MOTOCULTOR Festival 2024 - Le week-end de Vincent Bouvier

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Après une XIVeme édition et une première en terre carhaisienne au milieu de l’année 2023, il est désormais admis et ancré que le Motocultor est un festival finistérien. Lui qui promeut la langue bretonne (et désormais les brasseries) sous toutes ses coutures, quoi de plus logique ? Décrié et critiqué sur plusieurs points après cette édition 2023 aux allures d’un énième test, force est de constater que les leçons ont été tirées pour la suivante. Sans vouloir commencer par la conclusion, c’est aussi l’avis de beaucoup de personnes croisées sur le site. Ne me faites pas dire, ce que je n’ai pas dit. Tous les problèmes ne sont pas effacés, mais de très nettes évolutions (dans la disposition, la circulation, la restauration et autres) ont fait de ces quatre jours un moment des plus agréable, enfouis au cœur d’un été des plus maussade.
La première des réjouissances a été de découvrir à l’arrivée, que la Supositor Stage (dédiée au BM et autres extrémités) avait déménagé à l’opposé de son emplacement initial pour venir se loger au côtés de la Dave Mustage et devenir, de ce fait, une mainstage. Belle fleur faite à ces genres et sous-genres souvent relégués aux petites scènes d’initiés. Mais c’est d’abord sous la tente de la Dickinscène que je me rends, après avoir fait un rapide tour du site et pris un running-order (qui, cette année, avaient été livrés à temps ; je vous dis, cette édition 2024 est faite d’agréables surprises).
Jeudi
C’est donc sous le fameux chapiteau blanc que débute ce long marathon de 4 jours avec les américains de Shy, Low et leur post metal qui n’est plus forcément nécessaire de présenter.
Le quatuor, dans le roster de Pelagic depuis la sortie de Snake Behind the Sun en 2021 nous apparaît concentré. Peu bavards, les gars de Richmond, jouent leur set sans accrocs, portés par un son de bonne qualité et très bien équilibré. La fosse se remplit rapidement et atteint une jauge honorable et respectable pour une ouverture de festival. Le groupe se débride et anime son jeu au fil des pistes, le public le lui rendant bien, acclamant longuement le quatuor à la fin de celles-ci.
La demi heure passe très (trop) vite et j’utilise les 5 minutes de battements entre chaque set pour traverser le site. Et c’est honnêtement, il n’en faut pas moins pour passer de la Dickinscène aux scènes principales). Pas le temps de niaiser donc et je file directement devant la Supositor, (qui, comme dit précédemment, est devenue une Mainstage), pour les américains de Uada, dont j’attendais beaucoup. Mes attentes se feront douchées, et pas seulement par le crachin qui se met à tomber à l’arrivée des chevelus encapuchonnés. Une (trop) longue intro se terminant dans un petit panache de brouillard et le quatuor déroule son set sans vraiment de conviction. Le jeu de lumière aussi riche et varié qu’une mono diète n’aide pas à rentrer dans l’ambiance. L’horaire ( 16 heures) non plus d’ailleurs. On mettra ça sur le compte de la tournée dans laquelle ils étaient lancés. Ils étaient la veille même au Midgardsblot, en Norvège, pour partir en Italie le lendemain. Uada à fait un passage éclair qui ne laissera pas un souvenir impérissable. On retentera une prochaine fois.
Je n’attends même pas la fin de leur set pour aller vagabonder dans l’attente de Moundrag. Je passe donc par hasard devant la Massey et tombe sur la fin du set de Grandma’ ashes, powertrio parisien et féminin qui resplendit et d’énergie grunge et de hargne punk. Les trois dernières pistes auxquelles j’ai pu assister me font une excellente impression ; suffisamment pour me promettre de guetter et d’explorer la discographie du groupe une fois rentré.
Je comble un petit creux dans mon R-O par un passage au merch, histoire de voir les nouveautés de LADLO, Frozen Records et autre label de « toute bonne facture », comme dirait l’autre avant de me positionner pour Moundrag et leur musique d’un autre temps. Et ce n’est pas peu dire. La fratrie de Paimpol vit, pense, mange et respire (et joue donc) 70’s. J’ai la sérieuse impression de voir le Floyd et Black Sabbath réunis sur scène. L’expérimental psychédélique teinté de chaude noirceur est donc au menu de leur set. L’excentricité (et/ou l’excitation) du batteur pimente largement ces trois-quarts d’heure et se dégage alors de la scène une douce vibration. Une « good vibe », diraient les moins de trente ans (je crois). Le duo nous fera le plaisir et l’honneur de jouer une exclu au milieu de leurs improvisations faisant toujours mouche.
Je quitte donc cette bulle de « feel good music » en même temps que la foule, sourire accroché pour passer aux choses sérieuse. LE show du jeudi que j’attendais avec impatience se déroule sous la Dickinscene.Je veux bien sûr parler d’Emma Ruth Rundle, qui fait une halte en terre bretonne au milieu de sa tournée européenne (avec, comme seule autre date française celle du Petit Bain à Paris, deux jours plus tard, dont Moland nous a fait le report).
La tournée vient célébrer les 10 ans de Some Heavy Ocean. Pas de piano donc. C’est baignée dans une intense lumière bleue, perdue dans le brouillard qu’ERR commence son show devant un pare-terre pas spécialement fourni. Deux bonnes centaines d’initiés sont tout de même venus voir les délicats arpèges et ce timbre vocal si particulier. Elle finira par balayer, à partir du milieu du set, le restant de sa discographie. Ayant troqué sa guitare acoustique contre une électrique, elle interprète, entre autres, "Darkhorse" sur On a Dark Horse ou "Marked for Death" issu de l’album du même nom. Le public, silencieux, se laisse guider dans les méandres de la psyché torturée de l’oratrice. Retour à l’acoustique pour clôturer son set par un " Real Big Sky ". Quittant la scène par un timide mais pas des moins respectueux « Have a good night », ERR s’échappe discrètement sans que les demandes de rappels de la part du public ne puissent être exhaussées. Impitoyable loi des festivals.
Direction l’espace restauration afin de se sustenter. Ô joie.
Parce que beaucoup de choix. Parce que peu d’attente.
Je profite de ce temps pour lorgner sur le set de Sacramentum, perché sur ma butte surplombant les deux mainstages avant de me placer pour Deicide qui officient sur la Dave Mustage juste à côté. Pas de surprise ici : Lumière rouge, comme à leur habitude. Bonne ambiance. Slam et Wall of Death à tire-larigot au programme. Deicide en live, c’est la valeur sûre, stable et intemporelle. La preuve par la foule imposante venue les voir malgré leur passage l’année dernière sur la Supositor.
La nuit commence à tomber et je fais le pas de trois pour rejoindre ladite Supositor pour Venom Inc. que je n’avais jamais eu l’occasion de voir. Le set est nerveux, huilé et … clairement bien rodé. Dolan, lèvres accrochées à un micro volontairement surélevé, crache son heavy/speed/trash à plein poumon battu par les claquement de sa basse. Ça joue vite, ça joue fort et ça pue la crasse doublée de vielle bière au fort relent d’asphalte. En un mot : Parfait.
C’est aux premières notes du mythique « Black Metal » qu’un énorme brouillard jaillit sur scène. Il ne serait pas étonnant qu’à ce moment du concert, on ait perdu quelques crânes dégarnis, soit d’une attaque cardiaque due aux effets visuels, soit d’une attaque cardiaque due à une éjaculation trop intense. Parce que oui, c’était quand même à voir au moins une fois dans sa vie.
Dernière traversée du site pour aller sur la Dickinscène et changement radical d’ambiance avec le rock expé un tantinet hautain mais tellement classe de Crippled Black Phoenix (le caractère hautain ne serait-il pas une composante sine qua non de tout ce qui touche de près ou de le loin à l’experimental? Vous avez trois heures ; thèse, antithèse, synthèse).
Le jeu scénographique des anglais est impressionnant. Ambiance tamisée, hoodies et lunette noire. Le mystère est prégnant, la brouillard épais et le public muet. Comme absorbé. Absorbé par un son de qualité, tant du point de vue technique qu’artistique. La Dickinscène avait définitivement une acoustique de toute bonne facture. La nuit est maintenant totalement tombée depuis un moment, les rêveries s’animent et les joyeusetés éthyliques résonnent sur le site.
Il est temps de clore cette première journée. Kverlatak, programmé sur la Massey à la suite de CBP, ce ne sera pas pour cette année. Les jeunes et fougueuses années sont derrières moi.
Direction le parking van pour reposer le corps et l’esprit après cette bonne mise à l’étrier que fût ce jeudi.
Vendredi
Quoi de mieux que l’eau pour se réveiller ? Non, ce n’est pas un énième conseil de ta tante Marie Jeanne qui en est à son 43eme régime en monodiète depuis le début de l’année. Ni même JCVD qui ferait un éventuel come-back. Non, c’est simplement la météo un poil capricieuse qui s’est installée dans le centre-bretagne ce vendredi matin. Et au final, c’est juste ce qu’il fallait pour rafraîchir les ardeurs de Karras, venus ouvrir le bal sur la Mustage. Il y avait foule au stand de café à l’ouverture du site, mais il n’était pas nécessaire d’en prendre ce matin. Le set ultra tendu et nerveux du power trio parisien a mis tout le monde d’accord. Les multiples circle pit n’ont fait que grandir tout au long de ces trois quart-d’heure durant lesquels on ne savait plus trop si c’était du crachin ou du crachat qui nous tombait sur la face. Diego Janson interpelle la foule à de multiples reprises ; cette dernière répondant à tous ses appels et particulièrement lors de la reprise de "Scum" de Napalm Death. Les pieds dans la boue, la gueule dans le pit : Bonne ambiance donc.
On reste dans le set de qualité avec les Belges d’Hippotraktor venus nous présenter Stasis, leur dernier-né. Présentation rapide puisque la majorité des pistes sont issues de Meridian. La bande de cabris nous déroule tout de même un set de furieux, empli d’une énergie à réveiller les comateux. La sympathie (et l’humilité) des Belges rend la communication très facile avec le public.
Après un rapide passage à l’espace restauration, je me positionne pour les fous furieux d’Hexis. Et c’est pas peu dire. Filip et sa bande de Copenhague sont clairement venus là pour la bagarre. Jog, K-way et banane à l’ancienne. Un court instant, j’ai cru à une erreur ; m’être trompé de scène ou à un technicien venant nous annoncer que le concert était annulé. Mais, il n’en est point. Le petit gaillard avec une tête de premier de la classe empoigne le mic et nous dégueule une hargne sans nom, d’une violence, il faut le dire, assez rare. L’ambiance est… « bovine ». Mais plus ESB que toilettage mignon dans la paille, vous l’aurez compris. C’est malsain, affolé et affolant et sans aucune esthétique. Pas de scéno et très peu de jeu de lumière. Violence à l’état pur. Il y a un petit quelque chose de cathartique à l’affaire qui n’est pas pour déplaire et au vu des nombreux circle pit (qui ont démarré dès les premières notes, à l’appel du frontman), je ne suis pas le seul à m’être défoulé. Je ne le sais pas encore sur le moment, mais ce set culminera dans le top 3 des set marquant de cette édition.
Changement radical d’ambiance sous la Dickinscène avec l’électro/théâtro/pagan de Wildima, qui pour le coup, me laissera quelque peu de marbre. Je peux parfaitement entendre que cela plaise à certains, mais ce n’est pas mon cas. Et j’ai pourtant essayé, mais les simili de rituels symbolico/psycho/païen entourés de personnes masqués sur des rythmiques électro, ce n’est pas pour moi. Peut-être n’était-ce pas le bon moment pour apprécier. Je regarde tout de même le soutien à Paul Watson (qui s’était fait arrêté quelques jours auparavant) avec la "Danse des Baleines" avant de migrer faire un tour au merch pour finalement me positionner devant les très attendus 1914, qui n’avaient pu venir l’année précédente pour les raisons que l’on connaît tous désormais.
Et du monde, il y en a à attendre devant la Supositor bien avant le début du set des Ukrainiens. Les quatre musiciens sont plus qu’acclamés à chacune de leur arrivée, tous parés de leur costume militaire respectif puis le silence se fait lorsque le frontman, arrive, d’un pas d’une lenteur exagérée, vêtu d’un tablier et recouvert de boue. Le jaune et bleu du drapeau ukrainien qu’il tient dans la main tranche avec le vert kaki, le noir et le blanc dominant la scène. Il reste statique, tête baissé pendant de longue seconde avant de commencer un laïus dont la conclusion est « : Fuck War, Fuck Imperialism, Fuck Putin ! » avant de se faire ovationner. Le set peut commencer et s’enchaîne alors une flopée de titres tout aussi bons les uns que les autres : " Arrival. The Meuse Argonne" ou " Mit Gott für König und Vaterland "pour ne citer qu’eux. Je regrette simplement ne pas entendre " C’est mon dernier pigeon ".
On notera, au milieu du set, l’énorme traversée du frontman dans la foule, de la scène jusqu’à la tente des ingé-son aller-retour, toujours avec cette démarche cadavérique, apathique, les yeux fermés. L’ambiance devient un peu plus pesante, pour ne pas dire très lourde.
Le discour de remerciement (envers la France pour son soutien à l’Ukraine) du guitariste finira d’achever tout le monde.
Retour direct sous la Dickinscène pour l’américaine Myrkur. Ou du moins une partie de son set, puisque ce dernier n’arrivera pas à me convaincre. Ce vendredi n’était décidément pas la journée du pagan.
La foule est venue en nombre. Suffisamment pour qu’il n’y ai plus de place sous le chapiteau. Ne connaissant pas sa discographie sur le bout de doigts, je me laisse aller, en partie, à la découverte. Découverte, qui, en toute honnêteté, ne me fera ni chaud ni froid. Je suis assez peu réceptif au côté « sucré » et « tiré à quatre épingles » de la chanteuse. Même si ça prestation est propre, carrée et sans accroc, je n’arrive pas à adhérer à ce côté très propret. Les cinquante minutes sont assez longues et le mélange des genres que la chanteuse pratique ne suffira pas à balayer l’ennui qui m’a assez vite envahi.
La jauge d’énergie commençant à diminuer dangereusement, la pause à l’espace restauration est décrétée. La multitude de stands permets d’éviter des files d’attente interminable ( toute proportion gardée, on reste dans un festival) et donc de profiter du set de Left To Die, assis sur la bute sur-plombant les deux mainstages. Je regarde donc ce tribut-band d’un œil, reposant pied et esprit avant le set très attendu d’Opeth.
La nuit est tombée, le site s’anime telle une fourmilière, éclairé de toute part, tremblant de vrombissement. Sans surprise, beaucoup de monde attend devant la Dave Mustage pour les Suédois, clôturant ici leur tournée européenne débutée fin juillet par le Wacken. La scénographie est vraiment impressionnante, faites de plusieurs étages, tel des rizières, couplée à un jeu de lumière digne d’un Nouvel An chinois. Mikael Akerfeldt toujours avec beaucoup d’humour va passer son temps à interpeller le public, parfois en lui faisant quelques menus reproches, mais toujours avec délicatesse. Le set, orienté vers les premiers albums de leur discographie, reprendra même du Napalm Death (décidemment!) avec " You Suffer ".
Je laisse de côté le set d’Igorrr, attendu par beaucoup de monde ; la fatigue me rappelant ma vieillesse naissante et je pars donc m’endormir aux doux sons syncopés des compositions électro de Gautier Serre.
Samedi
C’est sous un soleil convainquant et annonciateur de belles chaleurs que ce samedi commence. Le sol, encore détrempé ne mettra pas longtemps à retrouver une consistance digne d’un mois d’août. Après un rapide passage au stand de café ( et avant qu’il ne soit pris d’assaut ; oui, un seul stand de café pour un festival de ce gabarit, c’est trop peu) et je me positionne pour les Rennais de Fange, venant défendre leur dernier opus, Perdition sorti au printemps dernier. Au vu de la qualité de leur discographie, j’avais peu de doutes sur la qualité de leur prestation. A peine rentré de l’Arc Tangent, le quatuor n’a qu’un seul but : exprimer son agressivité. Et il le fait très bien. Mathias Jungbluth se lance corps et âme dans un maëlstrom de violence sans jamais avoir peur de se fracasser le crâne à coups de micro. Pas de décor, peu de lumière. Aucunement besoin ni d’artifice, ni d’artefact. A la manière d’Hexis, la violence comme spectacle (et comme catharsis) se suffit à elle-même. Dire que ce set était une grosse poutre est un euphémisme. C’était un bélier sculpté, ornementé d’or et de rage.
Donc autant vous dire que le set suivant sous la Dickinscène m’a paru un tantinet… fade. L’écart était trop grand pour que j’apprécie pleinement le rock/pop/indé de Lysistrata, malgré un final tout en puissance. Question de timing. Le trio avait pourtant un pare-terre bien garni.
Je passe donc sous la Ferguscène pour les, personnellement très attendus, Danois d’LLNN et leur charismatique frontman Viktor Kaas. Charismatique oui. C’est bel et bien le terme adéquat vu l’énorme introduction (« The Horror ») qu’il nous a présenté ici. Seul sur scène, vociférant de tout son être, s’animant d’une bestialité à la frontière du chamanique et de la folie. Puis la lourdeur astrale qui leur sied si bien empli la scène couverte au son d’ "Imperial ". Les Danois savent ce qu’ils font et le font très bien. Le devoir m’obligeant (l’interview de Fange), je partirais sur " TETHERS ", qui précisions faites de Viktor Kaas lui même, est très importante pour eux, sans donner plus d’explication. C’est à regret que je quitte la fosse mais en ayant tout de même le sentiment qu’LLNN s’inscrit dans la durée. Pour les avoir vu au HF 2022, la qualité de leur set ne fléchit en rien. Et c’est une bonne nouvelle.
C’est donc après cet interlude à l’espace presse que je me rends devant la Supositor pour le Metal Noir et glacé de Rüyyn. Magnifiquement grimé, Romain Paulet et ses acolytes de scène sont venu nous présenter leur Chapter II, sorti à la fin de l’automne dernier. Peu de surprise mais beaucoup de plaisir. Le set est propre. le son aussi. La double martèle. Les guitares tranchent. Que demander de plus, à part un set plus long ?
Place au grecs de Villagers of Ioannina City sous la Massey, que je ne connais que vaguement, malgré l’engouement de certains dans l’équipe pour le quintet d’Épire. Les quelques banderoles tenues à bout de bras et rédigées en grec qui jalonne la fosse de-ci de là me laissent à penser que certains les attendent de pieds fermes. Le set, démarrant par des cris de loup, sera malheureusement perturbé par des problèmes de son et particulièrement au niveau de la clarinette qui est qui est quasi inaudible. Il en va de même pour la cornemuse. Coup dur pour un groupe dont l’un des principaux intérêts réside justement dans un éventail d’instruments typiques et traditionnels de la région du Bosphore ; le tout couplé à un rock stoner psychédélique aux riffs hypnotiques. Ça n’empêchera pas la foule d’agir comme un seul être et de déborder d’énergie, galvanisée par un bassiste les appelant toujours plus à crier et slamer. Le set se terminera en apothéose dans un puissant concert de riffs et de saturation digne des plus grands noms du desert/stoner. Excellent.
Je traverse à nouveau le site pour la grosse poutre américaine de la soirée : Exodus et son trash bien emballé. Autant vous dire, et je pense sincèrement que vous vous en doutez, mais la sécu s’est choppé quelques sueurs avec ce flot continu de slamers leur arrivant dessus et de toute part, du début du set jusqu’à sa dernière note. C’est qu’ils envoient les vieux briscards californiens ! Les cinq interpréteront une bonne partie de leur premier album ainsi que ceux sorti depuis que leur line-up est stable avec le re-re-retour de Steve Souza au micro. Ce fut donc un énorme plaisir de, pendant presque une heure, à se faire marteler les tympans ; les potards étant, bien évidemment, tous dans le rouge.
Petite pause « féculent » histoire de reprendre des forces ( Point culinaire : le sandwich à la tartiflette, que j’ai découvert ce jour, est une ressource miracle dans des conditions telles que celles d’un festival) avant le metalcore prog’ groovy des Ukrainiens de Jinjer. J’entends déjà certains d’entre vous décrier ce choix mais 1° - tout le monde à ses plaisirs coupables 2° Entre Jinjer et Bernard Minet sous la Dickinscène, le choix est vite fait.
Je me laisse aller à ce plaisir coupable donc (et puis, pas si coupable que ça. Les lignes de basses sont pas si dégueulasses) en même temps que bon nombres des festivaliers présents ce soir. Le quartet est très attendu et malgré quelques problèmes de retours, offrira un set de très bonne facture. Les grands classiques y passent : de "Pisces" à "Perennial". Les Ukrainiens ne prennent pas de risques et jouent la tranquillité, mais assurent le show par un jeu de lumières à la hauteur de leur renommée. On regrettera simplement que tout soit centré sur Tatiana Schmayluk et laisse le reste dans l’ombre, de manière injustifié. L’heure passée sera tout de même des plus agréables.
La nuit ayant fini de tomber, c’est dans la pénombre que je me rends devant la Supositor, tenter de m’illuminer à la folie de Dødheimsgard.
Folie. Le terme le terme n’est pas volé. La prestation du frontman est un poil déstabilisante. Colorée, déstructurée, bouleversante. On est ici bien loin des standards attendu du genre. Et c’est tant mieux ! Rarement vu quelqu’un mettre autant mal à l’aise en imitant simplement le vol d’un oiseau le sourire aux oreilles. D’ailleurs, le gaillard finira par monter sur les structures, au grand damne de la sécurité. Son arrivée aurait pu nous mettre la puce à l’oreille. Jean, basket, enrubanné d’un linceul aux broderies d’or et lové dans un écrin d’encens, jetant de la poudre aux autres membres du groupe tout en violentant le gratteux. Telle est la manière dont il nous est arrivé sur scène. Cramé du ciboulot, je vous dis. A l’image de leur dernier opus, Black Medium Current.
C’est sur ce set ultra coloré que je clôturerais cette rude journée. Direction le camion pour définitivement rentrer dans le monde onirique.
Dimanche
C’est après une quadruple rasade de café à couper au couteau que je commence cet ultime effort pour cette édition 2024. 11 concerts programmés sur ce dimanche en commençant par les Lorientais de Black Bile, venus ouvrir sous la Dickinscène.
Et quelle bonne surprise de bon matin de voir la noirceur si bien s’exprimer. La frontwoman, ondule au milieu de ces acolytes, déversant sur la foule tantôt la foudre, tantôt la bruine. Après une première sortie, Oratoire, positivement remarquée, l’exercice du live est ici confirmé. Black Bile est définitivement un groupe à suivre de près.
Changement total d’ambiance avec les Texans de Duel, venu jusqu’ici nous caler dans les narines l’odeur d’asphalte, de poussière et de vielle bière. Les quatre d’Austins maîtrisent la question et nous assènent la gueule de leur riffs dropés. C’est lourd, puissant, rapide et nerveux. Que vouliez vous attendre de plus de Duel ? Un petit déj ? C’est plus ou moins ce qu’il nous amène avec Breakfeast with Death. Le public répondra présent et s’éveillera au son de cette énergie débordante. Bon set qui laisse des traces donc. (Vous avez le jeu de mot?)
Sans plus attendre, direction la Supositor pour le BM révolutionnaire de Griffon. Révolutionnaire car le dernier opus , De Republica, composera la moitié de leur set. La démarche atoniqe et cadavérique d’Aharon, couplé à sa prestance donne une atmosphère très particulière au set des Parisiens. Convaincant, le quatuor enflamme un public déjà acquis à la cause.
Et de public acquis à la cause, celui de Night Verses l’était tout autant. Il faut dire que le trio de Los Angeles ne lésine pas sur l’énergie donnée. Quoi de plus normal pour un batteur de jouer debout… .. sur sa batterie. Leur alt/prog metal résonne jusqu’au confin de la Massey, emportant avec lui une bonne partie de la foule, cette dernière répondant avec un entrain débordant aux multiples appels du groupe. Les soli s’enchaînent, la technique est démontrée, l’énergie déployée. Les californiens repartent en laissant derrière eux une très bonne impression.
On reste dans la veine alt/rock prog avec Monkey3 sous la Dickinscène. Leur flagrant amour du Floyd se fait ressentir jusqu’au bout de leur doigt. Leur dernier album, Welcome to the Machine, en est une preuve et une référence flagrante. Les Suisses, perdus dans un nuage de fumée ( qui n’est pas seulement dû au brouillard artificiel, mais aussi aux substances consommées sur scène) nous envoient loin dans la stratosphère à coup de nappes et solo de synthé, de samples et de soli aériens. 45 minutes pour 4 pistes. Vous voyez le genre ?
Nous sommes donc déjà très loin quand les Ukrainiens de Stoned Jesus entament leur set et font cracher les enceintes de leur puissant mais délicat stoner. Mise à l’épreuve pour Yurri Kononov ( ex White Ward) qui vient tout juste de remplacer Dimitri Zinchenko derrière les fûts. C’est à l’occasion de leur tournée des XV ans que les Ukrainiens se rendent au Motocultor. La qualité sonore de la Dickinscène nous permet d’apprécier toute la puissance des riffs, entrecoupés par de longs speechs en anglais du frontman.
Je termine cet interlude stoner avec les américains de Red Fang, toujours sous la Dickinscène pleine comme un œuf. Leur renommée les précédant, il fallait venir bien en avance pour qui voulait être au plus près de la scène. Inutile de vous préciser que les slams étaient de rigueur.Clôturant une intense tournée de 15 jours, les gars de Portland on tout donné, le public le leur rendant bien. De " Prehistoric Dog " à " Arrows ", les titres efficaces s’enchaînent comme une rafale. Il serait assez hônnete de dire qu’il y a une très bonne ambiance dans le pit.
Je quitte cette chaleureuse ambiance pour la Massey Ferguscène et le death melo de Black Dahlia Murder. La chute est brutale ; le quintet de Detroit n’arrivant pas à être convaincant. Le son pas spécialement dingue n’aidant pas à apprécier le moment non plus. Je vais être honnête, je suis pas vraiment fan du passage de Brian Eschbach derrière le mic’. Cela rends l’ensemble quelque peu… cartonné. Dans les deux sens du terme. Le public restera globalement statique lui aussi. Je quitte les lieux bien avant la fin de leur set et m’épargne une désagréable sensation de malaise. Je prends donc le set de Gorgoroth en cours, ayant changé leur créneau avec les Grecs de Rotting Christ, qui passeront donc en fin de soirée.
Assez discrets et avares de concerts, avoir une occasion de voir les norvégiens à clou était une réelle aubaine. Alors, oui, cela fait dix ans qu’ils n’ont rien sorti. Mais il leur est facilement aisé de piocher de belles cartouches dans leur discographie longue de 25 ans. Et puis c’est Gorgoroth. (Je suis entièrement d’accord ; ce dernier argument manque de détails). Baignant dans une lumière intensément et profondément rouge, le quintet déroule l’artillerie durant une petite heure. " Forces of Satan storms ", " Prayer " ou encore " Destroyer ". Autant de titres qui reviennent sur l’histoire du groupe. Même si je dois avouer avoir une préférence pour la période Gaalh au chant, il faut reconnaître qu’Atterigner se défend plutôt bien sur ce poste.
La furie furieuse résonne encore entre mes deux oreilles que je cours me placer pour la grosse tête d’affiche de la soirée ( et, à mes yeux de cette édition 2024) : Les Suèdois de Meshuggah.
Conclusion d’une mini tournée aoûtienne de quatre dates leur permettant d’écumer les gros festivals européens (Summerbreeze, Arc Tangent et Helsinki Metal Festival), la date bretonne était donc l’occasion rêvée (et unique) de se désaler les esgourdes aux doux sons de leur musiqualgorithmique. Et pour le coup, les cinq d’Umeå n’ont pas lésiné sur leur prestation. On parle parfois de Deutsche Qualität dans l’industrie automobile.
Peut-être pourrions nous parler ici de « Svensk kvalitet ». Après une longue intro faite de nappe de synthé et d’obscurité, le groupe, disséminé sur plusieurs niveaux démarre avec " Broken Cog " dans un jeu de lumière syncopé époustouflant. Les quelques épileptiques présents dans la fosse ont certainement finis en PLS. Le son est très bon, le jeu de lumière impressionnant : c’est absolument jouissif. Et j’ose le terme. Les titres s’enchaînent comme les grains de chapelet entre les doigts mère Térésa, baignant dans ce maelstrom de couleurs.
Le set se finira en apothéose avec le magnifique " Bleed " puis, comme pour nous achever, " Demiurge ".
L’affiche de cette édition 2024 fût, une nouvelle fois et pour notre plus grand plaisir très éclectique. Sa qualité est indéniable et nul besoin de revenir ou tergiverser dessus. Par contre, il est notoire que l’organisation s’est améliorée. Je ne dis pas qu’elle est irréprochable et, de toute manière, ne suis pas informé de tout les éléments non plus mais, de ma hauteur et de l’expérience faite lors de ces quatre jour, la vie dans l’enceinte était beaucoup plus agréable que précédemment. Le trafic est plus fluide, les running-orders sont arrivés à l’heure, les toilettes étaient suffisantes, les files d’attentes pour manger raisonnables. Pour boire aussi d’ailleurs. Des distributeurs automatiques « cashless » ont été disséminés partout sur le site afin de soulager les différents bar. Bref, à ma connaissance, cette édition s’est déroulée sans accrocs majeurs. A voir si cette dynamique perdure.
12 COMMENTAIRES
cglaume le 23/10/2024 à 01:42:47
Ça fait envie !
Vincent Bouvier le 23/10/2024 à 10:59:55
Viens!
😅
cglaume le 23/10/2024 à 11:59:12
Avec quelqu'un qui ne reste pas écouter Igorrr, j'hésite 😝😉
Moland le 23/10/2024 à 12:09:08
Cette affiche de malade, n'empêche...
Et je remarque que le chanteur de Fange arbore 1 t-shirt de l'un des meilleurs albums de Coil, indispensable dans l'histoire de la musique industrielle. A Bourlon, il portait du Swans. Que des goûts de bon aloi !
A part ça, cool, les images.
Vincent Bouvier le 23/10/2024 à 12:09:37
Ahah!
Tu pourras y aller avec Aldo, il y est resté lui... :)
Vincent Bouvier le 23/10/2024 à 13:03:19
@momo : des gars bien jusqu'au bout 😄
Merci pour les photos :)
Crom-Cruach le 23/10/2024 à 18:16:05
Super report et superbes photos
el gep le 24/10/2024 à 00:16:56
Je confirme !!!
(et sinon pour répondre à la question ''le caractère hautain ne serait-il pas une composante sine qua non de tout ce qui touche de près ou de le loin à l’experimental? Vous avez trois heures ; thèse, antithèse, synthèse'': NON, du tout.)
Crom-Cruach le 24/10/2024 à 22:42:43
C'est chiant les questions autres que bière ou pinard.
vjgeo le 25/10/2024 à 11:34:26
Un album photo s'impose !!! à diffuser hors initiés.
Monkey3 D et Night Verses , quel pied sans substances ...... vite 2025.
bravo l'artiste.
Xuaterc le 02/11/2024 à 13:51:18
Hexis über alles!
Aldorus Berthier le 05/11/2024 à 15:05:35
@Vincent / @Cglaume : Ah ça oui, j'y suis resté... Littéralement dans tous les sens du terme 😓
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