Villagers Of Ioannina City - Interview du 10/11/2023

Villagers Of Ioannina City (interview)
 

Nous sommes avec Alex, le chanteur et guitariste du groupe. La 1e fois que je vous ai vus, c'était au Hellfest. Pour un show intense. Quel souvenir gardez-vous de votre passage à ce festival ?

 

Alex : c'était génial. Un des meilleurs festivals au monde, avec un accueil au top, et un professionnalisme remarquable. Nous sommes restés le jour d'après pour profiter de quelques concerts. Guns'n'Roses, Metallica, Mercyful Fate.

 

Bon, entrons dans le vif du sujet. Ma 1e question concerne votre nom. Comment le prononce-t-on correctement ?

 

Alex : vous devez prononcer toutes les voyelles : I-O-A-NNi-Na. En grec, vous prononcez toutes les lettres que vous rencontrez. Pas comme en français où vous ne prononcez pas toutes les lettres d'un mot.

 

A ce propos, j'ai une question idiote. Vous vous présentez comme des villageois, or dans votre nom, Ioannina est elle-même présentée comme une ville. Pourquoi le nom du groupe n'est-il pas plutôt Citoyens de Ioannina City plutôt que Villageois ?

 

Alex : C'est très simple, en vérité. Ioannina est construit dans les montagnes, et est cerné par de nombreux villages. 99% des gens vivant à Ioannina viennent en réalité des villages environnants. Donc, en réalité, les habitants de Ioannina s'avèrent être des villageois. Quand vous dites que vous venez de Ioannina, immanquablement, on vous pose une seconde question : "De quel village ?" Le nom de notre groupe n'a rien de bien profond, dans le fond, c'est un nom amusant qui nous est venu à l'esprit, quand on était jeunes, mais nous l'aimons bien. Nous sommes donc des villageois vivant dans la ville de Ioannina. CQFD.

 

Votre nom aurait pu être encore plus long, donc ?

 

Alex : (rires) Oui ! Il s'agit là de la version courte de notre nom de groupe.

 

villagers of ioannina city 1

 

Votre nom est dans la langue de Shakespeare. Or, votre 1e album est chanté en grec. Pourquoi choisir un nom en anglais ?

 

Alex : Je ne sais pas trop, c'est assez commun de choisir un nom en anglais, ça se faisait déjà dans les 60's, les 70's. Même quand les artistes grecs chantaient dans leur propre langue. A vrai dire, quand on a commencé à faire de la musique ensemble, on jouait du metal-core, du thrash. On chantait en anglais. A un certain moment, on a commencé à incorporer des éléments folkloriques de notre propre culture. On a commencé à chanter en grec tout en continuant à écrire des paroles en anglais. On n'a pas décidé dans quelle direction linguistique notre musique allait s'orienter, c'est venu naturellement.

 

Choisir un nom géographique pour le groupe, cela signifie que vous accordez une certaine importance à la notion de racines, n'est-ce pas ?

 

Alex : Pour tous les aspects de la vie, les racines restent importantes, je pense. Mais vous n'avez pas à rester scotchés auxdites racines, il faut grandir, en quelque sorte, s'en éloigner sans les oublier. Les racines sont les mêmes mais chaque fleur est unique. Ce point de vue s'applique pour la vie en général, pas uniquement pour la musique. Quand vous êtes jeunes et réfléchissez à trouver un nom pour votre groupe, vous ne cherchez pas forcément une certaine profondeur sémantique, mais Villagers of Ioannina City est devenu un nom important à présent pour nous car il représente notre vie. Notre famille. Tu peux estimer qu'il s'agit d'un nom relativement stupide, mais si on compare à d'autres groupes, je sais pas, Iron Maiden, par exemple, c'est pas foufou comme nom, mais personne ne dissocie ce nom du groupe lui-même, et finalement, ça claque.

 

Kiss (bisou !), c'est nul, comme nom, non ?

 

Alex : Kiss, c'est le meilleur nom de groupe possible ! (Rires) Quoi qu'il en soit, le nom que vous choisissez, il vous colle à la peau, vous ne pouvez pus en changer, alors vous apprenez à l'aimer. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas choisi le nôtre pour une quelconque promotion culturelle. Nous ne l'avons pas prémédité ni conceptualisé, mais il est vrai que notre nom nous renvoie à nos origines et fait écho à notre musique elle-même.

 

villagers of ioannina city

 

Parlons de musique, à présent. La vôtre se montre particulière, notamment par l'utilisation d'éléments folkloriques. Ils apportent une touche d'originalité à un groupe de stoner, si on peut vous ranger sous cette étiquette.

 

Alex : je parlerais plutôt de heavy rock. Dans notre musique, vous pouvez entendre du stoner, du heavy-metal, du rock progressif... Nous jouons dans les graves et nageons dans le fuzz, et en effet, on s'approche du stoner, ce qui nous a permis de jouer plusieurs fois au Desertfest, par exemple, à Berlin et à Anvers, mais je pense que notre musique propose davantage.

 

quels instruments apportent cette touche folk dans votre musique ?

 

Alex : Principalement la clarinette. D'origine française, d'ailleurs. Mais nous nous en servons à la manière de l'Europe de l'Est. Nous utilisons aussi la cornemuse. Mais pas la version écossaise, la nôtre ne comporte que 2 tubes un bourdon et un tuyau mélodique. On en trouve essentiellement dans les Balkans. Et on parle de gaïda plutôt que de cornemuse.

 

quand vous composez, comment intégrez-vous ces éléments folk au milieu des schémas essentiellement rock ?

 

Alex : Comme je te le racontais au début de cet entretien, à nos débuts, nous jouions du metal. A un certain moment, nous avons commencé à expérimenter. Tout en gardant les instruments traditionnels du rock (basse, guitares, batterie), nous avons commencé à composer ce que tu connais à présent, mais sans les instruments grecs. En écoutant ces sonorités folk, nous nous sommes dit qu'on pourrait improviser en utilisant des instruments plus traditionnels, et le résultat nous a plu. Alors nous avons creusé notre musique dans ce sens. Nous ne nous imposons aucune limite, jouer de la musique, ça relève du fun, alors nous ne savons pas comment notre musique va évoluer à l'avenir, mais il reste clair que nous continuerons à expérimenter.

 

Tu connais des groupes comme GOAT (les Suédois, pas les Japonais), qui mixe de l'afrobeat, du jazz et du rock psychédélique, ou encore The Levellers, qui, malgré une touche folk très présente dans leur musique, gardent une âme résolument punk dans leur approche de la musique ? Je trouve que Villagers of Ioannina City s'inscrit, d'une certaine manière, dans la même veine que ces groupes, qui, tout en allant à la croisée des genres, ne restent campés dans aucun.

 

Alex : Oui, je connais les 2, et j'aime beaucoup. The Levellers sont, comme tu le dis, davantage punk que folk. Et c'est en puisant dans la culture anglaise qu'ils parviennent à marier ces 2 genres. A l'opposé, la musique folk grecque n'a rien à voir avec le rock, c'est pourquoi notre musique peut peut-être sonner davantage folk.

 

villagers of ioannina city 2

 

Parlons à présent de la scène stoner hellène. J'ai visionné un docu qui recense quelques groupes essentiels de cette scène dynamique, tous possédant leur propre identité. Planet of Zeus, Puta Volcano, Naxatras, 1000 Mods, et votre groupe. Que penses-tu de cette scène ? Parce que moi, quand je découvre un groupe et que je sais qu'il vient de Grèce, j'y vois immédiatement un gage de qualité et ne peux m'empêcher d'aller y jeter une oreille.

 

Alex : Pour être honnête, je ne sais pas ce qui fait que la scène stoner grecque se montre si créative, mais évidemment que ça me réjouit. Il y a un public qui se déplace en festivals, dans les concerts, et nous avons la chance d'évoluer dans un pays où la dynamique rock se montre vivace. Le public, lui, apporte un véritable soutien, et ce soutien constitue le fuel qui donne l'envie de continuer. Je ne suis pas sûr, mais la créativité de ces groupes a peut-être quelque chose à voir avec la situation politique, sociale et économique du pays durant les dernières décennies. L'oppression, la récession, les crises sociales, peuvent galvaniser la création. L'art se nourrit de ces crises.

 

L'Art sauve !

 

Alex : Oui, il sauve. Il sert aussi d'exutoire. Il se bâtit sur un socle de souffrances.

 

Adonc, devons-nous souffrir pour créer ?

 

Alex : Haha, je ne sais pas. Sans doute.

 

Souffres-tu, toi ?

 

Alex : En tant qu'être humain, oui. Je souffre face au sentiment d'injustice, face aux inégalités du monde. Je ne sais pas si cela m'aide dans mon processus créatif, mais je sais que j'aime le blues, une musique qui parle de combats et de souffrances. Du reste, d'un point de vue strictement folklorique, 99% de la musique de ma région parle de douleurs diverses. L'art peut devenir le dernier rempart, le moyen ultime pour exprimer tes souffrances. Une façon aussi de s'échapper de la réalité qui part en vrilles. J'espère qu'un jour, nous vivrons dans un monde si harmonieux que nous n'aurons plus besoin de recourir à l'art pour exprimer une quelconque souffrance.

 

cela n'arrivera jamais, tu le sais ?

 

Alex : (rires) Oui, je le sais. Mais il faut demeurer optimiste, garder un oeil sur l'horizon, la direction, là où on espère aller. Pas à pas, étape après étape, petit à petit, on peut espérer du mieux pour la société et la planète.

 

Alors, parlons des paroles ? Quels thèmes abordez-vous dans vos chansons ? Il y a un titre, par exemple, qui s'appelle : "For the innocent".

 

Alex : Il s'agit de ceux dont nous parlions plus tôt. Ceux qui regardent vers la lumière, qui les guide vers une meilleure situation. "OK, c'est la merde, mais toi, mon frère, ma soeur, je veux te prendre dans mes bras et ensemble, allons vers la lumière". Cette chanson parle des humains qu'on réduit à des immigrés, des marginaux, des inadaptés... Pas besoin de se conformer à une norme, de devenir ce que j'associe à des robots, reste toi-même. J'aime bien, à titre personnel, ceux qui s'habillent de façon un peu bizarre.

 

votre discographie comporte 2 albums studio et 1 live. Un live après seulement 2 albums ? Est-ce à dire que vous vous considérez comme avant tout un groupe de live ?

 

Alex : Je pense, oui, même si j'aime le travail en studio, qui s'avère très différent. Un album, c'est un instant T de votre musique. Il la fige dans le temps, celle-ci restera telle quelle à jamais. En concert, la musique prend vie d'une autre façon, on peut la changer, en improvisant un peu, par exemple. La musique me sert à me déprendre de mes fardeaux. Et c'est en jouant ma musique, pas en l'écoutant, que j'y parviens. D'où l'importance du live. Là, nous effectuons notre dernière tournée avant d'attaquer un nouvel album.

 

Avant d'en finir, parle-moi de tes influences musicales.

 

Alex : Pour commencer, j'ai grandi avec la musique, j'en jouais déjà dès mes 5, 6 ans. Et du coup, je pense que mes influences viennent de tout type de musique. Mais si tu me demandes un top5, celui que je te fournirais aujourd'hui changerait demain et après-demain. Je place néanmoins Iron Maiden très haut dans la liste de mes influences. Pink Floyd représente beaucoup aussi dans mon parcours culturel. Ainsi que Tool. Si on pioche au rayon stoner, évidemment, je citerais Kyuss, Queens of the Stone Age... Tu peux ajouter Led Zep, Deep Purple, Judas Priest... Des noms qui relèvent de l'évidence, en vérité. Si tu me demandes quels groupes influencent directement ma propre musique, j'aurais bien du mal à te répondre, puisque je m'inspire de beaucoup de choses, et pas seulement dans la musique. Ceci dit, si on parle de perfection, de l'artwork au son, en passant par les compositions et les paroles elles-mêmes, je penserais à "Dark side of the moon". Tout relève de la perfection sur cet album, du mixage au concept, en passant par la couverture... Auquel j'ajoute "Lateralus" de Tool, pour les mêmes raisons. Ce sont 2 albums que j'étudie, que j'analyse, car ils constituent des exemples de ce à quoi la perfection peut ressembler.

 

Alex, chanteur guitariste de villagers of ioannina city

 

 

 

photo de Moland Fengkov
le 14/05/2024

2 COMMENTAIRES

Alias

Alias le 14/05/2024 à 11:07:34

Chouette interview pour un chouette groupe! Je les avais vus l'année passée et en live, c'est le feu.

Moland

Moland le 14/05/2024 à 18:28:58

Temps imparti relativement court mais très sympa, Alex. Et évidemment, excellent concert. 

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