MOTOCULTOR festival 2023 - Le weekend de Vincent

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Jeudi
C’est un temps bien breton qui m’accompagne en cette mi-août, lors de mon arrivée à Carhaix. Non, point de pluie ici. Je ne participerais pas à la propagation de clichés désuets tout justes bon à faire radoter les Parisiens. Non, c’est un temps changeant, instable, fuyant qui apporte avec lui son ballet incessant d’éclaircies et de cumulonimbus aux teintes minérales. Le site de Kerampuilh, niché dans les vallons finistériens offre calme et verdure au quidam habillé de noir. L’affluence, en ce jeudi midi est modérée, ce qui est en soi un luxe et permet de se déplacer librement et de se mouvoir en toute quiétude. Je ne le sais pas encore, mais ce sentiment ne me quittera pas des quatre jours. Qu’on se le tienne pour dit : Le Motocultor est un festival à taille humaine et c’est un luxe qui n’est vraiment pas négligeable.
Après un rapide tour du quartier, je m’engage donc sous le porche d’entrée accompagné des doux sons du bagad de Carhaix, positionné au pied d’un grand chêne. La sécurité fait son travail avec zèle, ce qu’on ne peux pas leur reprocher ; pour ce premier jour du moins ( l’accès au site se compliquera les jours suivants). Après un tour sur site, je me rends au point info, histoire de glaner bouchons et running-order, mais, un problème de livraison rendra cette mission infructueuse. Impossible de savoir quand il seront livrés. Je me débrouille donc par mes propres moyens et chope le tout sur un stand que je découvre au hasard pour ensuite me diriger vers la Mustage pour les premières hostilités avec la Oï de Grade 2. Son punk rock "so british", parsemé d’ironie "so british" réveillera (et amusera) bien la foule en ce milieu d’après-midi. Pas le temps de niaiser, je file sous la Massey Ferguscene pour les Parisiens de Lost in Kiev qui nous font directement plonger dans leur post rock samplé avec ‘Pygmalion’ en intro, malgré un jeu de lumière assez simpliste. En même temps, ont-ils besoin d’un artifice visuel pour nous appeler à Hypnos ? Absolument pas ; leur musique suffit amplement. Ils nous joueront bien évidemment des morceaux extraits de leur dernier album Rupture et notamment 'Solastagia' mais aussi des les classiques retraçant leur discographie.
Le set tout juste fini et je me déplace sous la Bruce Dickinscene voisine pour les (autres) Parisien.nes de The Psychotic Monks et leur électro punk/rock expérimental sans frontière. Le groupe n’a qu’un seul étendard : celui de la liberté. Musicale et morale. Les frontières se meuvent voire s’abolissent avec leurs expérimentations sonores à la la limite du bruitisme. Je pense notamment à l’utilisation déconstruite qu’Arthur Dussaux pourra faire pour clore le set. Ces « improvisations émotionnelles » rendent le set clairement intense et foutraque (dans le sens positif du terme) unique et catartique. Cet élan punk et libertaire jusqu’au-boutiste fait énormément de bien au moral.
Changement d’ambiance radical avec (ma privilégiée) A.A. Williams et son éternelle dépression sur la Massey Ferguscene. Accompagnée de trois musiciens, l’Anglaise dissimulée derrière ses cheveux d’un noir de geai et lovée dans un écrin bleuté quasi en permanence, nous déroule avec raffinement et distinction ses noires compositions. Toujours emprunt de sobriété, le chant, marqué de sa fébrilité se fait porté par un mur instrumental massif (à l’instar de la rangée d’amplis alignés sur scène). De « Control » à 'Forever Blue' en passant par 'Hollow Hear' ou 'As the Moon Rest', toute sa discographie (ou presque) y passe. On regrettera tout de même la sortie un peu empressée de la principale intéressée qui nous laissera sur un sentiment d’outrecuidance. A.A. Williams n’est pas non plus réputée pour être chaleureuse, on mettra ça sur le compte de la timidité et de la discrétion. Rien d’étonnant donc.
Je profite de ce moment de relative accalmie pour aller voir les stands de nourriture, dont la diversité me fera longuement hésiter.
Je traverse tout le site et me positionne sur la Suppositor pour les chevelus trasheux d’Angelus Apatrida. Cassage de nuque, double pédale et solos interminables. Voilà le set résumé. Pour être parfaitement complet il faudrait rajouter les bières sifflées, le wall of death et la bagarre générale. Le package idéal pour se décrasser en vue de la tête d’affiche de la soirée qui n’est autre qu’Hatebreed. Mais avant cela, je tenais absolument à voir les Suisses de Zeal and Ardor. Autant vous le dire tout de suite, ce fut l’une des plus grosses mornifles du week-end. Il ne me semble pas avoir déjà vu plus grande osmose entre public et groupe dans un festival. Comme dit précédemment, le Motocultor a l’avantage (et la volonté) de garder une taille humaine tout en ayant la capacité d’amener de très jolis noms. De cette taille humaine, donc, découle une proximité entre public et groupe qui, avec Zeal and Ardor a été magnifiée. Son noir gospel a fait mouche. De 'Devil’s fine' à 'Stranger fruit' le public se régale et s’approche quasiment de la transe. Il faut dire qu’entre la puissance de la musique et la prestation scénique, s’en devient quasi hypnotique. Manuel Gagneux et toute sa clique a ici clairement fait mouche.
Je quitte l’ambiance chaude et suffocante du gospelolblackmetal pour le hard rock hippie des allemands de Kadavar que je découvre ici. Et pour le coup, c’est un changement vraiment radical. Ca fleure clairement les moustaches suintantes, les pattes d’eph’ et l’ectasy. Voyage temporel, bienvenue dans les 70’s. 50 minutes de solos aux sonorités orientales, de partie de batterie interminables et de refrains repris en chœur par la foule. La communion mon frère ! Et peace and love. Même si ce n’est pas vraiment mon style de prédilection, la croisière au pays des hippies fût fort agréable.
La nuit avait encré le site de sa noirceur depuis un bon moment quand les premiers cris d’impatience ont commencé à se faire entendre devant la Dave Mustage pour les gars de Bridgport. Jamey Jasta a pris un sacré coup de vieux. Non pas dans l’énergie et la fougue qu’il déploie sur scène mais bien parce qu’il a réalisé qu’Hatebreed allait fêter ses 30 ans l’année prochaine. Il a passé une bonne partie du set à nous le rappeler, lui même n’ayant pas l’air d’en revenir. Hatebreed a donc trente ans et toutes ses dents. La sécurité s’est chopée quelques suées avec cette fosse enflammée. Slams de conteneurs (il n’est pas nécessaire de préciser qu’il y avait bien des personnes dedans), circle pit et pied-bouche furent bien évidemment à l’honneur. De 'This is now' à 'Destroy Everything' en passant par 'I will be heard', la (longue) discographie est passée en revue. Hatebreed nous balance 1 heure 10 de grosse qualité. Trente années, 10 albums. Il n’y a que l’embarras du choix.
La première journée s’achève donc sur ce genre d’ambiance qui ne donne pas envie d’aller se coucher et tout cramer. Chose qui n’est absolument pas recommandable dans un webzine tel que le notre, je vous l’avoue. Et de toute façon on est à Carhaix. 7165 habitants, vaches et cochons compris. Pour l’ambiance getto, c’est loupé.
Vendredi
C’est sous un ciel dégagé mais une lourdeur atmosphérique pesante que j’entame ce deuxième round. L’affluence de ce vendredi est montée d’un cran notable. La sécurité, et c’est tout à leur honneur, fouille avec autant de parcimonie que la veille les sacs et festivaliers. La cadence étant assez lente, cela aura pour conséquence la création d’une énorme file d’attente atteignant plusieurs centaines de mètres, le tout en plein cagnard. Autant vous dire que cela en a irrité plus d’un. A juste titre. Que la sécurité soit précautionneuse est une très bonne chose en soi, mais peut-être aurait il mieux valu, dans ce cas, ouvrir le site plus tôt.
J’amorce la (longue) journée avec les Belges de Psychonaut et leur post metal atmosphérique. Première venue au Motocultor pour les trois de Mechelen qui manifestent avec entrain leur plaisir d’être ici. Les très bavards gaillards inviteront même le public, avec la plus grande des sincérités, à venir les rencontrer au stand de merch. Le public de connaisseur ( ce qui est généralement le cas sur les premiers sets de festivals, soyons honnêtes) leur rendra leur amabilité en faisant péter l’applaudissomètre. Le set se fera au rythme des bavardages et changements récurrents de guitares ce qui n’entachera en rien, bien au contraire, à l’instauration d’une bonne humeur générale.
C’est donc avec le sourire que je me rends sous la Bruce Dickinscène pour les Britanniques de Hrafngrimr que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Et ça tombe bien, puisque c’est du folk païen. Outre passons le côté vestimentaire atypique de la chanteuse (soyons honnêtes, le manteau en poil de bouc et les cuissardes à talons avec une mini jupe, c’est quand même une définition assez personnelle et novatrice du bon goût), le collectif neo nordic propose un set très bien ficelé. La qualité du chant est remarquable, de part les prestations vocales mais aussi par la coordination et synchronisation entre Christine Roche et Mattjö Haussy (ex Skàld). Le clan ici réuni sur scène nous emmène loin, très loin, y compris au royaume des Morts avec 'Blót' et son appel à Odin. Deux jeunes filles, toutes vêtues de blanc réaliseront une chorégraphie mortuaire en la mémoire d’un membre du groupe récemment décédé. Les vibrations métaphysiques s’étendent petit à petit pour gagner l’ensemble de la foule de manière assez efficace, aidées par une multitudes d’instruments traditionnels. Le set se terminera par des chants guerriers ('Einherjar') qui, personnellement, me donneront envie de me la mettre façon « Fou de Guerre ». Il me semble ne pas avoir été le seul dans ce cas. Une petite demi heure de plus et ça se finissait en baston générale. Efficace donc. Je file devant la Suppositor Stage avant de me prendre un pain pour les Parisiens de Déluge. Suite à la déception d’Aego Templo, j’ai voulu laisser une chance au quintet et voir ce que cela pouvait donner en live. Le jugement fut immédiat et sans appel. L’attitude surfaite et surjouée du frontman est irritante au plus haut point quand les autres, dans la même veine, en font des caisses pour pas grand-chose. Je comprends que cela puisse plaire à certaines, mais le côté légèrement boy’z band, très peu pour moi, merci. Je préfère me réserver une bonne place pour Gggolddd et me rends donc devant la Dave Mustage, profitant de ce moment de repos imprévu pour me reposer les pattes au son des balances des Hollandais. Balances que l’on aura du mal a différencier du concert en lui même tellement le decorum est sobre et le jeu de lumière minimaliste. Ouvrant avec 'Beat by beat', le groupe fait montre d’une rigidité et d’une froideur assez prononcées. Milena Eva est toujours aussi timide et réservée derrière son micro et se contentera de quelques pas de danses et ondulations corporelles, entrecoupées de moult remerciements. Hasard des choses, une légère pluie s’invite sur 'Spring', collant parfaitement à l’ambiance obscure et tourmentée du set ( pour ne pas dire du groupe). Ils terminent par 'I let my hair grown', que l’on pourra trouver sur PTSD qui sort au mois d’octobre prochain. Album s’annonçant à la hauteur de ses prédécesseurs.
Direction la Massey Ferguscène pour les Français d’Hypno5e, qui, au vu de la foule déjà en place, sont très attendus. Les acclamations survenant aux samples de Sheol en sont la preuve ultime. Dans un décor sobre, les Montpelliérains nous gratifient d’une partie leur dernier album, entremêlé de pistes issues de A distant (dark) source (avec notamment la magnifique 'On a dry lake'). La basse, copieusement mise en avant mais correctement réglée nous retourne les tripes, tout autant que l’émotion qu’Hypno5e arrive à dégager et transmettre.
C’est encore sonné par le set d’Hypno5e que je prends la direction de la scène voisine pour Lili Refrain ; la sorcière comme j’ai pu l’entendre au détour d’une conversation. Et pour le coup, cette dénomination lui va plutôt bien. L’Italienne, vêtue d’une longue tunique noire et entièrement grimée nous offre un set mystique et occulte et la limite du chamanisme. Seule avec ses loopers elle nous emmène assez loin dans ses trips illuminés, bercés par sa rythmique hypnotique, ses messes basses et ses cris extasiés y incorporant parfois de la saturation. Le set, composé de trois pistes, sera l’occasion pour la Romaine de prendre des libertés et d’étirer ses compositions le plus largement possible, chacune atteignant la vingtaine de minutes.
Petit arrêt au stand « pâtes au saumon » avant de me placer devant la Dave Mustage pour les darons de Carcass. Les Britanniques sont ici en terrain conquis. Il suffit que Jeff Walker lève le bras pour que l’entièreté de la foule l’imite et une marée d’ horn’s up inonde la foule. Darons du death pour un death de darons. Le trio n’est pas là pour beurrer les tartines, si ce n’est les tartines de riffs assassins. Walker et Steer, pleinement à l’aise font leur démonstration sans accroc, cherchant en permanence à faire réagir le public. Oserais-je le jeu de mot en disant que c’est un set qui décarcasse. Non. Parce qu’il est vraiment pourri.
Direction la Bruce Dicksinscène pour ce groupe mélangeant hard rock/heavy et musique traditionnelle mongole. Non, ce n’est pas The Hu, mais sa pale copie que je nomme Uuhai.
Les sept gaillards venus des steppes (ou des buildings d’Oulan Bathor) font du rock à minettes (voire rock à mamies) enveloppé dans du trad ; parce que le trad, à l’image des grands cousins qui étaient présents au Hellfest, ça marche plutôt bien en ce moment). Musicalement, j’ai trouvé le set très plat et sans consistance, mais surtout très (trop!) théâtral. La foule débordant du chapiteau malgré la pluie démontre l’intérêt du public pour le groupe. Avis que je ne partage donc pas, mais comme disent certains : « Mieux vaut marcher seul que courir avec tous ». Non, effectivement, personne ne dit ça, mais vous voyez l'idée.
Je termine la soirée par la grosse tête d’affiche de l’édition 2023 : Wardruna sur la mainstage qu’est la Dave Mustage. Pour le coup, la mise en scène absolument incroyable des Norvégiens est vraiment saisissante. Bordée de filet de camouflage blanc, la scène s’anime uniquement avec le jeu d’ombre des musiciens agrémentés d’ossements dont la rythmique, les positions et les dimensions varient. Le rendu est absolument hypnotique, allant de paire avec le neofolk ambiant de la troupe de Bergen. Les couleurs ne changent que très peu et inondent entièrement la scène, favorisant l’atmosphère immersive. Les coups de strobo arrivant sans prévenir ont dû en laisser plus d’un en PLS.
La musique des Norvégiens n’étant pas la plus recommandé pour se maintenir éveillé, les premiers signes de faiblesse se font ressentir ; c’est complètement vanné et trempé que je termine ce deuxième round.
Je rentre donc au bercail histoire d’être (enfin) sec et me reposer pour affronter cette troisième journée.
Samedi
Le soleil qui illumine cette troisième journée tranche vraiment avec la pluie de la veille. Beaucoup de monde pour ce samedi, certains venant de loin. Les accents fleurissant de ci de là ne trompent pas. On retrouve aussi beaucoup de déguisements qui déambulent, titubent pour certains. J’ai la vague impression de retrouver l’ambiance du Hellfest d’il y a à dix ans. Et ce n’est vraiment pas un mal.
Je me mets en jambe avec le rock poppy/math rock des Français de Not Scientists. Le public, âgé de 7 à 77 ans est calme et apaisé, encore embrumé des festivités de la veille. Mais le quartet lyonnais s’avère être un groupe assez traître. La proposition (réussie) du frontman de faire un circle pit réveillera la fosse. Pensant me la couler douce en ce début d’après-midi, le set se terminera clairement dans la sueur. Et la bonne humeur.
Rien avoir donc avec les Chartrains de Pénitence Onirique qui les suivent sur la Massey Ferguscène. Les débuts sont quelque peu perturbés par des problèmes de son, notamment sur le chant quasi inaudible. Le frontman, à la démarche inimitable fondée sur un jeu d’épaule exagéré, arpente la scène comme à son habitude, entouré de ses cinq compères. Le gang des masqués déroule les titres issus Vestige de 'Le corps gelé de Lyse' à 'Les sirènes misérables' en passant par le titre éponyme.. Il termine leur setlist par une avant première concernant deux titres de leur prochain album à venir au mois d’octobre. J’y ai trouvé les riffs plus mordant, plus agressifs que sur son prédécesseur. A confirmer donc lors de la sortie de Nature Morte.
Connaissez vous la Chaux-de-Fonds ? Non. Personne ne connaît la Chaux-de-Fonds. "C’est un bled pourri" nous raconte Louis Jucker sur la Mustage en début de set. Le frontman de Coilguns "veut partager de l’amour avec des riffs qui donnent mal à la tête" nous avoue-t-il avec son accent Suisse à couper au couteau. Le créateur d’Hummus Record est intenable et partage effectivement tout l’amour du punk qu’il a en lui. Sautant comme un cabri, grimpant sur les enceintes et allant au contact du public (à la grande frayeur de la sécurité, d’ailleurs), le moins que l’on puisse dire est que le Suisse et ses acolytes donnent tout ce qu’ils ont. Ils nous feront l’exclusivité de jouer une partie de leur prochain album, pour lequel « ils ont pris, pour une fois, le temps de composer les pistes ». Il n’y a apparemment pas que les Belges qui ont de l’humour.
Je reste dans l’ambiance punk/postHxC avec Birds in Row sous la Ferguscène. Le trio de Laval nous joue Gris Klein dans sa quasi intégralité, devant un pare-terre de connaisseur. (La réaction enthousiastes aux premières notes de 'Noah' en témoignent). Forcément énergique et tout en sobriété, des titres plus anciens viendront s’immiscer entre des pistes de Gris Klein, comme ‘15-38’ issue de son prédecesseur. La machine est bien rodée , Birds in Row terminant leur tournée d’été avec ce passage au Motocultor, le public satisfait, le groupe aussi. Que demander de plus ?
Je m’autorise, après plus de trois heures de concerts, une légère pause à l’ombre d’un vieux chêne avant de me rendre à l’espace presse pour les interviews prévues ce jour. Je n’en ressortirai qu’à 20 heures pour les Américains de Russian Circles débutant leur set avec ‘Sinaia’. Quelques problèmes de balances viendront perturber le bon déroulement du set mais seront vite corrigés et permettront à chaque membre du trio de prendre la place qui lui est due. On a affaire ici à trois piliers sonores, qui, lorsqu’ils sont correctement équilibrés, offrent une vague massive et une expérience sonore unique. Vous vous en doutez, il y a assez peu de mouvement, que ce soit dans la fosse ou sur scène, chacun étant parti dans son fort intérieur. La tension monte progressivement jusqu’à son apogée, lorsque les trois de l’Illinois, nappés de brume, mettent les potards au maximum, nous transperçant littéralement de leur musique. L’ensemble du public est littéralement terrassé et supposément épuisé de cette expérience sonore réellement unique.
Je redescends des cimes de cette introspection pour me confronter à l’ambiance plus terre à terre de Watain et son BM fielleux sur la Suppositor. Le decorum, surchargé, donne le ton et classe le set dans la catégorie « spectacle vivant » (par le terme de vivant, vous voyez où je veux en venir). Erik Danielsson, faisant fi des procédures de sécurité, léguera sa torche enflammée à une personne du public avant d’y balancer une coupelle de sang, en guise de rituel. Les Suédois n’en sont pas à leur premier méfaits ; la machine est clairement rodée et bien huilée, le tout couplé à un son de très bonne qualité : le set est un vrai régal.
Je finis la soirée par AmenRa sous la Ferguscène qui, malheureusement pour moi, ne proposent rien d’innovant par rapport au Hellfest, ce qui en soi est tout à fait compréhensible. C’est donc avec un léger sentiment de déjà vu que je laisse dérouler le set des Belges, qui est, somme toute fort agréable. Comme dit dans le report du Hellfest, AmenRa fait du AmenRa alors que vouloir de plus ?
Dimanche
Cette quatrième et dernière journée se place sous les auspices du Doom. Je ne quitte la Dickinscène (sur laquelle sont programmés, entre autres, Church of Misery, Crowbar, EyeHateGod, Messa, Bell Witch) uniquement pour me rendre devant la Suppositor et me prendre une petite claque de BM.
L’affluence se fait plus importante pour ne pas dire record et contraste vraiment avec le premier jour.
La fatigue, inéluctable avec le rythme de ces trois premiers jours, me fera louper les premiers concerts de ce dimanche ensoleillé. Je fais donc une croix sur la péninsule ibérique représentée par les Espagnoles de Kabbalah et les Portugais de Gaerea. Je me place donc directement sous la Dickinscène pour les Nippons de Church of Misery. Les très forte odeur de beuh me confirme que je suis bien au bon endroit. Les vieux briscards reprennent le Doom à ses racines pour nous le recracher teinté d’aigreur et de hargne. Leur prestance est assez impressionnante, en sus de la manière du bassiste de tenir son instrument. Kazuhiro Asaeda, fraîchement de retour au mic, après une absence de… ...27 ans éructe sa bile et fait retomber sa noire aura sur la foule.
Je pars faire un petit tour sur la Suppositor pour le rouleau compresseur venu de Genève. Nostromo et son mathcore nous décroche la boite crânienne pendant trois quart d’heure. Massif et puissant, le set est tout aussi parfait que celui proposé au Hellfest.
Je retourne sous la Dickinscène pour les (personnellement très attendu) Américains de Bell Witch et leur Funeral Doom. Le set un peu court ( une demi heure), n’arrivera tout de même p as à me transcender. Le duo multi-instrumentiste attaque son set directement après les balances, sans faire d’entrée et balance une cascade sonore en continu. Le batteur, à peine visible derrière les moult instruments à percussions ne communiquera du regard qu’avec son acolyte bassiste. Leur talent est indéniable et observer du tapping sur une basse 7 cordes pendant 30 minutes (quasiment) est un vrai régal pour tout amateur d’instrument à corde. C’est peut-être ici le seul intérêt que j’ai pu trouver à les voir en live ( ce qui est soi est déjà une bonne chose). Je m’attendais à un set un peu plus démonstratif. Je sais bien qu’il ne font pas du reggae, mais tout de même.
Ça contrastera avec les Parisiens de Moonreich, venu remplacer les Ukrainiens de 1914 bloqués au front (leur situation est tout de même ironique, si elle n’en était pas triste). Les quatre ténébreux viennent présenter Amer, leur dernier opus, qu’ils nous feront découvrir au bout de 15 minutes,leur laissant ainsi le temps de chauffer les cœurs et les têtes avant. Leur plaisir d’être ici est clairement lisible et le public le lui rend parfaitement bien. Les quelques problèmes techniques (et notamment de lanière pour le guitariste) n’y changeront rien, ce sont de toute évidence de larges sourires qui s’affichent sur les visages, contrastant pleinement avec la fougue noire et hargneuse déversée en flot continu par les murs d’enceinte.
Remplacement au pied levé = concert de qualité.
Retour sous la Dickinscène pour un autre concert très attendu, tant par le public que personnellement : Messa. Les Italiens font résonner leur doom à la chaleur latine en s’autorisant quelques envolées lyriques, même si, Sara Bianchin semble quelque peu éreintée. Je mets ça sur le compte de leur énorme tournée européenne débutée plusieurs mois en amont. Reprenant tant Belfry que Close le set se déroule avec beaucoup de simplicité et dans un calme tout relatif ; le public étant enivré par les émanations de ce doom occult délivré par les enceintes. C’est chaud ( littéralement, comme musicalement), suave, délicat, imposant et éthéré. C’est Messa dans toute sa beauté.
Je fais un léger pas de trois pour me rendre sous le chapiteau voisin qu’est la Massey Ferguscène pour découvrir Cave In en live ( et approfondir ma connaissance du groupe, que je connais finalement assez mal). Bien mal m’en à pris puisque ce n’est pas du tout le bois dont je me chauffe. Le côté coquetant de Stephen Brodsky m’énervant au plus haut point, je ne resterais qu’une petite demi-heure, préférant me désaltérer au bar le plus proche. A l’aspect minaudant de Cave In, je préfère sans commune mesure la lourdeur crasse et torturée de Crowbar officiant sous la Dickinscène juste après.
Pas de surprise ici. On retrouve l’ambiance enfumée d’un concert de sludge doom à l’ancienne. Le public se restreint aux (vieux) initiés, les plus jeunes ayant préféré se dandiner sur les hypés de Rise of the Northstar, et honnêtement, c’est pas plus mal. Les cervicales encaissent le coup mais son rudement mises à l’épreuve.
A peine le sludge tortueux des gars du bayou terminé que je file sur la Mustage pour Converge. Pas le temps de niaiser, ni même de refroidir tout court. L’entrée en scène est aussi frontale que leur post HxC. Toutefois, cela ne suffira pas à réveiller les foules. Assez peu de slams, ni même d’animation dans la foule. Et ce n’est pas ‘All we love we leave behind’ qui aidera à réveiller le pare terre. Jacob Bannon s’égosille, s’exprime oralement comme corporellement, mais non. Cela ne prend pas. Il faudra attendre une bonne demi-heure pour que la machine s’inverse et qu’on retrouve enfin une ambiance digne de ce nom. Les gars de Salem commencent à vieillir (quoi de plus normal?) mais cela reste toujours autant plaisant de les voir sur les planches.
La fin de festival se fait sentir pour tout le monde. Y compris pour la sécurité de la Suppositor qui viendra se mettre en place en faisant la chenille et en dansant sur les Village People. Voir des marmules se dandiner en chantant Y MCA provoque toujours son petit effet. Au final, ça allait de paire avec l’humour des Américains de Dying Foetus venu nous péter les dents de devant avec leur brutal death/grind. Ce n’est pas forcément ma tasse de thé, mais le set coule tout seul (malgré quelques coupures sons) et j’y prends même un certain plaisir. C’est pour dire.
Je vais clore ces quatre jours intenses par Eyehategod et sa crasse internationale. Sa classe aussi. C’est lourd, crado, aviné (littéralement, Mike Williams débarquant sur scène avec sa bouteille de pif), mais tellement bon. Enfermé dans un bouchon de fumée aux fortes odeurs naturelles, le public est animé à l’unanimité, faisant slamer et danser tout ce qu’il trouve. Y compris des jambes en plastique ; Une vraie bonne ambiance donc.
Et c’est un réel plaisir que de finir là dessus.
Le Motocultor ne vole donc pas sa réputation. Il y a clairement des éléments à faire évoluer au niveau de l’organisation et particulièrement l’accès aux toilettes, dont je n’ai pas parler ici avant, mais qui est problématique et particulièrement pour la gente féminine. De nombreux point du festival se trouvent transformés en pissotières improvisées. On notera aussi l’accès au site qui peut-être problématique en cas de forte affluence comme ce fut le cas pour le vendredi ainsi que le manque d’information disponible auprès du staff. Un point info, c’est fait pour avoir des infos.
A l’inverse, Il est important de noter que le Motocultor est un festival à taille humaine et qu’il s’agit ici d’un énorme point positif. On peut donc y voir tranquillement une multitude de jolis noms dans une ambiance sereine et familiale. Le public n’est pas là pour la hype, mais bien pour la musique. Et cela aussi est, au final assez plaisant.
Cette édition 2023 n’est clairement pas chaotique comme certains aiment à le dire. On espère simplement que les leçons seront tirées pour l’année prochaine afin de pouvoir affirmer qu’enfin, le Motocultor prenne pleinement soin de son public.
8 COMMENTAIRES
AdicTo le 20/09/2023 à 10:27:24
Et beh, tu as vu du beau monde. J’en suis presque jaloux 😄. Beau reportage en tout cas!
Xuaterc le 20/09/2023 à 13:11:55
ouf, sacrée lecture. Du très beau taff, merci
el gep le 20/09/2023 à 14:03:59
Sacré repööört, vi !
Coilguns ont sans doute de l'humour, mais je pense que leur affirmation peut aussi être sérieuse: comme certains groupes, il leur est arrivé de composer un album seulement en arrivant dans le studio, me semble - il est dans ce cas impossible de jouer des morceaux sur scène au préalable, au contraire de cette fois-ci.
Freaks le 23/09/2023 à 03:28:14
Stylaxx! Merci Vince pour avoir occupé mon insomnie... il a du flow ce report ;)
Vincent Bouvier le 23/09/2023 à 08:15:38
Merci à tous. Je sais, c'est assez monolithique comme texte. J'ai manqué d'un peu de temps pour aérer l'ensemble...
Crom-Cruach le 23/09/2023 à 12:57:17
Skald a splitté ? Cool ça !
Vincent Bouvier le 23/09/2023 à 17:32:06
@Crom :Nope... Mattjö Haussy en a simplement fait partie... Il me semble que Skàld et en tournée actuellement. Pas de split en vue donc.
Crom-Cruach le 23/09/2023 à 18:20:01
Hrafngrímr est moins insupportable même si ça pompe les groupes phares.
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