Voivod - The Wake
Chronique CD album (55:57)

- Style
Prog metal de l'espace - Label(s)
Century Media - Sortie
2018
écouter "Obsolete Beings"
Au bout de 14 albums et 37 ans de carrière, on n’a plus rien à prouver. Et c’est d’autant plus vrai quand on s’appelle Voivod, qu’on est cité en référence par les plus grands et qu’on a définitivement acquis le statut « culte ». Mais cela ne signifie pas pour autant que l’on n’a plus rien à dire ou qu’on a le souffle court: The Wake en est la preuve par 9. Après autant d’années à arpenter les no man’s lands intersidéraux, à voir naître certaines étoiles et à en voir d’autres se faire engouffrer par les trous noirs de l’échec et de l'oubli, on se demande bien où le groupe trouve encore autant d’énergie… Et puis on se dit qu’après tout, quand on a atteint un certain niveau de maturité et de sérénité, qu’on n’a plus trop de pression sur les épaules et qu’il ne reste que le plaisir pur de la musique, il n’y a pas de raison que le moteur s’arrête. Après tout, nous autres infatigables chasseurs de décibels, est-ce qu’on se lasse après des années et des années passées à la recherche du frisson métallique ultime? Non. Alors de l’autre côté des micros il n’y a pas plus de raison que le robinet de la passion se tarisse.
… Par contre, celui de l’inspiration?
Eh bien non plus. Du moins pas chez Voivod. Et c’est d’autant plus impressionnant que le groupe ne procède à nulle torsion de son postulat stylistique de base pour faire jaillir les idées nouvelles. Non, les bougres restent fidèles à leur ligne de conduite habituelle en alternant pointes Thrash boostées à la vieille batterie Punk, séance de fumette SF Prog en apesanteur à l’extérieur de la Station Spatiale Internationale, et invocations des puissances cosmiques à coups de baguette de cosmo-chef d’orchestre. La basse de Dominique Laroche ronronne toujours comme les réacteurs de l’USS Enterprise. Denis « Snake » a toujours ce bébé Alien qui lui obture partiellement la cloison nasale et lui donne cette tonalité jumelle de celle de Kärtsy de Waltari (écoutez ces Nananana sur « Orb Confusion »). Ces mélodies et riffs inimitables tortillonnent toujours à rebrousse-poil sans que cette approche de guingois ne les empêche d'être super sexy. Ces ambiances de vaisseaux en perdition au large d’Alpha du Centaure sont toujours autant teintées d’ironie, d’abandon, de désillusion et de nostalgie… Et c’est toujours aussi bon!
Pour décrire plus précisément The Wake, il faudrait quand même nuancer en ajoutant que cette fois le groupe a dosé son cocktail en faveur de plus d’atmosphères et moins d’agressivité, avec un bon 65% de Nothingface, un généreuse rasade de 25% de Phobos, et le reste de Killing Technology, pour faire bonne mesure. Et ces proportions de se révéler particulièrement judicieuses! Ainsi, avec « Obsolete Beings » le groupe dispose d’un « hit single » (guillemets!!) naturel. L’impérial « Inconspiracy » impose le respect, puis subjugue en son milieu, lorsqu’une attaque épico-sidérale nous transporte jusqu’aux confins de l’univers à dos de quatuor à cordes. « Spherical Perspective » dégaine un riff qui acquiert immédiatement le statut légendaire, son écho et sa dynamique descendante portant l’indubitable griffe indissociable de la personnalité du groupe. Et finalement on ne se lasse pas de constater à quel point les Canadiens réussissent avec toujours la même surprenante facilité à nous convaincre à partir de mélanges a priori assez peu taillés pour séduire le chaland, comme sur le pesant démarrage de « The End of Dormancy », ou sur « Orb Confusion », quand à 2:58 la guitare de Daniel semble se retourner un ongle en boucle – ce riff « craie crissant sur le tableau noir » se révélant finalement sacrément accrocheur.
Et pourtant, c'est vrai: la note de ce nouvel opus se heurte encore une fois au plafond du 8/10. Parce que certains morceaux sont prolongés au-delà du raisonnable, après que l’excitation soit retombée. Comme « Spherical Perspective » qui n’en finit pas de ne pas finir dans les limbes d’une queue de morceau mollement cotonneuse. Comme « Sonic Mycelium » qui, après avoir passé 10 minutes à tournicoter et recycler les riffs des 7 précédents morceaux, nous quitte sur plus de 2 minutes de cordes plaintives – ce qu’« Orb Confusion » fait également à son échelle, mais dans un esprit « ambiant » qui passe un peu mieux.
Au final on ressort quand même avec une bonne impression de The Wake, même si les gratouilleries désagréables évoquées plus haut gâchent un poil la fête. Tout comme c’était un peu le cas sur Target Earth à vrai dire... D’ailleurs, avec un peu de recul, c’est à se demander si là ne réside pas l’explication de cet éternel statut « culte » qui colle aux basques de nos amis – celui-ci ne signifiant rien de plus que « Tout le monde me respecte mais personne n’achète mes albums ». Avec une personnalité aussi forte et des morceaux aussi fantastiques, le groupe pourrait déplacer des montagnes et des foules. Sauf que ce côté retors, ces riffs en crabe, ces chemins de traverse, ces « espiègleries » tortueuses parfois contre-productives font que bien souvent, au lieu de mettre du Voivod sur la platine, on va choisir quelque chose de plus direct, de plus franc du collier... Et c’est bien dommage!
Finalement c’est un peu à l’image de la musique du groupe que, après vous avoir tantôt aguichés, tantôt quasiment dissuadés d’écouter certaines compos – ce mouvement de balancier visant à vous maintenir dans un état d’incertitude inconfortable –, je vous laisserai sur une impression positive en vous assurant que The Wake est un très bon album qu’il serait dommage d’ignorer. Parfaitement. Mais vous n'en avez jamais vraiment douté, pas vrai?
La chronique, version courte: vous avez aimé Target Earth? Vous aimerez The Wake qui, dans le même esprit et avec la même patte, fait néanmoins encore un peu mieux. Car cette nouvelle odyssée spatiale est une fois de plus fascinante… Mais également à la marge un peu inconfortable, chose à laquelle vous êtes habitués si vous connaissez bien les Québécois.
7 COMMENTAIRES
korbendallas le 28/09/2018 à 08:03:31
Un bon album, plus prog et "ambiant" que le précédent, avec un petit côté jazzy dans les solos (on reconnait bien le Mongrain de Martyr sur le coup). Je les voit ce soir sur scéne, ça va être bon !
Par contre oui on peut se lasser après des années et des années passées à la recherche du frisson métallique ultime ... je n'arrive plus ou alors très très peu à en écouter depuis un peu plus d'un an ... besoin d'autres choses ... plus "positives" ;)
pidji le 28/09/2018 à 09:20:43
Je ne suis pas un grand connaisseur de VOIVOD, mais celui-ci me plait bien.
cglaume le 28/09/2018 à 10:28:01
Tu n'écoutes pas assez de Nawak / Fusion @Korben. Il y a tout un monde au-delà de Skindred / Dub War ;)
korbendallas le 28/09/2018 à 10:42:50
Hahaha, t'inquiètes, j'ai déjà de quoi faire avec mon ancien monde du punk/hardcore que je redécouvre avec plaisir ... et ce qui gravite autour !
Crom-Cruach le 28/09/2018 à 16:09:32
Ancien monde ? Pfffff !
korbendallas le 01/10/2018 à 07:12:36
Oui ancien ... minot j'ai découvert le punk/hardcore et le metal en même temps ... mais je me suis orienté vers le metal (tout en écoutant du hardcore de temps en temps) ... maintenant c'est l'inverse !
boumbastik le 01/10/2018 à 17:58:37
Particulièrement riche et inspiré (tout le monde ne pond pas un truc pareil 37 ans après ses débuts), The Wake bénéficie d'une prod remarquablement équilibrée. Et sur scène (vus le 29/09 dernier à Paris), c'est la grande classe et l'humilité.
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