiens Demens, la Fusion++ de Toumaï est toujours aussi fraîche et stimulante, multiple et bondissante, fidèle à la singulière personnalité qu’on lui connaissait jusqu’ici, tout en affichant un supplément de patine conféré par une expérience plus grande encore (… d’autant qu’adossée à celle d’Harun Demiraslan de Trepalium). Si vous aviez aimé leur métissage des registres de Psykup, Gojira et SOAD et leurs penchants Nawak Prog & Math Rock, vous ne pourrez qu’être séduit par l’impressionnant round #2 qu'estTempus Fugit !

photo de Cglaume
le 17/02/2023

3 COMMENTAIRES

Greg

Greg le 17/02/2023 à 20:30:33

Chronique de qualité, comme toujours.
Je me permets : ''c'est ça dont il s'agit'' ou '' c'est de ça qu'il s'agit'' mais pas les deux (''c'est de ça dont il s'agit'', de + dont = doublon). Faute hyyyyper récurente, par exemple chez copain A. ASTIER dans Kamelott.
Autre chose, dans ce groupe, je crois reconnaître la voix du chanteur de Phonopathes... Est ce bien ça lapinou?

cglaume

cglaume le 17/02/2023 à 21:49:07

Merci de cette correction tout à fait pertinente Greg: c’est corrigé !

Par contre non: Toumaï et les Phonopaths ne partagent pas leur chanteur (mon collègue 8oris, qui maîtrise tout particulièrement le sujet, te le confirmera)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 18/02/2023 à 18:50:00

Céssa ki va bien !

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