HELLFEST 2022 - Le week-end de Margoth - Seconde partie
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Journée du samedi
Vendredi était déjà bien moite mais cette journée du samedi a battu tous les records en dépassant la barre des 40°C. On reconnaîtra quelques avantages à cette fournaise : on ne se ruine pas trop en bières en cours de journée par mesure de prudence. On a beau boire d'ailleurs 20 litres d'eau par jour, les passages aux toilettes sont fort rares, tout s'évacuant uniquement en transpirant comme des bœufs. Autre avantage : on déloge des tentes de bonne heure sans broncher, même pour moi qui a toujours été une plaie à sortir du lit. Parfait pour arriver sur le site dès son ouverture, fièrement, à défaut de fraîchement.
On aurait eu tort de ne pas être matinales car il aurait été dommage de louper Point Mort qui, en ce qui me concerne, a vraiment remporté la palme de la meilleure découverte de jeune pousse pleine de potentiel. Et pourtant, les délires post hardcore, ce n'est pas trop mon dada. Mais ayant entendu moult biens à droite et à gauche de ces Parisiens qui semblent apprécier hybrider toutes les étiquettes machincore que je ne maîtrise absolument pas, autant de la part de connaisseurs de la niche en question que d'autres aficionados comme moi, j'étais curieuse de voir ce que cela pouvait bien donner. Et visiblement, nous n'étions pas les seules, la Valley étant pas mal remplie pour une prestation de début de journée, l'assistance se gonflant au fur-et-à mesure que le show file. A vive allure. Trente minutes, trois titres, pas le temps de moufeter. L'intensité a été mise sur un rythme global typé montagnes russes, crescendo/decrescendo, rendant les explosions de brutalité aussi bien sonores qu'émotionnelles que plus jouissives. Alors évidemment, je pourrais trouver à redire que les étapes intermédiaires pour en arriver semblent parfois un peu trop longuettes pour pas grand-chose mais il s'agit là d'une critique globale que je pourrais appliquer sur tout le mouvement post-hardcore. Malgré tout, simple question de goût personnel mis à part – si je ne me suis jamais forcément penchée sur cette scène, c'est qu'il y a bien des raisons après tout – ça n'enlève en rien la qualité du set de Point Mort. Avec en bonus, et malgré le fait que le répertoire ne s'inscrivait pas dans la joie de vivre, un groupe visiblement aux anges d'être là. Le côté agréablement surpris de voir autant de monde en cet horaire matinal ne faisant que rajouter des étoiles dans leurs yeux. Ça s'est pleinement ressenti et cela a été subtilement partagé pour en être véritablement contagieux. Car la très grosse majorité de l'assistance en est ressortie conquise. Mon acolyte et moi les premières. Chapeau bas !
Nouvelle pause dans le programme où nous restons sur le site afin de prendre le petit déjeuner de champion qui va bien et nous balader, croiser des amis... Et entrapercevoir de près ou de loin quelques prestations à la va-vite, notamment sur les Mainstage. Fire From The Gods tout d'abord, combo rap/metal qui nous a d'abord fait très bonne impression via son énergie débordante... Avant que je ne déchante rapidement à la découverte de la facette plus mélodique typiquement US commercial, tellement générique et entendu des millions de fois que l’écœurement auditive a fini par prendre le dessus. Sur la grande scène à côté, Last Temptation prend le relais avec les sonorité « hard rock à papa », au grand dam de mon accompagnatrice pas forcément très friande de ces « musiques pour vieux croulants ». Solide et loin d'être naze pour autant, le combo manque toutefois de ce petit quelque chose d'inexplicable pour dépasser le cap du fatidique « sympa mais sans plus ». Enfin, grosse déception pour l'annulation de dernière minute de The Dead Daisy tant j'aurais voulu voir Glenn Hugues – une des voix les mieux conservées du circuit – sur scène pour la première fois. En lieu et place, nous découvrons un simple tribute band. Considérant que je ne paye pas 200 balles de billet pour voir un simple groupe amateur animant les fêtes de la musique et autres places du marché lors des fêtes de la Saint-Jean, nous préférons partir vers la Valley afin de voir un vrai répertoire personnel.
Plus que sympa a été la découverte suivante avec The Picturebooks, valant que l'on y reste dans sa quasi-intégralité. Quand bien même l'on se situe dans un blues rock à l'ancienne sentant bon les harley Davidson voguant sous la chaleur désertique de la Route 66, il y avait cette fois ce truc inexplicable qu'il manquait dans Last Temptation une heure auparavant. Déjà, réussir à tenir un public avec énergie sous une forme de simple duo est toujours une prouesse en soi à laquelle les Allemands s'affranchissent avec brio. Voir des maillets dans les mains du batteur fait sans doute son petit effet et souligne d'autant plus le fait qu'il se démène comme un beau diable. A ses côtés, on retiendra, par-delà de la guitare, surtout le caractère habité du chant. Car à défaut de faire dans de l'originalité, ce qui touchera le plus dans The Picturebooks, c'est la simplicité sincère qui se dégage des bonhommes et l'authenticité de sa musique dont on sentirait s'émaner l'odeur d'huile de vidange.
A force de me tanner afin d'aller en Warzone et n'ayant pour le moment rien de plus intéressant à faire, je décide de suivre le mouvement pour une grosse remontada temporelles de mes années adolescentes avec Guerilla Poubelle. Pas que j'appréciais plus que cela à l'époque d'ailleurs mais je ne compte pas les pauses clopes/apéro au square aux abords du lycée où cela pouvait passer en boucle. Apparemment, vu la petite foule amassée, les nostalgiques étaient nombreux, avec une belle majorité de trentenaires, pas forcément touchés par les polémiques satellites du combo qui ont valu quelques râles réactionnaires sur la toile à l'encontre du Hellfest de maintenir malgré tout leur programmation. En revanche, plus divertissantes étaient les différentes prises de paroles creuses et blindées de discours écolos et anti-système qui sentaient bon le côté donneur de leçons « faites ce que je dis et pas ce que je fais » du bobo qui tente de jouer les keupons. Forcez davantage sur les canettes de 8-6, ça amène plus de mordant et en plus, l'alu se recycle bien mieux que les bouteilles plastiques qui squattent votre scène. En dehors de cela, il y avait quand même quelques classiques de la grande époque où notre esprit juvénile se laissait impressionner pour pas grand-chose, c'est sympathique, cela rappelle quelques souvenirs... Mais en dehors de cela, on sent vite que l'on tourne en rond, tant par les discours que par la musique. Au moins, une bonne part du public autour de moi semble trouver son compte et se déchaîne. Tandis que je me délecte de mon placement judicieux aux abords du brumisateur nouvellement placé aujourd'hui qui m'assure une petite rincette rafraîchissantes toutes les deux minutes. Il faut avouer, cela aurait pu être pire.
Nous fuyons ensuite le site afin de s'octroyer un petit temps de repos plus au calme, à l'ombre de la verdure du Purple Camp. Qui ne s'est finalement pas passé comme escompté, des imprévus d'ordre personnel ayant pointé le bout de leur nez. En plus de ne pas s'être spécialement reposées, nous revenons malheureusement plus tard que prévu, loupant un The Darkness que j'aurais pourtant bien voulu entrevoir, au même titre que Loudblast. Nous nous retrouvons accueillis par Kampfar sous la Temple. Black metal avec quelques subtiles touches folk (tout sauf prédominantes), l'envoûtement prend encore mieux que les Irlandais de Primordial la veille en ce qui me concerne. Sans doute grâce à son frontman, Dolk, totalement habité par son art et la rage de vaincre. Puissant et sans temps mort, voilà un show qui distribue de la claque aussi jouissante qu'inattendue.
Nouveau petit moment de balade, ma comparse voulant yeuter Alestorm du côté des Mainstage. Je n'en attendais absolument rien, n'étant pas du tout dans ce genre de délires. Et malgré tout, on y est resté certainement moins de dix minutes mais j'en suis quand même déçue, tellement le côté ouvertement léger et fun dérive vraiment dans ce même genre de pathétique que je pouvais ressentir lors de mes années adolescentes à voir un Mickaël Young courir partout en s'égosillant dans un mégaphone lors du Morning Live. Grand moment de solitude donc qui par chance s'est vite terminé, la sauce ne prenant pas spécialement non plus du côté de l'instigatrice de ce traquenard. Nous nous dirigeons ensuite du côté de la Valley pour une nouvelle claque des plus surprenantes. Car si j'admettais que les étiquettes « machins-core » ne me parlaient pas spécialement, les « post-machin » ne m'inspirent pas plus généralement non plus. Une configuration instrumentale également d'ailleurs. Et pourtant, Pelican a réussi la prouesse de faire voyager mon esprit bien loin dans les cieux, à défaut de proposer une prestation scénique captivante. Petit trip sans drogue bien entendu. Difficile d'expliquer pourquoi et de décrire réellement le pourquoi du comment alors que je ne connais pas du tout le matériau discographique mais assurément, voilà bien un axe à creuser dans le futur.
Nouvelle dose de metal noir sous la Temple avec Taake qui a cette fois le droit de jouer, contrairement à Paris il n'y a pas si longtemps. Heureusement, car les Norvégiens ont fait office de véritable rouleau compresseur, mené de front par une figure semblant vraiment sortie d'outretombe. Diabolique par ses riffs, saisissant par son growl, Taake est venu et a vaincu, nous laissant quasiment à genoux.
Pas le temps de se reposer sur ses lauriers pour autant, il faut vite reprendre ses esprits. Balayer même tout ce qui peut s'y passer après deux prestations d'affilées aussi saisissantes l'une que l'autre. Car si retourner sous la Valley pour voir Messa qui avait été un beau petit coup de cœur en 2019 était tentant, découvrir Steel Panther que j'avais loupé la dernière fois était le choix de raison si l'on peut dire. Et contrairement à Alestorm, l'aspect fun qui en découle a bien plus d'emprise sur moi. Car au final, ce n'est pas que je n'ai pas d'humour, c'est que j'ai surtout besoin d'un comique avec un minimum de situation et de contexte caricatural. Et puis, au grand dam des féministes, le côté beauf et autre mauvais goût, ça fait mouche. D'autant plus à l'heure d'aujourd'hui où l'on ne peut visiblement plus rire de tout sans que cela ne soulève son lot de scandales. Bref, tout ça pour dire que j'ai trouvé ça fort potache, même si il faut que cela se cantonne à des créneaux de prestations pas trop longs tant entendre parler de nichons et petites bites à tout bout de champ pendant 3h serait lourdingue. Mention spéciale à l'imitation d'Ozzy Osbourne (presque) plus vraie que nature sur une reprise de « Crazy Train ». Niveau musique, sans être foncièrement mauvais, on est sur du générique dont on ne retirerait pas de plaisir particulier à écouter tout seul chez soi. Mais remis en contexte live, englobé en prétexte comique, il faut admettre que ça fait bouger le popotin sans même qu'on ne s'en rende compte. Et histoire d'aller dans le délire jusqu'au bout, Michaël Starr n'oublie pas de choisir une charmante donzelle – visiblement à mi-chemin entre l'extase et la gênance – pour lui chanter une sérénade exagérément douteuse. Mais comme la monogamie, ce n'est pas très fun pour un tel Don Juan, autant en attirer une bonne cinquantaine (dont ma comparse !), la scène étant bien assez grande pour ça. Bref, un bon petit moment décalé. Que je ne réitérerais sans doute jamais mais plaisant à voir ne serait-ce qu'une fois.
On rigolera beaucoup moins sur la scène juste à côté avec Megadeth. On savait que Dave Mustaine ressort d'une très mauvaise passe niveau santé. Et cela se ressent malheureusement beaucoup trop en terme vocal, quand bien même le bougre semble heureux d'être là. J'avoue ne pas avoir réussi à passer outre ce détail et nous avons fini par fuir prématurément. Ce qui est dommage, car niveau setlist, les classiques allaient bon train, finement enchaînés. De la même manière, le nouveau line-up sans David Ellefson, semble fonctionner du feu de dieu – en même temps, entre Kiko Loureiro à la gratte et Dirk Verbeuren derrière les fûts dont les compétences ne sont plus à prouver. Mais voilà, voir Mustaine avec un tel coup de vieux et une forme vocale tenant davantage d'une presque agonie, cela m'a fait plus de peine qu'autre chose et ne voulant pas forcément trop graver ça en mémoire de manière indélébile, il valait mieux ne pas trop s'attarder.
Nous profitons de ce petit temps libre pour nous restaurer et surtout se placer au sein des premiers rangs de l'Altar, particulièrement motivées pour se prendre la mandale Sepultura en plein dans les dents. Une bonne idée de s'y être prises à l'avance tant les Brésiliens commenceront leur show avec le hangar rempli à ras la gueule et plus encore. Et le pain ne se fait pas attendre : avec un « Arise » d'entrée de jeu, le ton est donné. Et le public suit joyeusement, slammant dans tous les recoins – en voir arriver latéralement en partant des côtés généralement plus calmes, c'est assez rare pour être souligné – et braillant comme un seul homme. La combustion spontanée n'est pas loin donc, d'autant plus que tout du long, Sepultura maintient pied au plancher la pédale de l'agressivité bestiale. Donnant autant de pain à la team « Cavalera et puis c'est tout » qu'à la team « on vit avec notre temps » en terme de répartition entre vieux répertoire et plus récent. Le tout, sans jamais spécialement faillir, ne nous laissant que très peu respirer (sans non plus donner cette impression d'expéditif m'enfoutiste maintes fois ressentis avec les combos de Max Cavalera) à part pour un « Machine Messiah » dénotant vraiment trop par rapport au reste... Même si la parenthèse s'est finalement révélée salvatrice, l'appel à l'émeute ne tardant pas à pointer le bout son nez. Jusqu'à carrément éclater sur un trio final gagnant (« Refuse / Resist », « Ratamahatta » et « Roots Bloody Roots ») explosif. Petite satisfaction supplémentaire en regardant dans le retro à l'heure d'aujourd'hui : il s'agissait de l'un des derniers shows où Andreas Kisser était présent lors de la tournée estivale, contraint de rentrer au pays pour accompagner sa femme dans ses derniers moments. Bref, je ne compte plus vraiment le nombre de fois que j'ai pu voir Sepultura mais nul doute que cette dernière fois pourrait se révéler la plus marquante et jouissive... Jusqu'à la prochaine fois du moins ? C'est tout ce que je leur souhaite.
Difficile de se frayer un chemin pour sortir mais nous avons quand même un minimum de temps avant la suite du programme pour regarder de très loin, via les écrans, ce qui peut bien se passer en Mainstage. Heureux hasard, Deep Purple entame son indéboulonnable « Smoke On The Water » et autres classiques de fin de show, ce qui fait toujours plaisir. Beaucoup moins à ma comparse, toujours anti-vieux croulants on le rappelle. Je lui fais quand même subir ce supplice, pour mon plaisir et par volonté de lui montrer le début de Ghost, pour la culture. Quand bien même je savais pertinemment que cela ne passerait pas en ce qui la concerne. Pas loupé, elle insiste pour la fuite pure et simple afin de passer à la suite de notre planning sous la Valley.
Opter pour Envy que je ne connaissais que de nom et surtout de réputation scénique, c'était un peu la grande audace de ma running order. Et de toute manière, ayant constaté juste avant à quel point les Maintages étaient saturées de monde, il n'y a aucun regret à ce choix. Surtout que ma comparse, totalement en phase, semble y avoir trouver bien meilleure satisfaction que la messe de Tobias Forge. De mon côté, j'en ressors dans un sentiment d'entre-deux. Si musicalement, je n'ai clairement pas été convaincue du sonore – les « post-machin » toussa, ce n'est pas mon truc, je l'ai déjà dit – mais en ce qui concerne la prestation scénique, j'en suis restée bouche-bée et captivée tout du long. Les Japonais se donnent sans compter, son frontman jouant autant la carte du désarticulé que du pois sauteur, à mi-chemin entre Barney Greenway (Napalm Death) et Greg Puciato (The Dillinger Escape Plan). Ça pleurniche presque, entre larmes d'implosion furieuse et douleur infiniment déchirante. Les autres aux instruments ne sont pas en reste en terme de transe, un des guitaristes manquant presque à plusieurs reprises de se casser la binette. Expérience saisissante que j'ai été ravie de vivre une fois.
Si l'idée de faire redescendre la pression avec la légèreté de Airbourne était tentante, il s'est avéré totalement impossible pour moi de continuer. La chaleur du jour m'a en effet fait découvrir sur une bonne partie de la journée que patauger dans des chaussettes pleines de sueur amenaient une vive douleur aux pieds. Il valait mieux rentrer avant de risquer l'amputation et laisser reposer tout ça autour de quelques bières au calme. Demain est un autre jour, d'autant plus qu'il s'avère être le plus chargé.
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