GARMONBOZIA 25 ANS (Day 1) (Emperor + Enslaved + Saor + Regarde Les Hommes Tomber + The Great Old Ones + In The Woods... + Ved Buens Ende) le 27/10/2023, Le Liberté & L'Étage, Rennes
Emperor + Enslaved + Saor + Regarde Les Hommes Tomber + The Great Old Ones + In The Woods... + Ved Buens Ende
Vendredi 27 octobre 2023Salle : Le Liberté & L'Étage
Rennes
Fondée en 1998 à Rennes par Fred Chouesne, Garmonbozia (clin d’œil à Twin Peaks) – dénommé à l’origine Heic Noemum Pax (autre clin d’œil à … Mayhem cette fois-ci) – a apposé sa marque, en 25 ans d’existence, sur la scène Metal hexagonale, peut-être même au-delà, quand bien même les plus de 1000 concerts produits (de A à Z) l’ont été principalement sur Rennes, Paris et Nantes. Il faut dire que cette association est par ailleurs le facilitateur de bon nombre de tournées françaises ou européennes passant en France, sans oublier l’agent exclusif de plus de 100 groupes et artistes internationaux (au début, Opeth et Magma ont joué le rôle de mise sur orbite professionnelle). C’est à ce titre que j’ai pu, à titre personnel, bosser avec Fred pour le booking de la Seisach’ Metal Night #4 qui a intégré deux groupes de son roster français : The Great Old Ones et Necrowretch.
L’approche de cet anniversaire méritait largement de se retrouver à Rennes les 27 et 28 octobre dernier pour célébrer le quart de siècle de ce relais précieux, tout à la fois organisateur, superviseur et promoteur de la musique Metal en live ! Sans doute conscients justement de cette place désormais spéciale, Fred et la Team Garmon’ ont concocté un programme dantesque, qui a demandé 15 mois de boulot et qui a eu le grand mérite de ne pas avoir oublié les racines musicales de cette aventure, trempées dans la musique extrême.
De mon côté, la négo a été serrée, mais j’ai persuadé la p’tite famille de bouger quatre jours sur Rennes et ses environs (je vous conseille Bécherel, le merveilleux village du livre), en vue de m’extraire pour couvrir cet événement, mais pour une journée seulement...
Vous vous doutez bien que le Blackeux que je suis a naturellement porté son dévolu sur la première journée de cette noire célébration, de ce festival-passion, puisque les spectateurs pouvaient enchainer une guirlande impressionnante de groupes : Saturnus, In The Woods…, The Great Old Ones, Regarde Les Hommes Tomber, Saor, Enslaved et… Emperor ! Soit un programme rarement vu en France pour un festival en salle. Deux salles pour être plus précis, à savoir le Liberté, grosse fosse de 3000 personnes, un quasi zénith si on y intègre les travées latérales (fermées ce week-end-là) et l’Étage, une salle tout en longueur, plus petite (600/700 places) où il n’était souvent pas simple de déambuler (premiers installés, premiers servis). Les concerts s’enchainaient avec seulement quelques minutes pour effectuer la rotation, obligeant certains à quitter une salle avant la fin du concert, pour accéder à l’autre.
Le rez-de-chaussée était réservé au merch’ des groupes (qui a généralement fort bien marché, n’est-ce pas TGOO ^^) et à des exposants parmi lesquels on pouvait retrouver un éditeur (Les Éditions des Flammes Noires), quelques labels (dont Les Acteurs de l’Ombre dont le stand a été très fréquenté, tant mieux pour eux), ainsi qu’une poignée d’artistes (dont l’incontournable David Thiérrée). Le seul bémol a été la place modique accordée aux stands de bouffe dans l’enceinte même du Liberté/Étage : le très difficile accès sur site à la restauration le soir a eu raison en toute fin de soirée de mon énergie (mes buchettes de vie étaient déjà bien entamées six jours à peine après la Seisach’ #4), au point de ne pouvoir écouter dans de bonnes conditions le set du dernier groupe, à savoir RLHT, qui venait défendre pour l’une des dernières fois en France son album Ascension, avant de se s’enfermer en 2024 pour une prochaine offrande…
Saturnus et In The Woords… ont été les deux derniers groupes intégrés au running order du vendredi. Alors en pleine tournée « In The Storm » en compagnie de Foreshadowing, ils ont été chopés au vol par Fred pour occuper les premiers la scène de l’Étage. Marqué une partition impeccable de Thomas Jensen au chant et de Mika Filborne au clavier (notamment sur "I Long"), le live de Saturnus avec ses 4 titres seulement (il faut dire que les Danois pondent souvent des propositions dépassant les 10 mn…) a été sévèrement raboté pour rentrer dans le temps qui lui était imparti. Il débute sagement avec le morceau éponyme de The Storm Within, sorti en juin dernier chez Prophecy Productions. Et cela sera étonnamment le seul, puisque le sextet tape dans le vieux ensuite et je ne trouve cela que mieux, avec le "Empty Handed" de 2000 et le très beau "Christ Goodbye", extrait du premier album de 1997, l’un comme l’autre du pur Saturnus avec son Death/Doom mélodique tout à la fois lourd, élégant et ombrageux.
La première formation à connaître les heurs d’un passage sur la grande salle du Liberté est Saor et son Folk Black Metal atmosphérique. Le one-man-band d’Andy Marshall connait régulièrement un prolongement sur scène, surtout lorsqu’il s’agit de défendre de nouvelles compositions, même si – chose surprenante ici – Origins ne sera pas mis à l’honneur ce soir-là. Retrouver Saor sur un aussi gros plateau peut surprendre, mais ça l’a fait finalement, au moyen d’un immense backdrop, de quelques kakemonos bien dimensionnés et de musiciens valorisant toute la largeur de la scène. Ce ne sont pas les deux gratteux de session ou encore Andy (qui s’est gardé la basse et les cris) qui m’ont le plus accroché le regard et les conduits auditifs, mais la musicienne Ella Zlotos, dont le chant clair et épuré, d’une grande netteté, accompagné de nombreux instruments (Tin whistle, Low whistle, Uilleann pipes), a été d’un apport précieux, spécialement sur le joli "Carved in Stone". En outre, le set, et ce dès ses débuts avec le titre "Bròn", a été traversé par le talent et le … sourire du jeune suisse Dylan Watson, également batteur de Cân Bardd et de Kassoghta, qui a amené de l’énergie et de l’agressivité à ce Black paganisant parfois trop propre sur lui.
Pendant ce temps-là, les Norvégiens de In The Woods… étaient scrutés durant leur balance par une pelletée de fans qui trépignaient non sans hâte le long des crash barrières de l’Étage. Et ces derniers ont dû être rassurés lorsqu’ils ont entendu que deux morceaux du tout premier long-format de 1995, "Heart of the Ages" et "…In The Woods", ont été joués au début et à la fin du live. Mais la moitié du set était composée de titres du 6e et dernier album en date, Diversum, sorti en 2022 chez le renommé Soulseller Records. Le concert était agréable, parfois sirupeux, rarement hargneux, sauf sur le très bon "Empty Streets" où demeurent quelques riffs et cris BM. "…In The Woods" nous rappelle par ailleurs ce que In The Woods… a pu être, mais aujourd’hui c’est un Metal très progressif qui prédomine. Mais sa présence dans la programmation ne dénote pas du tout ; elle demeure même cohérente, dès lors que le concert d’Enslaved approchait…
La présence de la bande à Grutle Kjellson n’est pas une surprise, si l’on connaît sa proximité musicale et amicale avec Garmonbozia, qui a été et est toujours aujourd’hui (en dépit d’un bref interlude) son agent et producteur exclusif en France. Kjellson s’est même permis de rendre hommage à Garmon’, lui souhaitant un bon anniversaire, ce qui a été apprécié par le public. Orange Goblin fera de même le lendemain. On ne peut faire état de la rareté d’Enslaved dans l’Hexagone : présent au Tyrant Fest, dans le nord de la France, une semaine auparavant, ils reviendront à Paris et Montpellier en mars 2024 en compagnie de Svalbard et Wayfarer. Le Liberté était malgré tout bien garni, recevant d’abord un premier jet promotionnel de l'inégal Heimdal avec les morceaux "Kingdom" et "Forest Dweller" (suivra ensuite le morceau éponyme). Mon attention s’aiguise davantage lorsque se pointent le très bon "The Dead Stare" et l’incontournable "Havenless" et son YMCA à la sauce Viking, mais elle se délite avec "Isa". C’est à la fois la force et la fragilité d’Enslaved, en live comme en studio : on sait à quoi s’attendre désormais, les teintes musicales sont souvent les mêmes, mais cela n’enlève rien à la présence et l'épaisseur de Grutle sur scène, ainsi qu’au talent des musicos, en particulier d’Iver Sandøy derrière les fûts et au chant clair.
Coincés dans le running order entre deux géants norvégiens, The Great Old Ones étaient là pour défendre leur tout nouveau concept live : le ciné-concert The Call Of Cthulhu. Il s’agit là d’un gros projet, fruit d’un engagement de plus de deux ans, qui tire sa source de la célèbre nouvelle lovecraftienne mise en image et en son dans un film indépendant de 47 mn daté de 2005, produit par Sean Branney et Andrew Leman et distribué par la H.P Lovecraft Historical Society. Après Jenx, TGOO s’y colle avec une bande-son originale, instrumentalisée (zero chant) et jouée à 100%. Aucun sample n’est rajouté, Ben s’occupant en live de toutes les parties de claviers. Quel plaisir d’être là en simple spectateur, car vous n’êtes pas sans savoir que la première de ce ciné-concert a été jouée chez ouam en Gironde, une semaine auparavant, en tête d’affiche de la Seisach’ Metal Night #4, après trois jours de résidence. Donc le plaisir était mêlé à un peu de fierté... La salle de l’Étage, très longue, ne se prêtait pas forcément à ce ciné-concert, d’autant que la projection est ainsi faite que les sous-titres en français n’étaient pas faciles d’accès pour les personnes éloignées et/ou de petite taille. En dépit du son un peu fort, le silence absolu qui régnait montre à quel point les spectateurs ont été happés, immergés dans cette création de haute volée. Les mots manquent pour décrire ce qui les attendait, tant la composition, s’adaptant parfaitement à chaque sinuosité, pause ou embardée du film, est soignée et buissonnante et les atmosphères variées, se permettant même un passage jazzy ! Le jeu de lumières finissant de mettre en valeur les partitions de chaque musicien. Un moment intense et fort en émotions !
Malheureusement, pour les raisons avancées en début du report, l’audience s’est peu à peu clairsemée, car il fallait trouver sa place pour le moment fort de ce Day 1 : Emperor. C’était un réel événement et c’est Insahn lui-même qui en a donné l’une des explications durant le concert : Emperor jouait en effet en France pour la première fois en indoor depuis … 1999 ! Booker les Norvégiens a représenté pour Fred un travail aux corps de deux ans, concrétisé seulement au printemps dernier. Les efforts et l’abnégation paient toujours, d’autant que Garmonbozia est devenu depuis le producteur d’Emperor dans l’Hexagone ! Pour revenir à la soirée, l’ambiance, mêlant plaisir, attente et tensions, était vraiment spéciale. Un set plus que rodé, frôlant les 90 mn et introduit sur "Nightside" puis le titre "In the Wordless Chamber", a montré toute la classe et la maitrise scénique d’Emperor, ainsi que la force et la sophistication de son Black Metal. On approche même la transcendance d’une messe noire, lorsqu’a été joué "Inno a Satana", attendu par toutes et tous. La foule est sortie groggy et béate, lorsque les deux morceaux "Into the Infinity of Thoughts" et "Ye Entrancemperium" ont été joués en rappel. La soirée s’achève dans une plénitude totale et extatique, très largement partagée dans cette communion, qui à elle seule devait justifier tous les efforts, y compris financiers, accomplis par les metalheads pour se rendre jusqu’à Rennes…
Mon live report aurait dû en rester là, à part que je me suis offert une petite gourmandise le lendemain. Le triple effet d’une rentrée précoce d’une sortie en famille, d’une faible aménité climatique sur la Bretagne et de la proximité de ma location, située à quelques minutes seulement du Liberté, m’a autorisé un aller-retour express, moins pour compenser mon absence devant RLHT la veille, que pour assister à une autre rareté : Ved Buens Ende, les papas légendaires du Black-metal avant-gardiste bordel ! Très rares sur scène, les Norvégiens jouaient tout simplement pour la première fois en France ! Leur présence aux 25 ans de Garmonbozia a été tardive, annoncée seulement en septembre, car quelque peu fortuite : elle a été permise par l’annulation d’une partie de la tournée sud-américaine de Dødheimsgard, rendant par ricochet Vicotnik et Myrvoll disponibles… Fred s’est précipité sur l’occase : un grand merci à lui ! L’expression d’Objet Musical Non Identifié, utilisée par Xuaterc dans sa chronique de l’indépassable Written In Waters, est plus que jamais valable lorsqu’on assiste à un live de Ved Buens Ende. Et je ne fais pas allusion ici à la présence de Carl-Michael Eide sur un tabouret à roulettes (suite à une très lourde chute subie en 2006), mais bien à la musique déployée durant les 50 bonnes minutes de leur concert ! L’album de 1995 est bien sûr mis à l’honneur, mais la demo ne sera pas oubliée avec "A Mask in the Mirror". L’ambiance est feutrée, souvent haut perchée, drapée par le talent et le groove de Skoll à la basse, également à l’œuvre dans Arcturus et Den Saakaldte (référence justement à un titre de VBE). Le riffing et les hurlements de Vicotnik nous rappellent, comme sur "Carrier of Wounds" ou l’entame de "The Plunderer", que nous sommes aussi là pour entendre du Black Metal. Un Black Metal singulier, magique, perclus d’émotions contrastées (sublime "Den saakaldte"), dont on ne peut sortir tout à fait indemne. Et pourtant… Je vais être franc avec vous : l’Étage était loin d’être garnie ce samedi soir devant Ved Buens Ende, surtout vers la fin de leur prestation… Est-ce qu’il fallait se placer à tout prix devant Carpenter Brut ? Est-ce le signe que certains spectateurs ont été décontenancés devant un tel foisonnement musical ? Est-ce la preuve que d’aucuns n’avaient pas pris la juste mesure du cadeau fait par Garmon’ ce soir-là ? Sans doute les trois ! Mais peu importe, je pouvais rentrer avec à l’esprit cette idée tenace d’avoir assisté pour la première et la dernière fois à un concert de VBE…
Certes j’ai mis du temps et j’ai pris le temps d’écrire ce live report, deux mois après la tenue de ce festival, mais il était important pour moi de le faire, pour que certains lecteurs puissent prendre conscience de l’engagement et de l’abnégation nécessaires à Fred et à la Crew Garmon’ pour arriver à accompagner depuis un quart de siècle la scène Metal en live et parvenir à organiser un tel festival anniversaire ! Malheureusement, il est un principe de réalité que l’on peut éluder : avec quelque 2000 entrées le vendredi et sans doute 25% de plus le samedi, Garmonbozia n’est pas parvenu à approcher de l’équilibre financier, alors que ces deux jours présentaient un programme de folie, alors que vous aviez là le plus gros festival Metal français en salle de l’année 2023… Ne vous attendez donc pas à un événement annuel !
Reconnaissant, j’espère vraiment être de la partie dans quelques années pour les 30 ans de Garmonbozia !
Quelques setlists
Saturnus
- The Strom Within
- Empty Handed
- I Long
- Christ Goodbye
In The Woods…
- Heart of the Ages
- We Sinful Converge
- The Coward's Way
- 2018
- A Wonderful Crisis
- ...in the Woods
- Bròn
- The Awakening
- Carved in Stone
- Tears of A Nation
- Aura
Intro : Clockwork Orange
- Kingdome
- Homebound
- Forest Dweller
- The Dead Stare
- Havenless
- Heimdal
- Isa
- Allf?ðr Oðinn
Intro : Nightside
- In the Wordless Chamber
- Thus Spake the Nightspirit
- Ensorcelled by Khaos
- The Loss and Curse of Reverence
- With Strength I Burn
- Curse You All Men!
- Towards the Pantheon
- The Majesty of the Nightsky
- I Am the Black Wizards
- Inno a Satana
Outro : Opus a Satana
- Into the Infinity of Thoughts
- Ye Entrancemperium
Outro : The Wanderer
- Coiled in Wings
- I Sang for the Swans
- A Mask in the Mirror
- Carrier of Wounds
- It's Magic
- Den saakaldte
- Autumn Leaves
- The Plunderer
2 COMMENTAIRES
Xuaterc le 08/01/2024 à 11:16:29
Merci pour le report. Tu as réussi à me tirer un larmichette sur le reporrt de VBE...
cglaume le 08/01/2024 à 12:51:32
Quelle affiche !!
Chouette ce report !
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