Vægtløs - Kakofoni

La scène danoise est décidément bouillonnante et parmi celles dans lesquelles je fais en ce moment de nombreuses découvertes de qualité, sans que ça ne soit seulement une histoire de consanguinité entre groupes partageant les mêmes membres (bien que certains des membres de Vægtløs participent en effet à d'autres projets, et que l'on retrouve ici Victor Kaas et Christian Bonnesen de Eyes / Telos / LLNN en backing vocals).

Première question, parce que je vois que vous vous la posez : « Vægtløs » ? Réponse : « en apesanteur », comme dirait Garou, qui est balèze en traduction franco-danoise.

Deuxième question, qui se pose au moins chez moi : je ne comprends pas pourquoi cette personne a ce qui semble être un filet de pêche sur la tête.

Peut-être la réponse est-elle à aller chercher sur l'inspiration du quatuor de musiciens pour cet EP Kakofoni : des années de travail, marquées par la pandémie qu'on a connue, et des personnes proches du groupe qui ont malheureusement péri ou sont atteintes de maladies mortelles.

Le résultat de ce travail, ce sont donc ces deux titres, chantés en danois, gravitant dans des ambiances entrecroisant le post-black metal et le post-hardcore, moins chaotique et directement hardcore que leurs compatriotes de Telos (quoi qu'on pourrait voir des similitudes avec l'EP Helios/Selênê de ces derniers, ne serait-ce que sur le format deux titres), plus proche peut-être de l'excellent EP des Italiens de Die Sünde Strega plus tôt dans l'année, si vous l'avez écouté (si vous ne l'avez pas fait et que vous avez apprécié celui-ci, go écouter l'autre, ça fera très certainement d'une pierre deux coups), bien que le chant soit moins criard ici.

C'est une coalition de dix-sept labels DIY (seize pour le vinyle, un pour la cassette), dont le très chouette Voice Of The Unheard dans l'Hexagone, qui s'est occupée de la prod et distribution (c'est donc VOTU que je mets en tête de fiche, mais vous pouvez trouver toute la liste ici en bas de page), démarche que j'apprécie toujours (alors allez soutenir les petits labels pour que cette musique qu'on aime puisse continuer à être à peu près autosuffisante, ou tout du moins à rester vivace ! Allez, on clique, on clique, vindiou !).

Le premier de ces deux titres, « Når de ord, vi har brug for, skyder op af sig selv, får vi en ny sang » (traduction approximative : « Quand les mots dont nous avons besoin apparaissent d'eux-mêmes, nous obtenons une nouvelle chanson »), commence directement avec une phase typiquement post-black agrémentée de tremolos et d'une voix plus proche d'un groupe de post-hardcore, à la Touché Amoré, disons, orientation qui se confirmera dès l'arrêt des blasts pour un riff plus lent.

Une aération pointe, contemplation empreinte de doute et d'attente empêtrée dans un post-rock sombre et screamé. Puis on rebascule dans la noirceur de ce post-black tourmenté dans lequel le chant est presque noyé par la saturation des instruments, très mis en avant, et qui je trouve illustre très bien la thématique du disque, et notamment la mort de la belle-soeur du chanteur pendant le processus, alors que celle-ci était l'une des principales protagonistes du récit mis en place dans les paroles. On ressent facilement l'idée de cette perte et cette sensation d'étouffement émotionnel, d'impression que tout s'écroule, jusque dans la fin du morceau.

Le second, « Livet har så mange farver - lad os se dem alle » (« La vie a tant de couleurs – voyons-les toutes »), à la structure relativement semblable, je vous laisse le découvrir sans rien biaiser par des descriptions trop imprécises.

Bref, dans l'ensemble, Vægtløs ont proposé avec Kakofoni un EP solide, un peu court peut-être, et avec un chant peut-être un poil monocorde de son côté (et à mon sens trop peu agressif ou écorché pour vraiment rentrer dans le full deep que la musique laisse entrevoir), mais qui donne largement envie d'en entendre plus pour avoir une confirmation. Ce qui tombe bien, puisqu'un album devrait voir le jour avant la fin de l'année !

Personnellement, je l'attends de pied ferme.

A écouter pour un énième rappel que les proches sont précieux. Ça ne fait jamais de mal de le répéter.

Pingouins

le 26/09/2023