Stuffed Foxes + First Draft le 23/03/2022, La Boule Noire, Paris (75)

Tandis qu’au McDo de Franconville, les potentats de salon se la raclaient en s’esbaudissant devant un burger et un pack de Kro, à grand renfort de blagues et punchlines empruntées à autrui pour s’inventer un sens de l’humour, à défaut d’une personnalité et d’un charisme naturel, dans une petite salle de Paris, deux groupes autrement plus authentiques et sincères dans leur démarche et leur façon d’exprimer ladite sincérité faisaient preuve de générosité sur scène devant une assemblée de connaisseurs. De la personnalité, ces deux formations n’en manquent guère.

First Draft s’adresse aux fans des Belges de Brutus et plus généralement, à celles et ceux qu’une chanteuse derrière les fûts impressionne. A ceci près qu’ici, nous avons affaire à un duo, le bassiste assurant le reste du travail, armé de sa pléthore de pédales d’effets et de ses amplis guitare et basse, l’ensemble créant l’illusion du nombre. Sur album, on salue la prouesse technique, qui n’éclipse pas pour autant la qualité des compositions, complexes et sophistiquées, sans jamais céder à l’esbrouffe. On pouvait cependant se demander comment le groupe parvient à restituer cette richesse en live. Dès les 1e mesures, le doute s’en retourne en coulisses. Marine se montre précise, et ses lignes de chant, mélodiques et puissantes, mélancoliques et solaires dans un même mouvement, emportent avec maestria l’ensemble, tandis que Clément jongle avec ses pédales et sa 4 cordes pour remplir l’espace de ses riffs musclés, inspirés et élégants. La complicité entre les 2 bougres est palpable, le bassiste se tournant régulièrement face à la batterie pour mieux faire circuler l’énergie de leur musique, allant jusqu’à entrer en contact avec la chanteuse, à la fin du set. On aura eu droit au contenu des deux premier EP’s de First Draft, servi avec une fluidité et une maîtrise réjouissantes. En attendant que le groupe sorte un jour un album, il convient de continuer à le suivre, sur des enceintes et sur scène, car il compte parmi ces artistes qui ne trichent pas.

Une bonne partie du public, déjà bien ambiancé par le duo de Tours, s’était déplacé pour Stuffed Foxes, soit Six garçons dans le vent du rock psychédélique teinté de rock garage, dont le 1e album, Songs/Revolving, vous fera tutoyer l’infini, sans même recourir à l’ingurgitation de champignons. Trois guitares, un claviériste qui officie aussi à la six-cordes, un bassiste qui switche sur le clavier lui aussi, et un batteur au jeu organique. Le combo se montre insolent dans la possession de ses moyens. Sur scène, il alterne entre des ambiances tour à tour expérimentales, sensuelles et groovy, d’un titre à l’autre et souvent, au sein d’une même chanson. Peu bavard, le groupe laisse une part belle aux parties instrumentales pour emporter le public dans de longues boucles hypnotiques à la fois musclées et sexy. Du reste, chaque tressaillement, chaque sursaut, chaque mimique, trahit un état de transe assurément communicatif. Dans leur rage possédée, Stuffed Foxes nous imposent l’évidence : ils sont beaux, au même titre que leur musique. Clairement un groupe de scène, qu’il convient de suivre de près.

Moland Fengkov

le 29/03/2022