Ultra Vomit - Panzer surprise

Chronique CD album (39:30)

chronique Ultra Vomit - Panzer surprise

La webzinosphère metal s'est hâtée de partager son sentiment sur le nouvel album d'Ultra Vomit. Au-delà du besoin d'être toujours dans les premiers pour grignoter un peu de popularité, il faut dire aussi que l'attente était forte : "Objectif thunes" a déjà 9 ans, et il réussit toujours à faire marrer.
Cet article, qui arrive bien après la guerre, se doit donc d'aller au-delà d'un navrant "track-by-track" et réfléchir à ce qu'est véritablement ce nouvel album d'Ultra Vomit. 95% des fans du groupe connaissent déjà les titres et partager ce que tout le monde sait n'a AUCUN intérêt.
Il convient donc d'avoir un raisonnement pour essayer de comprendre l'essence même d'Ultra Vomit. En gros, je vous invite à essayer d"expliquer" (ça reste un début de réflexion) le sens de nos rires à l'écoute du disque.


Est-ce un groupe sérieux qui n'en a pas l'allure ? Est-il parodique ? Pastiche t-il ? Plagie t-il ? Tourne t-il en dérision le metal (et plus largement toutes les musiques) ?
Dans le fond, Ultra Vomit est-il un vrai groupe ?

 

Cette dernière interrogation est née de la remarquable présence des nantais dans de nombreux "TOP" en 2009, émaillée de débats sur les forums ou au sein des rédactions.
Sous le prétexte de faire rire, d'amuser, de divertir, Ultra Vomit jouit d'une certaine sympathie populaire mais n'a pas toujours les honneurs d'être reconnu pour ses qualités musicales.
Les débuts du groupe dans le grind à la Gronibard avait déjà provoqué des levés de sourcils, tout comme son virage vers une musique accessible. Le rire n'est jamais pris au sérieux. 
Une constante dans tous les arts : le théâtre de boulevard est vu comme le repère des comédiens ratés, on ne salue le talent des acteurs comiques que lorsqu'ils jouent dans les drames (ex : Coluche dans Tchao Pantin / Jim Carrey dans Eternal Sunshine etc.), on ne considère la poésie que lorsqu'elle est portée par de beaux sentiments etc.

Par la voix de son personnage Guillaume de Baskerville dans le "Nom de la Rose", Umberto Eco s'interrogeait (entre autres) sur la place, le sens et la valeur du rire dans la société religieuse du XIVème siècle. Une réflexion qui ne manque pas de sens, même pour notre époque, même pour notre musique (je vous invite à le lire ou le voir si ce n'est pas encore le cas). Le rire est sans cesse dénigré, il le sera toujours, alors qu'il demande un grand talent.

 

Il y a, certes, plusieurs rires. Le primaire, le réflexe, le naturel que l'on sort en voyant un camarade se daller la gueule sur une plaque de verglas au mois de Juillet (j'habite dans le Nord).
Mais le rire peut aussi naître d'un talent, comme celui de l'imitation. Cela commence dans la cour d'école pour moquer un professeur, cela peut finir dans une émission TV ou radio pour s'amuser d'hommes politiques.
Dans les deux cas, pour durer au-delà de quelques secondes, l'imitation doit être cultivée, sans cesse adaptée, constamment travaillée pour se perfectionner et s'accompagner d'une bonne plume pour que la mimique amuse sans irriter.
C'est là qu'Ultra Vomit est fort.

Le groupe est revenu pour se foutre ouvertement de la gueule de ce qu'il aime et de ce qu'il déteste. Il reprend des éléments de la culture populaire qui vont au-delà du métal et détourne à tout va.


Pasticher ou parodier ? Là est la question.

-La parodie est une forme d'humour qui utilise les codes d'une oeuvre pour s'en moquer. 

-Le pastiche est l'imitation voire le travestissement du style d'un artiste (faire à la manière de…), sans le caricaturer. Il s'agit d'une imitation qui tend à suggérer la critique (positive ou négative) des procédés contrefaits / copiés.

Ultra Vomit opère d'incessants allers-retours entre les deux procédés à la frontière si mince. 
Lorsque c'est bien fait, on en tire d'ailleurs le même plaisir que l'oeuvre pastichée ou parodiée. (Les plus littéraires se souviendront peut-être de l'étonnant litogramme "La disparition" de G. Perec qui avait donné lieu à de superbes critiques sur le même procédé tout aussi réussies techniquement ex : comme avec cet écrit de l'écrivain Pingeaud).
Un plaisir parfois coupable.

 

En effet, les fans de Ghost et de stoner voient ainsi leur musique maltraitée avec "La bouillie". Un choix de comptine qui n'a rien d'anodin et dont l'adaptation est assez réussie. On est alors dans une grossière parodie qui ne manque pas de critique !
Cette fusion pastiche / parodie musicale s'exprime à bien d'autres reprises, mais de manière beaucoup plus riche que ces pistes un peu chiches qui ne dépassent pas les 40 secondes.
On retrouve ainsi l'instrumental "Batman VS Predator" qui prend même des airs d'hommage à des monuments de la pop-culture d'une génération. Un joli coup qui n'a rien d'un essai, puisqu'on retrouvait déjà un excellent clin d'oeil aux Gremlins sur "Objectif thunes". Nous sommes alors dans un pastiche qui porte un jugement plus positif (sans que le mix ne manque de pouvoir comique).
Pas de grosse blague, pas de rire gras pendant 3:30 minutes. Une piste à part au milieu de 21 autres morceaux dont la durée passe de 13 sec à près de 5 minutes : Ultra Vomit (s')amuse de bien des manières.

 

Dans les cartons depuis près de 10 ans, le mash-up "Calojira" faisait déjà son petit effet en live, mais cette reprise de "Face à la mer" démontre tout le talent du groupe à mêler les genres musicaux...jusque dans la dénomination des titres ("Entooned" / "Anthracte" / "Pink Pantera") ! 
On s'éloigne aussi des parodies / pastiches dans les chansons (partiellement) à sketches comme "Anthracte", "Noël", "E-TRON (digital caca)" ou "Jésus". Il s'agit là du prolongement studio de ce qu'est Ultra Vomit en live : un spectacle, une pièce de théâtre musicale.

Tout ceci n'empêche pas le groupe de continuer à exceller dans ce qu'il a toujours fait de mieux : reprendre des codes grossièrement (mais ne dit-on pas que "plus c'est gros, mieux ça passe" ?) et les défoncer.
Avec une imitation digne de Michel Leeb, "Kammthaar" déjoue Rammstein alors que  "Takoyaki" rappelle Maximum the Hormone et Babymetal.

Il n'ignore pas le monde de la variété avec Marc LavoineCalogero, Gold ("Les démons de minuit"), Eddy Mitchell ("Boogie-Woogie") marquant un peu plus le décalage de sa musique avec le reste du metal.

U.V n'oublie pas non plus ses premiers amours en reprenant grassement la Chenille façon grind-cochon et un passage "bouillie" dans le pur style gruik-gruik. Ha, et puis le caca est toujours là. Ça marche encore bien le caca (l'album de la maturité tout ça). Fondamentalement, le groupe ne change pas.

 

Ce qui nous fait aimer ce disque, c'est, qu'au-delà de ses qualités techniques (celle des musiciens, de la production), il est le témoignage d'amoureux de metal.
On ne pastiche pas aussi bien des groupes aussi populaires si l'on n'aime pas cette musique, si l'on est pas imprégné de leur culture. 
Cela se joue dans les détails, que ce soit sur celui du clavier sur "Kammthaar", ou l'énormissime "Evier metal" et son détournement hyper-complet du heavy à la Iron Maiden.

Il est aisé de faire une imitation bancale et de reprendre comme base de travail celui des autres pour devenir un groupe comico-parodique. Mais Ultra Vomit va à chaque fois plus loin en s'appropriant un univers et en traçant son propre chemin parallèle...creusé avec le sillon de la connerie. Ça fonctionne avec tous les accents foireux, tous les sous-genres revisités, sur les innombrables blagues (sachant que certaines sont moins audibles ou subtiles que d'autres...d'où une grande réécoutabilité...).

 

À partir de ces 39 minutes, on peut en conclure qu'Ultra Vomit est un "vrai bon groupe parodique qui pastiche avec beaucoup de sérieux".

 

Rien que le titre, "Panzer surprise", indique la capacité de la bande à entendre quelque chose, le détourner tout en faisant quelque chose d'amusant qui sonne bien. Les nantais ne peuvent évidemment pas faire l'unanimité : comme tous les groupes dans n'importe quel style. Le sien est humoristique, c'est donc à la fois un style de niche et un style qui touche tout le monde : il touche avec une étiquette particulière des fans d'un genre considéré comme mineur en usant de référence qui font écho à tous (même aux non-initiés) et en provoquant la seule chose plus agréable qu'un orgasme : le rire.

Dans tous les cas, il n'en demeure pas moins riche et complexe musicalement.
Précis, minutieux, malin : le groupe se paye le luxe d'avoir également une aura comique, un charisme humoristique qui transpire sur galette comme sur scène. 
Une condition sine qua none pour plaire aussi bien aux pubères en pleine construction culturelle qu'aux adultes matures. De quoi rendre irrésistible un simple "Vroum vroum" (sur "Kammthaar") pour des muscles zygomatiques décidément mis à rude épreuve.

photo de Tookie
le 10/05/2017

12 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 10/05/2017 à 12:22:14

"Le rire n'est jamais pris au sérieux"

Le mec qui n'a jamais lu une seule de mes chroniques de Nawak Metal... :(
Bouh le vilain Toukie !

Xuaterc

Xuaterc le 10/05/2017 à 16:22:03

C'est une chose trop sérieuse pour être laissée à n'importe qui.
Qu'est-ce qu'ils sont cons ces cons... Ils ont la faculté de composer des trucs qui restent dans la tête...
Et Kammthaar doit être le meilleur titre de Rammstein depuis des années.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 10/05/2017 à 16:57:55

Je suis un adulte mature en pleine construction culturelle : du coup, ça marche aussi pour moi ?

FullSail

FullSail le 10/05/2017 à 20:54:51

(Panzer) surprise : on s'attend à lire un billet simple et drôle sur un album en grande partie comique, et on se retrouve devant une vraie réflexion sur le rire et son pourquoi. Ultra Vomit est talentueux et hilarant, réussissant à se moquer tout en rendant hommage. Excellente chronique !

Tookie

Tookie le 11/05/2017 à 07:47:03

@Cglaume : Le Nawak n'est pas toujours "lol" ! Si ?
@Crom : Il est vrai qu'on reste en perpétuelle construction culturelle...mais ça ne marchera pas sur toi, c'est vraiment drôle Ultra Vomit, je doute que tu comprennes.
@FullSail : Merci !
@Xuaterc : Je ne sais pas quoi répondre à ton commentaire, mais pour ne pas te vexer, je le fais quand même.

Xuaterc

Xuaterc le 11/05/2017 à 09:02:02

Bon ben je suis vexé.
C'est une supère chro Touk'

cglaume

cglaume le 11/05/2017 à 09:13:38

Toukie: l'une des différences fondamentales entre l'"Avant-Garde Metal" (... voire le Prog) et le Nawak, c'est que le second ne se prend pas autant au sérieux. Ca ne veut pas dire que ça lâche du prout entre chaque titre. Mais il y a (très) souvent du rire dans tout ça...

Tookie

Tookie le 11/05/2017 à 09:25:20

@Xuaterc : Merci ! (voilà, j'avais qqch à répondre :p)
@Cglaume : Ok, je comprends le truc de ne pas se prendre au sérieux musicalement, mais je n'avais jamais jeté d'oeil sur les paroles, j'essaierai de m'y intéresser à l'occasion...

Xuaterc

Xuaterc le 11/05/2017 à 09:28:09

Mais on peut trouver des groupes d'avantgarde metal qui font preuve d'humour également

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 11/05/2017 à 20:56:51

Genre moi, je ne comprends pas la drolitude...

Xuaterc

Xuaterc le 12/05/2017 à 14:59:37

Ma fille de 14 mois se fend la poire en entendant Tokoyaki ;-)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 29/10/2018 à 09:50:23

Hey mais c'est génial ce truc (j'atterrit).

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • DEAF RADIO à Mains d'oeuvres à Saint-Ouen le 5 décembre 2024
  • Planet of Zeus + guests au Petit Bain à Paris le 6 mars 2025