Ventura - Superheld
Chronique CD album (35:08)

- Style
Indie-Noise / Post-Hardcore 90’s - Label(s)
Vitesse Records - Date de sortie
07 March 2025 - écouter via bandcamp
La fidélité c’est cool. Si quelqu’un vous dit le contraire, c’est un cocu. Ou un amant. Si c’est vous qui le dites : désolé pour vous. Et merci de libérer le placard.
La fidélité c’est cool parce que c’est le signe d’une confiance inébranlable : en un être aimé, en un projet, en une passion. Cela va souvent de pair avec pas mal de migraines et de questions insolubles. C’est pas pour les mauviettes, en gros.
Tout cela, les gars de Ventura l’ont bien compris. À continuer, année après année, de prétendre au titre de « Meilleur groupe injustement inconnu », sans jamais lâcher l’affaire, sans jamais remettre en question un son façonné au fil des décennies. De l’artisanat Suisse en somme. Comme l’emmental ou la « neutralité fiscale ».
Et la nouvelle livraison ne déroge pas à la règle : on renfile les chaussons et on est de retour à la maison. Pas celle avec des infiltrations et des rappels d’électricité. Celle qui n’existe que dans la tête, avec feu de cheminée, salon de lecture, et sérénité tranquille.
Déjà on retrouve ce son caractéristique de l’identité du groupe, toujours épaulé de Serge Morattel au Rec Studio (Impure Wilhelmina, Knut, Year of No Light) : basse bien avant, batterie bien assise, bien sèche, saturation légèrement grésillante sur les guitares, chant perché pile au-dessus de tout ça, entre Black Francis (Pixies) et le Troy Von Balthazar de l’époque Chokebore (vous aussi, jouez à « qui c’est donc qui chante comme ça aussi putain ? » dans les commentaires, vous serez sûrement plus proche). Tous les marqueurs sont là, on sait qu’on va passer un bon moment.
En plus, ce qui est bien avec la fidélité, c’est qu’il suffit de pas grand-chose pour faire une surprise. Démarrer avec « Dwell » par exemple, c’est malin. Sûrement le morceau le moins venturesque (Venturois ? Venturacien ?) de l’album, on flirte avec une frange mélo du rock indé qui pourrait provoquer quelques inquiétudes (on est quand même pas loin de The Manchester Orchestra par instants) si tout cela ne transpirait pas la classe et la sincérité (du coup plus proche du magnifique « Underwater Tank » d’I Am Stramgram). Là où c’est malin c’est que du coup, la doublette « Advertiser » / « Most Arts » qui suit tape d’autant plus fort, le premier en convoquant les références classiques du groupe (The Ex, Sonic Youth), le second en lorgnant clairement du côté de Fugazi.
C’est peut-être d’ailleurs la surprise la plus notable de cet opus : après un Ad Matres plus intimiste, plus proche du corps, on revient ici à quelque chose proche de We Recruit, avec un hommage appuyé à la scène de Washington des années 90, jusque dans la production (ces frottements de corde sur « Most Arts », ce riff final qui vient sauver un « Bubbles » jusque-là un peu convenu, l’acoustique « Freeze In Hell » qui aurait pu paraître sur A Taste for Bitters de Chokebore, « Patron Saint » et sa première partie très proche d’un Jawbox avant d’y mêler un riff purement metal du plus bel effet, le riff de basse plombé d’ « Optimistic »).
En revanche, soyons clairs : je name-droppe parce que j’ai besoin de prouver que j’écoute des trucs et que je mérite d’être de ce côté-ci du clavier. C’est de l’insécurité culturelle. Ventura n’a rien à prouver. Et ils ne sonnent jamais que comme eux-mêmes. Ici on évoque, on ne copie pas. Une écoute sur « Obviously », ou le magistral « In me, there are three » suffit pour comprendre l’étendue du talent propre à ces gars.
Finalement, le seul bémol sera le final « From Evil », un poil trop neurasthénique pour moi, bémol d’autant plus douloureux que le morceau est censé être un « clin d’œil à Swell », dont j’ai longuement saigné For All The Beautiful People à une époque où j’avais les cheveux plus gras et les rêves moins tristes.
Tout ça pour dire que Ventura c’est toujours bien. Que ça accompagne joliment un retour de terrasse comme un départ pour la Mer du Nord. Et qu’en plus ça permet de se replonger dans plein de belles choses injustement oubliées (au pif…Chokebore).
Le prochain album sera sûrement dans 6 ans, comme d’habitude. J’attendrais. Fidèle.
8 COMMENTAIRES
Marc le 02/04/2025 à 09:30:31
Un beau disque, comme d'habitude avec Ventura, à écouter un buvant une tasse de café, perdu dans ses pensées. Coeur avec les doigts et très bonne chronique au passage.
cglaume le 02/04/2025 à 15:46:03
Yep, il a une belle plume le monsieur 👍🙏
pidji le 02/04/2025 à 16:16:18
Yes excellente sortie et très bonne chronique !
J'avais lâché Ventura depuis quelques temps, et ce retour est très sympathique
Moland le 02/04/2025 à 22:59:45
Le groupe préféré de Jim Carrey
Thedukilla le 03/04/2025 à 07:07:53
Je pensais démarrer sur un mega combo Jim Carrey/Lino/Stone & Charden, et puis j’ai renoncé. Si l’album avait été mauvais, à la limite, mais là ça méritait mieux.
Aldorus Berthier le 05/04/2025 à 02:30:06
Tékaté, d'ici une dizaine de chroniques tu ne namedropperais vraiment plus que poir la comparaison bullshit.
(C'est ce qui m'est arrivé en tout cas ; ma première chronique sur Knoll parle d'elle-même)
Thedukilla le 05/04/2025 à 09:27:59
Incroyable Knoll d’ailleurs, je suis arrivé au concert avec plein de jeux de mots a base de chaussures Scholl et de soupe Knorr, je suis reparti avec mes dents et mon cerveau dans un doggybag
el gep le 05/04/2025 à 22:24:36
J'écoute. Ça me fout le Blues.
Et on dirait que ça a été enregistré par Steve Albini.
Depuis loin.
Depuis l'au-delà.
Mais sinon c'est chouette.
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